Antifascisme - Extrême-droite

[Genève] Lutter contre le fascisme c’est se battre contre l’austérité : comment la gauche poursuit son travail réactionnaire

Par un fabuleux tour de passe-passe, le rassemblement contre la conférence d’Alain Soral, qui a réuni 200 personnes le 12 novembre 2016, serait en fait l’expression d’une colère face à l’austérité. La gauche a encore frappé, et si vous n’y prenez pas garde, vous pourriez même en faire partie.

Genève |

La grève des fonctionnaires genevois.e.s durant l’automne 2015 est un des moments importants d’une année mouvementée. Il a contribué a redonner le goût de la rue à des milliers de personnes, au travers des manifestations massives qui se sont succédé, et à l’expression de subjectivités collectives de lutte. Mais il a aussi donné des ailes à la gauche, qui tente depuis d’attiser ses cendres autour de l’opposition à l’austérité. On a donc eu droit à une manifestation au printemps 2016, organisée par un comité unitaire de responsables syndicaux et des représentant.e.s de tout ce que compte Genève de responsables politiques gauchisant.e.s, dont le but et l’ultime horizon reste de gouverner. Sans même rentrer dans la critique de l’électoralisme des partis ou de l’autoreproduction de leur propre importance par les syndicats, il est indéniable que la période d’incertitude et de violence dans laquelle nous évoluons, redonne l’énergie du ratissage le plus large aux jardiniers du citoyennisme.

Dans certains discours de ce samedi, et le lendemain dans la presse, nous apprenions que le rassemblement contre Alain Soral participait d’un combat unitaire contre le néolibéralisme. Il semble nécessaire de rappeler en quoi la naissance d’un grand front ridé contre l’austérité est une entreprise réactionnaire de cette gauche, qui entretien depuis longtemps les causes du mépris qu’elle inspire, mais qui reste encore beaucoup trop souvent une base référentielle pour celles et ceux qui voudraient détruire l’existant. Quand même le capital ne voudra plus de la démocratie, elle en constituera le dernier rempart. Tâchons de ne pas jouer le rôle des créneaux.

Le capitalisme n’a rien de pourrissant, il est en perpétuelle évolution, bien plus que les organisations qui espèrent jouer un rôle dans les conflits à venir. Celles qui font partie de la gauche et qui croient constituer l’opposant intérieur au système dans le spectacle démocratique. Dans un échec programmé, voir programmatique, les mêmes recettes font toujours les mêmes gâteaux immangeables depuis le milieu des années 70. Incapables de saisir les expressions contemporaines de l’opposition du travail contre le capital, et orphelines de toute conception classiste de la guerre en cours, elles se cherchent une base, un discours et des pratiques, en réinventant l’eau chaude. Plutôt que d’accepter l’hétérogénéité des résistances à l’ordre social, elles se replient sur le vieux discours de l’État providence, dévoyé par leurs vilains collègues de droite. Les contorsions pour faire entrer dans leur cadre d’analyse les mouvements à venir, les élections qui ne donnent pas le bon résultat, les quartiers qui s’enflamment, promettent de stupéfiants numéros d’acrobates.

Dans le grand chemin qui mène à la conquête du pouvoir, la gauche continuera de compter sur ce qui lui reste de base présumée. Les fonctionnaires, en tant qu’employé.e.s de l’État lutteront nécessairement à ses côtés pour son maintien et son renforcement. Ils seront inévitablement épaulés par les autoproclamés acteurs culturels, qui deviennent véritablement de gauche quand ils se prétendent alternatifs. D’ancien.ne.s autonomes vieillissant.e.s et quelques jeunes étudiant.e.s viendront compléter les rangs clairsemés des militant.e.s, rincés par la pluie en tentant de recueillir des signatures pour un prochain référendum. Mais ne plus supporter d’être flic plutôt que professeur.e, repeindre le Grand Théâtre, se sentir sale de manifester au côtés des policier.ère.s, sont autant d’exemple d’une transformation du rapport antagoniste à l’ordre social. Tenter d’homogénéiser ces rages, c’est non seulement se tromper sur leur nature, mais surtout contribuer à les étouffer. Faut-il donc être masochiste pour espérer emprunter le même chemin que la Grèce, encore boueux du passage d’Aléxis Tsípras ?

À chaque instant, face au contrôleur TPG, à l’huissier qui fait évacué son logement, aux gardiens de l’ordre des nuits alternative de l’Usine ou d’une autre boîte de nuit ou à la violence que recouvre toute intervention policière, se construisent des rapports conflictuels contre l’existant. Juger leur importance en fonction de la radicalité des pratiques qu’ils font naître est tout autant stérile que de vouloir les apaiser. Chacun porte en lui le même stigmate d’une guerre sociale. Les luttes défensives n’ont rien à envier à celles jugées offensives. Tenter de construire un rapport de force autour d’un vote, ou contre des coupes budgétaires, peut être un puissant levier. Au fond, c’est la finalité qui conduit notre action militante, même lorsqu’elle est aussi floue que par les temps qui courent, qui lui donne sa valeur véritable. Et à ce titre, détruire l’existant constituera toujours un meilleur programme que refonder l’État.

Litchi

P.S.

P.s de la rédaction : selon nous cet article fait référence à cet article la tribune de Genève et à ce discours tenu par Solidarités sur place.

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