Le 12 mars 2017, cela fera 5 ans que l’ancienne station de zoologie expérimentale de l’Université de Genève située du 154 route de Malagnou (Chêne-Bougeries) a été investie par un groupe de squatters. Qu’est-ce qui poussa un collectif d’étudiants et de personnes en formation à passer outre la sacro-sainte propriété privée ? Sans doute une volonté de dénoncer la situation indécente d’une Genève à deux vitesses où les coûts prohibitifs des logements contribuent à paupériser une partie croissante de la population. De plus, le bâtiment se trouve à côté d’une autre maison collective appartenant à la coopérative CIGUË, ce qui ressemblait presque une provocation quand on connaît la longueur de la liste d’attente pour s’y loger. La taille exceptionnelle de Malagnou lui a permis d’être un lieu de rencontre et d’activité diverses qui a contribué à développer un tissu de contact alternatif à Genève. Ici, pas de nostalgie, nous sommes de toute façon trop jeunes pour avoir connu “l’âge d’or” de la doctrine Haegi (quand Genève était l’une des villes les plus squattées d’Europe). Néanmoins, des maisons collectives comme Malagnou contribuent à restaurer des rapports humains dans une ville tendant à l’asphyxie.
Durant ces presque 5 ans d’existence, nous sommes passéEs de squatters à membres respectables d’une association (Xénope), nous payons un loyer et l’Université a cédé la parcelle (et nous avec) à l’État de Genève en échange d’une propriété au centre ville destinée à accueillir des bureaux. Les relations avec l’État ont été assez tendues dès le départ car 4 mois après avoir acheté le lieu, le conseiller d’État François Longchamp (PLR) voulait déjà nous évacuer. Une audacieuse mobilisation en 2013 [voir archives sur malagnou.noblogs.org] avait heureusement pu déjouer leur plan et un premier contrat avec l’État avait été signé en 2014. Ce contrat dure jusqu’au 31 décembre 2016 et devait être renouvelé ensuite en cas d’absence d’avancement du projet immobilier.
En juin dernier, l’Office des bâtiments (OBA) nous avait assuré que notre contrat de bail serait prolongé jusqu’en 2020, le projet de construction sur la parcelle dite de Malagnou étant au point mort. L’espoir était alors au rendez-vous… mais c’était du pipeau !
Au mois de septembre, nous avons appris que le Conseil d’État, par la voix de Serge Dal Busco (PDC), souhaite déloger Malagnou pour que l’Hospice général y loge des requérantEs d’asile. Notre première réaction face à ce projet se résume en trois points :
- Ce revirement ne peut s’expliquer que par l’attitude revancharde et chicaneuse du Conseil d’Etat, qui n’a toujours pas digéré notre mobilisation victorieuse de 2013.
- De notre point de vue, il est moralement inacceptable d’opposer les requérantEs d’asile et les personnes en formation. En procédant de la sorte, le Conseil d’État joue sans scrupule avec les plus nobles sentiments de la population et l’émoi légitime causé par la situation des migrantEs. Si le gouvernement mettait autant d’énergie à construire des nouveaux foyers pour requérantEs d’asile qu’à accélérer les renvois Dublin, la situation serait résolue depuis longtemps. En attendant, il n’est pas question pour nous de payer les pots cassés d’une planification déficiente. Par ailleurs, la lutte des personnes migrantes pour leur dignité est aussi la nôtre ; c’est pour cette raison que nous refusons toute instrumentalisation xénophobe de notre cas.
- Le comble de l’ironie c’est qu’aujourd’hui, Xénope est priée de déguerpir alors que c’est elle qui avaient attiré l’attention de l’opinion publique sur cette maison vide et qui a entrepris tous les travaux de réhabilitation afin de transformer les bureaux et de les labos des scientifiques de l’UNIGE en locaux habitables. Des travaux gratuits pour l’État en période d’austérité, on ne pouvait décidément rêver mieux !
Xénope doit ainsi être sanctionnée pour avoir pris un peu trop au sérieux les appels politiques à combattre la crise du logement. Ce faisant, on évite un débat plus gênant sur les propriétés fastueuses de la Rive gauche où se côtoient banquiers protestants, fils de dictateurs, évadés fiscaux (qui n’y séjournent pas à l’année). Mais comprendre les logiques à l’œuvre n’apaise pas. Cela aiguise seulement la colère. Malagnou doit continuer d’être habitée par le collectif qui y vit aujourd’hui, c’était le sens du premier rassemblement organisé le 20 octobre 2016 à deux pas des bureaux de Serge Dal Busco. Un “pipeau d’or” devait en effet être remis à M. Dal Busco pour le remercier de tous ses mensonges. Malheureusement, une équipe de policiers en tenue anti-émeute a voulu empêcher cette remise de prix en nous barrant la route.
Comme disait Deleuze,“ce système où nous vivons ne peut rien supporter : d’où sa fragilité radicale en chaque point, en même temps que sa force de répression globale.”
Et puisque la seule arme efficace contre la répression est la solidarité, nous vous enjoignons dès maintenant à nous contacter par mail si vous acceptez d’organiser une soirée informative ou un autre événement sur la situation de Malagnou dans votre ville : malagnou [1] riseup.net
Malagnou Kids On The Block - MKOTB
Site du collectif d’habitation : malagnou.noblogs.org
Compte rendu du rassemblement du 20 octobre 2016
Tract diffusé au rassemblement contre la hausse des taxes