Par Mia Mingus
16 janvier 2022
Ces jours-ci, les personnes valides peinent à trouver grâce à mes yeux. Je me suis mise en retrait de la plupart de mes relations avec les valides de mon entourage parce qu’honnêtement, je ne parviens pas à exprimer l’ampleur de la rage handie que je ressens au sujet de cette pandémie, ni l’ahurissant nombrilisme des valides occupé⋅es à défendre leur bon droit. Impossible de demander gentiment des nouvelles ou de m’entendre demander comment je vais, dans ce contexte de souffrance de masse, de maladie et de mort. Je ne peux plus me pencher sur les analyses qui au milieu d’une pandémie, détaillent les taux élevés d’infection, de maladie et de mort dans les communautés des personnes racisées, Noires et Indigènes qui omettent d’évoquer la situation des personnes handicapées dans ces mêmes communautés. Je ne peux plus écouter la direction du CDC (ndt : le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, principale agence fédérale de protection de la santé publique) affirmer qu’il est encourageant que seules les personnes qui n’étaient pas en bonne santé avant l’infection mourront des suites d’Omicron, et avoir vent des vacances extra-continentales de mes soi-disant camarades. Je ne peux plus prendre part aux conversations prétendument politiques qui ne reconnaissent pas le handicap, le validisme et la suprématie valide alors qu’on est au cœur d’une pandémie.
Nous n’échangerons pas les morts des personnes handicapées contre les vies des personnes valides. Nous ne permettrons pas que des personnes handicapées soient jetables, ni qu’elles servent de variables d’ajustement pour le maintien du statu quo. Nous ne détournerons pas le regard de la maladie et de la mort de masse qui nous environnent, ni d’un appareil d’État, qui tout à son laisser-faire eugéniste, s’applique essentiellement à perpétuer le profit et le confort des privilégié⋅es.
Nous savons que l’État nous a laissé tomber. Nous observons en ce moment même s’exercer une violence pandémique validée par l’État : le meurtre, l’eugénisme, la maltraitance et une négligence glaçante sont les seules réponses aux souffrances, à la maladie et à la mort que nous subissons en masse. Nous sommes la nation la plus riche du monde, et nous continuons de préférer la rentabilité et le confort aux dépens des personnes et de la vie. L’État enfonce profondément le couteau de la souffrance dans les tripes de ceux et celles qui sont déjà à terre. Sa cruauté est sans limite et sans remords.
L’État enfonce profondément le couteau de la souffrance dans les tripes de ceux et celles qui sont déjà à terre.
Du côté de la gauche radicale, nous ne sommes pas vraiment surpris⋅es. Nous avons vu ce que l’État était prêt à faire subir à son propre peuple. Nous n’avons jamais pu compter sur l’État puisque nous savons qu’il ne se soucie pas de nous ni de notre communauté. Nous avons toujours dû nous organiser en dehors de l’État. Rien de nouveau. Nous sommes déjà passé⋅es par là et nous y voilà de nouveau.
Nous savons que nous avons besoin d’un changement systémique pour que notre communauté puisse – littéralement – survivre à cette pandémie, mais nous savons aussi que le type de changement dont nous avons besoin a peu de chance d’advenir. Il est dans l’intérêt de celleux qui ont le pouvoir de maintenir les gens éloignés du soin, malades et dépendants de miettes de plus en plus maigres. C’est là une des raisons de l’efficacité du validisme et de la pauvreté, et ce qui explique pourquoi les deux vont si souvent de pair. Il y a tant de choses en ce moment que nous ne pouvons ni maîtriser, ni changer, même si nous le voulions désespérément. Tandis que nous luttons pour des changements systémiques, nous pouvons aussi transformer ce qui se passe au sein de nos communautés. Nous pouvons apprendre de nos erreurs et tenter, c’est la moindre des choses, de ne pas empirer les choses.
Opposer la nécessité du changement étatique et systémique à celle du changement individuel et communautaire repose sur une fausse alternative. Les deux sont nécessaires pour sortir du chaos pandémique, comme pour toutes les libérations pour lesquelles nous nous battons. Il faut accorder des primes de risque aux travailleurs⋅euses essentiel⋅les, mettre fin aux expulsions, payer les gens pour qu’ils restent à la maison, distribuer des tests gratuits à tout le monde. Il est aussi indispensable que tout le monde porte des masques, cesse d’organiser et de participer à des rassemblements en présence, cesse de voyager inutilement, se vaccine et reçoive sa dose de rappel. Certaines personnes à gauche ne parlent que du besoin de mesures étatiques, alors qu’elles-mêmes ne sont pas vaccinées ou n’ont pas fait leur rappel et n’ont pas cessé d’organiser ou d’assister à des rassemblements en présence. Si la justice transformatrice nous a appris une chose, c’est bien que le changement systémique n’est pas suffisant. De nombreux changements doivent aussi se produire au niveau communautaire et individuel.
Opposer la nécessité du changement étatique et systémique à celle du changement individuel et communautaire repose sur une fausse alternative.
Les vaccins ont mis en lumière le profond ancrage du validisme dans nos cultures politiques. Les personnes handicapées en ont toujours eu conscience, mais les personnes valides m’ont incroyablement déçue et mise en colère, particulièrement celles qui au sein de nos mouvements, ont renforcé la suprématie validiste, via la culture et le privilège valide, esquivé leurs responsabilités et ont manqué opportunité après opportunité de défier cette suprématie et d’agir en solidarité avec les personnes handicapées et leurs communautés.
Pourquoi avons-nous permis que l’on présente le vaccin comme un choix individuel plutôt que comme une action collective au nom de l’interdépendance et de la solidarité avec les personnes handicapées (en particulier celles à haut risque), les aîné⋅es, les enfants qui ne peuvent pas se faire vacciner, les pays du Sud global, les travailleurs⋅euses essentiel⋅les et celles et ceux qui n’ont pas la possibilité de travailler depuis la maison ? Pour celles et ceux qui peuvent se faire vacciner, il ne s’agit pas de choix personnel. Ça n’a rien à voir avec le fait de décider d’avorter, arrêtez avec ça. Ne pas se faire vacciner n’a rien du « mon corps, mon choix », c’est comme conduire en état d’ébriété ou exposer quelqu’un·e à la fumée de sa cigarette.
Nous devrions parler de la vaccination pour la faire entrer dans notre culture politique à gauche. En parler sur les réseaux sociaux est important, mais il est plus important encore d’avoir cette conversation avec les gens qui nous entourent. Non pas pour faire honte, car on sait, grâce à la justice transformatrice, que faire honte n’est pas utile, mais de façon à engager la conversation et poser des conséquences claires, et non des punitions.
Le fait de se faire vacciner et de faire ses rappels devrait être présenté comme faisant partie de notre engagement politique en faveur de l’interdépendance, de la justice pour les personnes handicapées [1] et de la solidarité. J’ai été écœurée, mais pas tellement surprise, du nombre de personnes de nos mouvements qui ont les moyens d’être vaccinées, qui ont choisi de ne pas l’être et continuent d’aller au restaurant, dans des fêtes, au lieu de rester chez elles et de protéger les autres. En tant que personne qui a subi des abus phénoménaux, dont des abus sexuels, au sein de l’institution médicale, je ne soutiens en aucune manière l’imposition forcée de traitements médicaux, y compris de vaccins. Je veux que vous vouliez faire ce qui est juste. Je veux que vous vouliez protéger les autres et vous soucier d’elles et d’eux. Si vous avez les moyens de vous vacciner, mais que vous vous opposez catégoriquement à le faire, alors pour notre sécurité collective, restez chez vous et tenez vous loin des autres.
Le fait de se faire vacciner et de faire ses rappels devrait être présenté comme faisant partie de notre engagement politique en faveur de l’interdépendance, de la justice pour les personnes handicapées et de la solidarité.
La culture valide apprend aux valides que les choses leur sont dues. Vous avez le droit de ne jamais avoir à apprendre quoi que ce soit au sujet du handicap et du validisme. Vous avez le droit de vous mouvoir dans le monde et de rejoindre nos mouvements, même sans la moindre once de compréhension ni d’analyse politique au sujet du handicap, ce qui ne vous empêche pas de pontifier au sujet de toutes les autres formes d’oppression et de violence. La culture validiste dans nos mouvements, c’est de pouvoir répéter « nous devons mettre au centre celles et ceux qui sont les plus concerné⋅es » chaque jour, tous les jours, mais de ne pas mettre les handicapé⋅es au centre de ses préoccupations, même celleux à hauts risques, en plein milieu d’une pandémie. Le bon droit des valides, c’est que vous continuiez à programmer vos séjours à l’étranger en plein pic de Delta ; que vous continuiez à publier des photos de vos grandes réunions de famille en plein pic d’Omicron.
Vous n’avez pas de droit sur nos mort·es. Vous n’avez pas de droit sur les morts de nos proches sacrifié⋅es au nom du capital, du privilège et de « la vie normale ». Vous n’avez pas de droit sur notre silence qui tapisse nos douleurs et souffrances, ni sur le goudron visqueux du deuil qui nous plombe. Vous n’avez pas de droit sur notre peur et notre terreur face à l’aggravation de la situation et du chaos de cette pandémie, tandis que nous nous demandons si nous pourrons un jour sortir de chez nous à nouveau en nous sentant en sécurité.
Vous profitez de vos relations aux dépens de notre isolement. Vos besoins sont toujours plus importants que ceux du collectif. Quand vous choisissez de faire des paris avec votre propre santé, vous prenez seulement en considération les risques que vous prenez et jamais ceux que vous faites courrir aux autres. La manière dont le bon droit des valides évalue les risques ne varie pas : « serai-je malade ? Je m’en remettrai bien. Ma famille ira bien, mes enfants iront bien », jamais il ne se demande : « est-ce que ça ira pour elleux ? Est-ce que ça ira pour leurs enfants, pour leur famille ? Est-ce que toutes les personnes avec lesquelles iels interagissent iront bien ? » Jamais il ne se demande : « Est-ce que ça pourrait blesser leur pays, leur continent ? » Bien emmitouflé⋅e dans votre bravade de privilégié⋅e valide : « ça ne peut pas m’arriver. Je suis en bonne santé », jamais vous ne vous demandez : « Qui pourrais-je exposer ? Je m’en remettrai peut-être, mais quelqu’un d’autre ne s’en remettra peut-être pas. »
La suprématie validiste signifie que beaucoup d’entre vous estiment à tort que si vous attrapez le covid et que vous vous en tirez avec un covid long, l’État ou votre communauté s’occupera de vous. Vous en êtes persuadé·es parce que vous ne savez rien de la réalité vécue du handicap dans ce pays. Le privilège valide implique que vous n’avez pas à écouter les personnes handicapées ni à apprendre ce que sont le validisme et la suprématie validiste. Notre gouvernement se fiche des personnes handicapées qui existent déjà. Penser qu’il prendra soin de vous si vous devenez handicapé⋅es à cause du covid, comme des millions d’autres le deviendront, c’est le fruit de votre ignorance validiste.
Le privilège valide implique que vous n’avez pas à écouter les personnes handicapées ni à apprendre ce que sont le validisme et la suprématie validiste.
J’ai besoin que vous vous souciiez davantage des vies des personnes handicapées que de vos vacances ou de vos fêtes. L’isolement est l’une des pierres angulaires du handicap dans un monde de personnes valides. Il est partie prenante du trauma provoqué par le validisme. Les personnes handicapées sont marquées encore et encore par l’isolement provoqué par l’inaccessibilité matérielle, sociale et culturelle, par le stigmate, la peur, la violence et la honte. Nous négocions avec des formes variées de distance sociale tout au long de notre vie. Pendant cette pandémie – c’est-à-dire pendant des années, beaucoup de personnes handicapées, en particulier celles à haut risque, n’ont pas quitté leur maison ni vu quiconque, excepté les personnes avec qui elles habitent. Vous prenez pour acquis le luxe d’une relation vécue en présence et vous pensez que continuer à en avoir est votre droit le plus strict, même si cela implique de risquer de prolonger et d’aggraver la pandémie, alors même que des milliers de personnes autour de vous meurent et souffrent.
Nous ne savons pas quand un prochain variant s’affirmera comme une menace. Les scientifiques observent de nombreux variants qui ne sont pas encore devenus des menaces. Plus le covid est autorisé à circuler au sein d’une communauté, plus il a de chance de muter et d’engendrer un nouveau variant. Nous ne pouvons pas continuer à risquer la sécurité collective au nom des petits plaisirs individuels. Nous ne pouvons pas continuer à sacrifier les besoins à long terme au nom de la satisfaction des désirs à court terme.
Les personnes handicapées ne sont pas jetables. Nous sommes votre présent redouté et votre inévitable futur. Nous sommes ce que l’âge et le temps promettent plus que tout, et c’est pourquoi vous avez peur de nous, et que vous nous avez continuellement repoussé·es et caché·es. Vous ne nous voulez pas trop près de vous, vous ne voulez pas être quotidiennement ramené à notre différence et à vos privilèges ; vous ne voulez pas avoir à changer vos vies pour nous. Nous devons être jeté·es à la benne, soigneusement oublié·es pour que vous puissiez continuer à faire semblant, sans interruption.
Les pandémies, le changement climatique, la pollution et la toxicité ont fait pencher la balance et augmenté les chances que le handicap représente notre futur collectif. Vous avez peut-être pu détourner les yeux de la violence d’État, de la pauvreté et de l’addiction, mais qu’en est-t-il lorsque c’est l’air même que vous respirez qui devient une menace ? Quand il n’est plus possible d’échapper à la catastrophe climatique et que vous ne pouvez pas vous permettre de quitter la planète ? La sécurité individuelle est un mythe en soi. Elle n’existe pas sans sécurité collective, et la sécurité collective implique que personne ne soit en sécurité si tout le monde ne l’est pas.
Vous interrogez vos privilèges, mais jamais vos privilèges de personnes valides. Vous vous éduquez sur les oppressions, mais jamais sur le validisme. Vous adorez vos communautés des Personnes racisées, Noires et Indigènes, queer, prolétaires, abolitionnistes [ndt : de la prison et de la police], anti-racistes, féministes, d’immigré·es, mais vous ne semblez jamais vous souvenir de l’existence de personnes handicapées dans ces communautés, et dans toutes les autres.
Les mien·nes meurent et sont terrifié·es. Et ça ne semble pas vous intéresser. Ça ne semble pas vous intéresser parce que vous ne les voyez pas – parce que vous ne nous voyez pas – comme étant aussi des vôtres. Quand vous me parlez de justice raciale, de justice du logement, de justice sanitaire ou de justice du genre, de qui parlez-vous exactement ? Pour quelle justice luttez-vous ? Parce qu’il semble que les personnes handicapées n’en fassent jamais partie ou, si c’est le cas, seulement en théorie et pas en pratique ; seulement pour vous donner bonne conscience. Ou seulement quand des personnes handicapées sont dans la pièce et qu’elles sont à l’initiative de la discussion.
Je ne veux pas être votre ami·e ou camarade racisé·e-handicapé·e-politisé·e de service. Si vous vous souciez de moi, j’ai aussi besoin que vous vous souciiez des personnes handicapées et de leurs communautés, car si vous ne vous intéressez pas à elleux, vous ne vous intéressez pas à moi. Si vous vous souciez de moi, alors j’ai besoin que vous compreniez votre position de personne valide et que vous remettiez en question la suprématie validiste, et plus particulièrement la culture validiste qui considère la vie des personnes handicapées comme négligeable dans cette pandémie.
J’ai besoin que vous ne vous contentiez pas de dire que vous êtes solidaires avec les personnes handicapées ou que vous trouvez que la justice du handicap est importante ; j’ai besoin que vous la pratiquiez. J’ai besoin que vous engagiez des conversations difficiles avec d’autres personnes valides à propos des vaccins et des rappels, des masques et de l’annulation des rassemblements, du travail et des voyages non-nécessaires. De nombreuses personnes handicapées ont déjà fait ce travail parce qu’elles n’avaient pas le choix. Nous avons perdu des contacts, on nous a crié dessus, moqué⋅es, ridiculisé⋅es, on nous a dit que nous surréagissions, que nous vous persécutions ou cherchions à vous contrôler, simplement parce que nous ne voulions pas mourir. Simplement parce que nous ne voulons pas que d’autres personnes meurent. Simplement parce que nous ne pouvons pas nous permettre d’être à la merci d’un système de tri médical qui peut nous considérer indigne de recevoir un traitement, en raison de notre handicap, de notre maladie, de notre classe, race, couleur de peau, accent ou statut d’immigrant⋅e, de notre genre ou de notre corpulence. Simplement parce que nombre d’entre nous savaient ce qui allait arriver – ce qui arrive – et nous savions que nous ne pourrions pas l’arrêter sans vous, et nous savions que vous choisiriez toujours votre propre confort et votre plaisir plutôt que la sécurité collective, plutôt que l’interdépendance. Comment mettre des mots sur l’angoisse que suscite le fait de compter sur des gens qui n’ont pas besoin de vous ?
Il nous faut envisager cette pandémie en termes d’interdépendance. C’est le bon angle politique, car c’est le seul qui soit moral et humain. L’interdépendance reconnaît que nous sommes lié·es dans notre survie, que nous sommes interconnecté·es et que tout ce que nous faisons a un effet sur les autres. Si cette pandémie a bien fait une chose, c’est de montrer l’incapacité profonde de notre société à valoriser et à mettre en pratique l’interdépendance. L’interdépendance est le seul moyen de résoudre les problèmes éminemment urgents auxquels nous sommes confronté·es aujourd’hui. Si nous ne comprenons pas notre relation d’interdépendance avec la planète, nous ne survivrons pas en tant qu’espèce.
La culture validiste vous apprend à agir comme si vous étiez indépendant·e, à adhérer au mythe de l’indépendance. Rejetez cela. Adoptez l’interdépendance et prenez conscience qu’il s’agit du seul moyen qui nous rende capables de mettre fin à cette pandémie. Sachez que si nous mettons les personnes handicapées, et en premier lieu celles à haut risque, au centre de nos préoccupations, cela aidera tout le monde. Plus de personnes vaccinées et à jour dans leurs rappels, c’est moins de personnes qui submergent les hôpitaux et plus de lits de réanimation et de personnel médical disponible pour celles et ceux qui en ont réellement besoin. Cela signifie également que les opérations non-urgentes et les autres procédures médicales vitales ne devront pas être reportées à cause d’un système médical débordé. Moins de personnes voyageant inutilement signifie moins de chance pour le virus de se diffuser et de muter, et que celles et ceux qui ont besoin de voyager (par exemple pour prendre soin d’un·e proche malade) courent moins de risques. Pour celles et ceux qui le peuvent, rester à la maison et ne pas sortir quand ce n’est pas nécessaire permet de créer des conditions plus sûres pour celles et ceux qui ne sont pas en mesure de rester chez elleux. Décliner des invitations et en expliquer la raison permet non seulement d’arrêter la propagation, mais aussi de donner l’exemple du soin, des contraintes et de l’interdépendance.
Transformez votre déception de devoir annuler un événement en une opportunité de pratiquer l’interdépendance, la solidarité et la justice du handicap. De la même façon que vous pourriez vous retenir d’assister à un spectacle ou d’acheter quelque chose parce que vous voulez soutenir des travailleur·ses en grève, soutenez les groupes les plus vulnérables dans cette pandémie. Cela inclut les pays du Sud global, où sont présent·es de très nombreuses personnes racisées, Noires et Indigènes handicapées, car nous savons bien qu’elles feront les frais des privilèges, de l’égoïsme et de la cupidité des pays du Nord (par exemple en n’autorisant pas la levée des brevets sur les vaccins, qui permettrait de ralentir la propagation du virus). Si nous nous mobilisons tous·tes pour protéger les plus vulnérables, si nous pratiquons tous·tes ensembles l’action collective, nous pouvons significativement contribuer à réduire les risques et les dommages pour tout le monde.
La solution ne peut pas passer par la contamination de tous·tes au covid. Il s’agit d’eugénisme, car de nombreuses personnes handicapées à haut risque mourraient du covid et celles et ceux qui n’en mourraient pas auront de graves complications et des répercussions à vie sur leur santé et leur bien être, notamment en cas de covid long. Ne tombez pas dans le panneau de cette pensée eugéniste qui suppose le sacrifice des plus vulnérables. Le covid long est réel et peut toucher n’importe qui.
Cette pandémie va engendrer des millions de personnes handicapées supplémentaires souffrant de maladies chroniques. Sommes-nous prêt·es pour ce qui nous attend ? Sommes-nous prêt·es à faire face à l’augmentation du nombre de personnes souffrant de maladie chronique ? Sommes-nous prêt·es à la nécessaire modification de nos mouvements et de notre travail politique que cela implique ? Ou allons-nous continuer à exclure le handicap et les personnes handicapées de nos mouvements et de nos communautés ? Allons-nous continuer d’oublier le validisme et la suprématie validiste dans notre travail de libération ?
S’il y a jamais eu un moment pour se montrer solidaire des personnes handicapées, c’est maintenant. Comme c’est le cas depuis le début de la pandémie. Tout dépend de ce que vous pouvez faire maintenant. C’est le moment de vous réorienter, de vous (ré)aligner avec vos valeurs. Nous n’avons pas besoin de vos excuses, nous n’avons pas le temps pour cela, nous avons juste besoin que vous fassiez mieux. Si vous êtes valide, parlez aux autres personnes valides. À cause du validisme, iels seront plus ouvert·es à la discussion si elle vient de vous plutôt que de nous. Aidez-les à s’éduquer. Ne participez pas à la reconduction de la suprématie validiste. Désapprenez tout ce qui ne sert pas l’interdépendance.
L’interdépendance c’est en fin de compte le « nous » qui prime sur le « je ». C’est la compréhension que nous sommes lié·es les un·es aux autres, par notre simple existence sur cette planète. L’interdépendance est génératrice et fondée sur le soin des autres. Elle ne vit pas dans l’obligation ou le bon droit, mais plutôt dans un enthousiasme aimant et un don sacré. Elle ne peut pas exister dans la pénurie, la compétition, la comparaison, la domination ou la cupidité. Elle s’épanouit dans l’abondance, en appréciant et honorant la différence, dans le soin et l’accès collectif. L’interdépendance peut aussi bien exister entre deux personnes qu’entre six milliards.
L’interdépendance c’est en fin de compte le « nous » qui prime sur le « je ».
L’interdépendance nous demande d’imaginer de nouvelles façons d’aller de l’avant avec l’intention et la profonde volonté de s’engager avec les autres. Nous avons besoin de vous. Nous avons besoin de nous tous⋅tes. On ne pourra pas sortir seul·es de cette pandémie. On ne pourra pas arrêter la propagation ou pousser nos gouvernements à en faire plus, seul·es. Nous avons besoin les un·es des autres. Nous avons besoin les un·es des autres. Nous avons besoin les un·es des autres.