Écologie - Antiindustriel Action directe

Mouvements Ecolos - Pour un changement de stratégie

Le mouvement écologiste poursuit une stratégie de guerre d’usure. Cette stratégie échoue. Nos victoires occasionnelles n’affaiblissent pas réellement les institutions qui développent l’industrialisme ; au mieux, nous ne faisons que ralentir la vitesse à laquelle il se renforce.

Les conséquences de la société thermo-industrielle sont déjà terribles, pour les humains comme pour les non-humains, et elles empirent. Nous le savons depuis longtemps. Pourtant rien ne change.

Les écologiste s’en remettent à des solutions indirectes, galvaudées, qui ont montré leur inefficacité : transformation volontaire de masse, action gouvernementale, technologie verte, efficacité énergétique.

Une fois qu’on les abandonne, cela libère les possibles. Notre travail devient une analyse relativement simple de la stratégie et des tactiques visant à arrêter physiquement l’approvisionnement en combustibles fossiles.

L’échec de la guerre d’usure

Le mouvement écologiste poursuit une stratégie de guerre d’usure. C’est une lutte lente et prolongée, qui vise à affaiblir l’ennemi jusqu’à ce qu’il s’effondre lui-même. Dans notre contexte, cela se traduit par une réaction défensive face aux attaques du système industriel : nous nous opposons à un seul projet destructeur à la fois.

Cette stratégie échoue. Nos victoires occasionnelles — comme Notre Dame des Landes ou Sivens — n’affaiblissent pas réellement les institutions qui développent l’industrialisme ; au mieux, nous ne faisons que ralentir la vitesse à laquelle il se renforce. Pour les remporter, nous mobilisons la quasi-totalité de nos forces si bien que des dizaines de grands projets similaires se construisent parallèlement et ne rencontrent peu ou pas d’opposition.

Pour commencer à gagner notre guerre d’usure, nous aurions besoin non seulement de bloquer toute expansion industrielle - ce que nous sommes loin de réussir à faire - mais nous devrions également forcer la fermeture des infrastructures existantes : pipelines, centrales électriques et champs de pétrole. En réalité, même si nous y parvenions, hypothèse fort optimiste, notre stratégie resterait un échec.

En effet, la guerre d’usure ne fonctionne que si l’on vainc l’adversaire tout en limitant ses propres pertes. Elles doivent se maintenir à des niveaux acceptables sur de longues périodes, puisqu’il faut que l’usure de l’adversaire soit plus rapide que la nôtre. Mais il n’y a rien d’acceptable (encore moins sur de longues périodes) dans l’augmentation actuelle d’émissions de CO2, ou dans la diminution de la biodiversité. La catastrophe est imminente. Même si nous avions les ressources pour mener une guerre d’usure, ce qui n’est pas le cas, nous n’avons certainement pas le temps.

Sur le plan tactique également, nous comptons sur l’usure : nous intentons des procès, boycottons des entreprises, bloquons les infrastructures et nous accrochons nos corps aux machines de construction. En d’autres termes, nous essayons d’augmenter les coûts des projets, afin de les rendre non rentables. Mais encore une fois, nos ressources sont bien faibles face à celles de nos adversaires. L’État ou les multinationales peuvent facilement octroyer des fonds de plusieurs milliards d’euros pour surmonter ces obstacles, sans compter le fait que les firmes et les gouvernements peuvent prédire nos tactiques et donc les contourner.

La guerre d’usure est une stratégie absurde dans notre position. Nous n’avons ni les ressources pour faire face à notre adversaire ni le temps pour l’essouffler sur la durée. Notre situation est la définition même de la lutte asymétrique : deux parties opposées aux moyens fortement inégaux. En tant qu’individus comme en tant que mouvement, nous devons voir au-delà d’une guerre d’usure fragmentée.

La stratégie d’échec en cascade

La guerre contre la planète, contre la majorité des êtres humains et contre les générations futures repose sur les combustibles fossiles. Pour aller au-delà d’une stratégie d’usure, nous devons penser en matière de systèmes, de flux, de nœuds et surtout de goulots d’étranglement. Nous devons comprendre comment le pétrole, le charbon et le gaz sont extraits, transportés, transformés, distribués et brûlés, et à quels endroits nous pouvons intervenir pour un impact maximum.

Concrètement, nous n’avons pas besoin de démanteler toutes les usines, de détruire tous les bulldozers, de démolir toutes les routes. Nous devons juste paralyser ce qui leur permet de fonctionner : leur infrastructure.

Les systèmes industriels supportent la perte d’une ou deux composantes sans subir de dégâts supplémentaires et résolvent rapidement les problèmes engendrés. Mais ces systèmes sont conçus pour l’efficience (produire beaucoup et vite), non pas la résilience (résister aux chocs). Lorsqu’un nombre suffisant de pièces critiques font défaut simultanément, les défaillances se répercutent dans le système, comme une série de dominos, et entraînent l’arrêt de plus en plus d’éléments. Les impacts augmentent de façon exponentielle, les perturbations les plus longues persistent. Dans les bonnes circonstances, un échec en cascade peut mener tout le système au point mort. Avec des actions répétées, il peut ne jamais redémarrer.

Vers une meilleure sélection des cibles

Contrairement à la situation actuelle, où les militant.es sélectionnent le projet à bloquer selon des considérations symboliques ou en fonction des dommages immédiats causés par celui-ci, la stratégie d’échec en cascade nécessite un choix précis des cibles.

Justement (!), les forces d’opérations spéciales des États-Unis ont mis au point la matrice CARVER pour une meilleure sélection des cibles :

Criticalité : Quelle est l’importance de l’élément pour le système ?
Accessibilité : Est-il facile d’atteindre l’élément ?
Recupérabilité : À quel point le système peut-il reprendre rapidement et facilement ses fonctionnalités après avoir endommagé l’élément ?
Vulnérabilité : Est-il facile d’endommager l’élément avec les tactiques et armes disponibles ?
Effet : Quels sont les effets secondaires indésirables pouvant être entraînés ?
Reconnaissabilité : Est-il facile d’identifier la cible dans des conditions défavorables, telles qu’une nuit sombre et pluvieuse ?

La plupart des militant.es écologistes, légalistes ou non, ont jusqu’à présent choisi des cibles accessibles et vulnérables. Mais elles ne sont ni critiques ni difficiles à remplacer. Des militant.es, soucieux d’être efficaces, devraient penser selon les critères de la matrice CARVER dans le but de déclencher un échec en cascade.

Cet texte est extrait de l’article “Comment arrêter la société industrielle ?” publié sur le blog www.vert-resistance.org

P.S.

Vert résistance est un blog écologiste radical. Les articles publiés montrent les limites de la société industrielle et discutent des stratégies pour l’abattre.

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