Écologie - Antiindustriel Thème du mois

Écologies quelles histoires ? avec les Archives contestataires

Alors qu’une deuxième ZAD vient d’être constituée et évacuée dans la foulée en Suisse, les Archives contestataires proposent tout au long du mois d’avril des matériaux pour contribuer à inscrire les mouvements écologistes dans l’histoire des luttes sociales.

Depuis deux ans, les Archives contestataires choisissent chaque année un thème ou une question qui structure une partie de nos actions de valorisation. Après « Contester la course accélérée vers l’avenir » et « Culture-contre-culture », nous mettrons, cette année, en avant nos archives des luttes écologistes autour du titre Écologies : quelles histoires ? Renverse.co nous a proposé d’animer le thème du mois d’avril sur ce thème.

Pour ce premier article, nous présentons ici l’argument de ce programme de valorisation et quelques-unes des ressources que vous pouvez trouver dans nos collections. Rappellons que les Archives contestataires sont ouvertes à qui veut les consulter, l’équipe des Archives vous aide volontiers et vous conseille pour vos premières approches en archives. Nous proposerons ensuite plusieurs articles au cours du mois : un article sur la catastrophe de Seveso et sa lecture parmi les militant.es genevois.es, un autre article sur une fuite dans l’usine chimique Firmenich dans le quartier de la Jonction et les tensions qu’elle a occasionnée au sein des syndicats, ainsi qu’une présentation de document.

Dans le même temps, nous proposons sur notre site une première publication sur ce site, autour de la santé environnementale et de la santé au travail au CERN, en collaboration avec le séminaire de l’historienne Véronique Stenger.

Dans son numéro 6-7 (juillet-août 1978), Le Rebrousse-poil, mensuel de contre-information romand publié par des militant·es proches des milieux pacifistes modifie son sous-titre. De « mensuel d’action non-violente, de réflexion et de contre-information », le sous-titre devient « mensuel d’action non-violente, d’écologie et de contre-information » (nous soulignons). C’est que l’été 1978 constitue un pic dans les mobilisations anti-nucléaire en Suisse romande. Plusieurs grandes marches contre l’énergie nucléaire (fête anti-déchets de Bex, marche Corserey/Lucens) ont lieu et les différents comités opposés à cette technique de production d’électricité (CASAK, Comité contre Verbois nucléaire, etc.) sont très présents dans le débat public. C’est également la période de la campagne en faveur de l’initiative anti-nucléaire fédérale « Sauvegarde des droits populaires et de la sécurité lors de la construction et de l’exploitation d’installations atomiques » qui est déposée en mai 1976 et rejetée par le corps électoral le 18 février 1979. C’est aussi l’époque de la grève des mécaniciens intérimaires du CERN qui dénoncent les conditions de travail dans cette vitrine autoproclamée du nucléaire civil et pacifique.

La décision d’ajouter la mention « écologie » au sous-titre du Rebrousse-poil, si elle ne fait pas l’objet d’une explication, intervient dans ce contexte marqué par les luttes anti-nucléaires. Le dessin de Martial Leiter reproduit en couverture du numéro évoque d’ailleurs une apocalypse atomique.

Première page d’une brochure du CIALE
Couverture d’une brochure du CIALE : Centre d’information, d’action et de liaison écologiques, un groupe basé à Genève (si vous détenez des archives du CIALE, nous serions très intéressés à entrer en contact avec vous).

L’éditorial du numéro propose moins une explication de la modification du sous-titre qu’un exercice de dissociation entre deux fractions opposées du mouvement anti-nucléaire : les écologistes et les maoïstes. Sous le titre « Et ta sœur, elle est mao ? », et après quelques citations des journaux maoïstes genevois et vaudois, Jean-Claude Hennet attaque : « (Les maos) tentent aujourd’hui une percée dans le mouvement anti-nucléaire. Il faut en effet évangéliser ces niais d’écologistes, doux rêveurs de la pâquerette ; leur faire comprendre que les dangers découlant de l’implantation de centrales nucléaires disparaîtront avec l’instauration du Stalinisme !! Les écologistes, tout doux rêveurs qu’ils soient, mènent une lutte radicale pour une répartition du pouvoir et des responsabilités entre chaque individu. (...) Pour cela, les grands, justes et glorieux maoïstes de tous poils ne peuvent leur être d’aucun secours. Il fallait bien le dire clairement. »

Cette citation nous plonge au cœur de la problématique que nous souhaitons aborder dans le cadre de notre programme 2022.

Lutter pour une autre répartition des pouvoirs

Cet éditorial du Rebrousse-poil propose une définition des objectifs écologistes en des termes très politiques de lutte pour une autre répartition du pouvoir. Cette ouverture permet de mettre en discussion les différentes positions relatives au pouvoir au sein du mouvement écologiste lui-même et dans les rapports entre ce mouvement et d’autres composantes des mouvements sociaux de la seconde moitié du XXe siècle. Une des questions centrales de l’histoire récente du mouvement écologiste est celle de son devenir-parti, autrement dit, des circonstances qui ont fait de ce mouvement la force électorale qu’il est aujourd’hui et du rapport entre cette force électorale et les mouvements contestataires dont elle est issue. Preuve que la frontière établie par le rédacteur du Rebrousse-poil n’était pas si étanche qu’il semblait, plusieurs militants maoïstes ou trotskystes se sont dirigés, dès les années 1980, vers l’écologie devenue parti.

Couverture du Rebrousse-poil
Couverture du Rebrousse-poil au moment de l’ajout de la mention « d’écologie » dans le sous-titre du journal.

Par ailleurs, le début de la citation (« les dangers découlant de l’implantation de centrales nucléaires disparaîtront avec l’instauration du Stalinisme !! ») ouvre, sous la forme d’un énoncé prêté par provocation aux groupes maoïstes, la question du rapport des mouvements sociaux aux technologies. Si pour certains le contrôle ouvrier sur les technologies est le garant, si ce n’est de leur innocuité, du moins de leur usage le plus favorable, d’autres identifient et dénoncent les risques sanitaires inhérents à l’activité productive. Les archives récemment versées à notre association par Lucile Hanouz témoignent parfaitement de ce type de dénonciations. Salariée de la CFDT du Pays de Gex puis du Syndicat interprofessionnel des travailleurs (SIT) à Genève, Lucile Hanouz est impliquée dans les grèves menées au Centre européen de la recherche nucléaire pendant la construction du deuxième anneau du LEP. Cet engagement syndical initial va l’amener vers une critique beaucoup plus large des mesures de radioprotection du personnel du laboratoire européen et finalement à s’associer aux critiques fondamentales contre la recherche atomique qu’elle formule avec les physiciens Pierre Lehmann et André Gsponer et le sociologue Jacques Grinevald dans La Quadrature du CERN (éd. d’en bas, 1984) écouter une présentation du livre par ses auteur.es.

Tu honoreras ton père et ta mère
Une affiche de la Revue de la Tempresse, une publication abordant les questions écologiques par le biais de représentations graphiques mettant brutalement en évidence les contradictions de la société capitaliste.

Quelles histoires, quelles archives ?

Nous voudrions profiter de ce programme de valorisation pour renforcer la collecte des archives des mouvements écologistes. Nos collections sont bien pourvues pour le secteur antinucléaire avec les archives de Contratom, de l’Association pour l’Appel de Genève et du groupe Sortir du nucléaire.

Les mouvements de quartier ont souvent développé un discours et une action autour de la préservation d’éléments naturels en ville comme le Groupe des habitants des Eaux-Vives au sujet de l’emblématique cèdre ou les mouvements de quartier de Plainpalais autour de différents terrains que les autorités destinaient à la densification urbaine.

Les alternatives agricoles sont également présentes dans nos collections avec un premier lot d’archives de la coopérative genevoise Les Jardins de Cocagne.

Notre catalogue de bibliothèque répertorie de nombreux documents relatifs aux questions écologiques :

  • Périodiques, brochures et ouvrages antinucléaires : voir la liste
  • Périodiques, brochures et ouvrages ayant le mot-clé « écologie » : voir la liste
  • Périodiques, brochures et ouvrages ayant le mot clé « agriculture » : voir la liste

P.S.

Depuis sa fondation en 2007, l’association Archives contestataires collecte, décrit et valorise des archives issues de nombreux mouvements sociaux de la deuxième moitié du XXe siècle : contre-culture, anti-militarisme, droits des patients, lutte contre le nucléaire, luttes sociales, contre-information, anti-impérialisme, luttes étudiantes, etc.

Les archives collectées auprès de militant·es, ou de groupes encore existants, sont stockées dans des conditions adaptées à une longue conservation. Elles font l’objet de descriptions accessibles en ligne par le biais d’inventaires et d’un catalogue de bibliothèque.

Les collections des Archives contestataires sont accessibles à toute personne intéressée. Elles peuvent être consultées les jeudis et vendredis en demandant un rendez-vous à l’avance.

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