Répression - Enfermement

Insurrection et répression d’Etat en Colombie

“Aujourd’hui 28 avril, les étudiantEs, les travailleurEs, les syndicats, les indigènes, les afrocolombienEss, les citoyenEs en général, sont sortis pour dire non à la réforme fiscale... nous ne pouvons pas payer plus d’impôts et nous voulons de véritables alternatives qui nous aideront à résoudre nos problèmes”, a déclaré l’une des personnes ayant participé à la mobilisation à Cúcuta.

Colombie |

Le podcast

Interview d’un camarade de la Redher(red de hermandad y solidarid con Colombia) à Bogota

IG : radiocaravana

Contexte

La réforme fiscale prévoit une augmentation de la TVA sur des produits de bases, (services, nourriture, santé) elle prévoit aussi de baisser le revenu minimum imposable. Dans le même temps, des avions de guerre sont achetés, un projet de rente basique n’a pas été mené jusqu’au bout, la gestion de la pandémie est catastrophique, le chômage et le niveau de pauvreté ont augmenté… Et le contexte « classique » reste oppressant. Climat de guerre : criminalisation du mouvement social, massacres, non application des accords de paix avec les Farcs et assassinats de guérilleros qui les ont signés, refus de négociation avec l’ELN. Et aussi entre autres les violences policières qui continuent, les féminicides tout comme la politique extractiviste et la destruction des territoires et de la vie des gens qui y résident…

Le 2 mai, le président Duque a annoncé qu’il allait réviser la réforme fiscale et le ministre de l’économie a démissionné. Mais, les raisons de la mobilisation vont au-delà de cette réforme qui de toute façon n’est pas retirée définitivement et qui en précède une sur la santé à propos de laquelle on a pu le lire : « la réforme fiscale va nous affamer, celle de la santé va nous tuer ». La mobilisation continue donc, pour le retrait définitif de la réforme, pour que cessent les violences policières et surtout, revendication très forte, la démission de Duque, « abajo el mal gobierno ».

Récits

« Les rues de Colombie sont en feu depuis le 28A. Cinq millions de personnes dans les villes et les campagnes se mobilisent dans le cadre de la grève nationale convoquée par les citoyenEs en pleine pandémie ; parce que les décrets, les réformes et les actions de guerre promus par le gouvernement se sont également produits comme ça : en pleine pandémie.
La grève s’est fait sentir dès les premières heures du mercredi matin, lorsque des manifestantEs ont fait un barrage dans la ville de Suba à Bogota, d’autres ont bloqué la route entre Cali et Palmira, et plusieurs travailleurEs d’Ecopetrol occupent les installations de Tibú dans le Norte de Santander. Puis vint le premier choc de la journée : le peuple indigène Misak avait renversé la statue de Sebastián de Belalcazar à Cali.
Peu à peu, d’autres villes et municipalités ont rejoint le mouvement. Cajibío (Cauca), Cantagallo (sud de Bolívar), Cúcuta (Norte de Santander), Santa Rosa de Osos (Antioquia), Barrancabermeja (Santander), Saravena (Arauca) sont quelques-unes des localités qui se sont jointes aux protestations qui se compteront par centaines tout au long de la journée. Selon la Central Unitaria de Trabajadores, le 28 avril, 5 millions de personnes se sont mobilisées dans 600 municipalités. Dans les villes les gens des quartiers populaires sont très présentEs » (Colombia Informa)

« Les familles, les amis, les voisins, le quartier et les bandes de potes, reprennent la date lancée par les mouvements sociaux à travers les réseaux sociaux, et l’on voit dans la rue des rivières de gens marchant vers les points de résistance, vers les entrées de la ville, une manière efficace de rendre un blocage réel, personne n’entre ou ne sort. C’était comme ça le premier jour, des jours de cris, de chants et de danses dans la rue, c’est comme ça que nous sommes à Cali, heureuxE et courageuxE, dignes et festifs, danseurEs et belligérantEs ! Les gens sont rentrés chez eux le soir, fatigués mais avec le sourire complice d’avoir atteint leur objectif. Les jours suivants, les points de blocage se sont multipliés et la participation des communautés a augmenté. La lutte éduque et permet de surmonter la peur de la répression. (…)
Le gouvernement a aussi une expérience, une expérience criminelle et paramilitaire, il commence à détenir, assassiner, faire disparaître et violer des jeunes, qui à l’occasion de journées de mobilisation ont eu une formation accélérée de résistance et de lutte de rue. La réponse répressive de l’État ne s’est pas fait attendre. Compte tenu des mesures restrictives encore en vigueur dans certaines villes du pays, un couvre-feu a été instauré à partir du 28 avril à 20h00 afin de couper les journées de mobilisation. Sous le prétexte de la santé et de l’exigence de ne pas s’agglomérer, ils ont exercé une forte pression sur les gens. » (texte média libre de Cali)

La répression :

Très vite la police a eu la consigne d’empêcher les rassemblements, on voit des images en ville comme en zone plus rurales d’agents de l’Esmad (brigade anti émeute) intervenir sur des marches on ne peut plus calmes. Duque a aussi très vite militarisé le pays, envoyant l’armée contrôler la rue.

Des scènes de folie sont décrites ou visibles sur les réseaux. La police, l’armée et des gens en civils qui les accompagnent, tirent à balles réelles, parfois à la mitrailleuse sur des manifestations ou des regroupements voir sur des passantEs. Des explosifs sont lancés depuis des hélicoptères. La nuit les pandores circulent lourdement armés et tirent sur des gens, entrent en force chez d’autres, procèdent à des arrestations arbitraires et détiennent des gens dans des gymnases ou autres lieux réquisitionnés, des scènes de torture sont décrites, des hurlements incessants sont dénoncés par les voisins. Un exemple : des gens ont été enfermés dans un local auquel la police a mis le feu…
La nuit du 3 au 4 mai, le quartier populaire de Siloe à Cali a été le terrain d’une chasse où les habitants étaient le gibier (on parle de 10 morts cette nuit là). Les quartiers populaires sont évidemment la cible principale de la répression. La nuit du 4 au 5 mai en plus de Siloe c’est dans les quartiers du sud de Bogota (populaires) que la chasse a été lancée.
C’est un traitement de guerre qui est raconté par tout le monde. Au 5 mai, sont recensés et vérifiés, donc chiffre plus bas que la réalité : 1443 cas de violences policières dont 31 tuéEs, 814 détentions arbitraires, 1442 blesséEs dont 17 aux yeux, 10 victimes de violence sexuelle, etc..
Cette violence aussi horrible soit elle s’inscrit dans la continuité de la violence légale et illégale de la contestation en Colombie. Le paramilitarisme existe toujours, le président et « son chef » Uribe (ex-président de colombie) en sont très proches, les personnes qui s’opposent aux projets économiques sont souvent tuées… Plus communément, la violence policière est quotidienne et la répression des manifestations souvent dure.

El paro sigue

La répression bien que terrible a créé de la solidarité et une envie de continuer à se mobiliser plutôt que de rentrer s’abriter. Le 4 mai, le lendemain du massacre à Siloe, les gens se sont réveillés avec ces images et la répression policière été le thème des mobilisations de la journée.
A Cali, épicentre de la répression, les blocages continuent, les divers accès à la ville sont bloqués à différents points : aux abords de quartiers populaires et un vers l’université. Sans la mobilisation des quartiers populaires, les blocages auraient du mal à tenir. Le blocage tient tellement qu’il commence à y avoir des pénuries d’essence et d’autres produits
Quelques autres exemples de blocages :

Sur la route de Popayan des afros, des paysanEs et des indigènes bloquent la panaméricaine (grande route qui traverse le continent). Le cauca reste très mobilisé.
Les routierEs et les taxis se sont joints au mouvement et bloquent aussi des axes, notamment vers Bogota, la plupart des usines du pays sont arrêtées, le port de Buenaventura est bloqué. Cet unique port de la côte pacifique est extrêmement important, dans une ville majoritairement afro qui se mobilise régulièrement.
Ce ne sont que des exemples, il y aussi en Arauca, Santander, Casanare, dans quasiment tous les départements.

Pour plus d’informations

Le Congreso de los Pueblos (un regroupement de beaucoup de mouvements sociaux) appelle à se mobiliser jusqu’à la démission de Duque avec une date limite au 19 mai, et de profiter ensuite de la vacance de pouvoir pour établir des gouvernements locaux provisoires.

Le podcast

image répressionTW morts

Radiocaravana : IG radioacaravana

Pour suivre l’actualité : Colombia Informa

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