Répression - Enfermement

Les carnets de Jérémy* volés par ses geôliers, jusqu’où ira l’acharnement ?

Notre camarade Jérémy* est toujours enfermé à la prison de Champ-Dollon et les autorités semblent prêtes à tout pour l’y garder. Les matons ont récemment volé des carnets de notes personnels dans la cellule de Jérémy* et les ont transmis à la procureure. Mais cette violation crasse de sa vie privée et de son droit à une défense est-elle vraiment surprenante ?

Genève |

Jérémy* est un militant incarcéré à la prison de Champ-Dollon à Genève depuis le 15 mars. Il est accusé d’avoir saboté des véhicules et des engins du géant du ciment Holcim, l’entreprise la plus polluante de Suisse.

Un recours avait été formé contre sa détention, mais il a été rejeté par le tribunal fédéral il y a deux semaines. Sa détention provisioire a été ainsi confirmée et le tribunal, cour suprême du droit suisse, invoque deux motifs :
(1) Jérémy* garde le silence.
(2) Le risque de collusion [1] existe.

Tout d’abord, faut-il rappeler que garder le silence lors d’interrogatoires par la police ou le ministère public est un droit (et est même vivement conseillé) ?

Choisir la stratégie de la protection par le silence ne peut en aucun cas être invoqué pour alourdir une peine - car c'est bien ce dont il s'agit ici : une peine, maquillée en une mesure préventive pour "le bien de l'instruction".

Rappelons ensuite que Jérémy* est accusé d’une action qui a eu lieu il y a un an et demi, et qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrestation depuis juin 2022. Pendant 9 mois, la police n’a pas jugé important de l’arrêter et à présent, on nous dit qu’il est essentiel de l’enfermer car sa liberté pourrait compromettre l’enquête ? On se fout de notre gueule ! Ne soyons pas dupes : si Jérémy* est enfermé, ce n’est pas pour un motif de collusion, mais bien pour un motif de répression. Le ministère public, appuyé par les tribunaux cantonal et fédéral, cherche à l’individualiser et à le faire payer pour tout le monde. En l’enfermant, il cherche à dissuader tout un mouvement qui demande des réponses aux autorités politiques sur la crise climatique depuis des années.

Si collusion il y a, c'est bien entre l'état, sa justice et les multinationales responsables du saccage de l'environnement !

Le temps passe et l’enquête stagne. Depuis la mise en détention de Jérémy*, aucun témoin n’a été entendu, aucun suspect n’a été identifié, aucune audience ne s’est tenue. Jérémy* est emprisonné depuis bientôt 3 mois et sa détention va être de plus en plus diffcile à justifier pour le ministère public. Celui-ci semble toutefois être prêt à bafouer les droits de notre camarade pour garnir par tous les moyens un dossier qui jusqu’à maintenant ne tient pas la route. Il y a quelques jours, nous avons appris que les matons avaient volé des carnets de notes personnels de Jérémy*.

En profitant de l’absence de Jérémy* durant un parloir avec sa famille, les matons ont fouillé sa cellule et lui ont soustrait ses cahiers de notes, sans mandat de perquisition et sans que cela n’ait été notifié à notre camarade. L’administration pénitentiaire a ensuite transmis les notes personnelles de Jérémy* à la procureure, Madame Victoria De Haller, qui en a ordonné le séquestre, à nouveau sans en informer Jérémy*. Ce n’est que par hasard, quelques jours plus tard, que ses avocat-e-s ont découvert le vol en consultant son dossier.

Ces faits sont d’une gravité inouïe. La confiscation des carnets de Jérémy* ne représente pas seulement une violation éhontée de sa sphère privée, visant à le priver même du plus petit espace d’intimité, même d’un simple coin de page. Ça bafoue également son droit de défense, étant donné que dans ces carnets, il transcrivait les comptes-rendus des entretiens avec ses avocat-e-s.

Mais comment s’étonner du traitement que subit notre camarade lorsqu’on sait ce qu’est la prison ? La prison qui vise à broyer des individu.e.x.s - et leurs proches - en les privant de toutes leurs libertés. La prison qui anéantit les relations en fliquant les courriers, en empêchant les appels téléphoniques et en octroyant ici et là une pauvre heure de parloir. La prison qui déshumanise les détenu.e.x.s en les entassant dans des bâtiments insalubres, en les fouillant à nu, et en leur retirant toute forme de contrôle sur leur vie et leur intimité.

L’acharnement des autorités sur Jérémy* n’est pas le fruit d’un dysfonctionnement. La triade police-justice-prison réserve un sort tout aussi révoltant à l’ensemble des détenu.e.x.s. A Champ-Dollon, rappelons-le, l’écrasante majorité des prisonnier.e.x.s sont des hommes pauvres, racisés et/ou non-suisses. Leur enfermement est utilisé comme outil de tri social et racial, en d’autres termes, une “gestion des indésirables”. Jérémy* est un prisonnier politique, mais pour reprendre les mots de Parlons Prisons :

En considérant la manière dont sont criminalisées les personnes issues des classes sociales les moins favorisées, les personnes migrantes, les personnes racisées, en considérant la manière dont leur existence est perçue comme un risque pour l’ordre social, comment ne pas concevoir tous·x·tes les prisonniers·x·ères comme politiques ?

Le vol des notes personnelles de Jérémy* n’est que l’énième acte de procédure douteux qui viole ses droits fondamentaux. La présence de notre camarade dans les fichiers de la police est initialement due à une identification sur la base d’images vidéo récoltées illégalement. Son téléphone portable a également été associé à son nom de manière obscure par la police, laissant entrevoir d’inquiétantes pratiques de fichage politique dont nous connaissons les tristes antécédents. Enfin, son ADN a été prélevé de manière illégale et sans en informer ses avocat-e-s.

Bref, le ministère public ne cesse de prouver sa partialité et son manque de scrupules. Il est continuellement épaulé par les tribunaux, d’abord la cour cantonale qui affirme éhontément que Jérémy* “ne peut s’en prendre qu’à lui-même”, et maintenant le tribunal fédéral qui lui emboîte le pas. La récente décision du tribunal fédéral au sujet d’un autre militant qui avait peint des mains rouges sur Crédit Suisse fait également froid dans le dos : alors que le tribunal cantonal avait donné raison au militant, le tribunal fédéral a asséné que la protection du climat ne justifiait pas de violer la loi.
La détention de Jérémy* a pour l’instant été prononcée pour 3 mois. Début juin, le ministère public décidera s’il souhaite prolonger sa captivité ou non. Ça ne peut plus attendre : Jérémy* ne doit pas passer un jour de plus en prison !

Nous refusons de nous laisser intimider par les inombrables offensives du ministère public. La répression s’intensifie ? Notre détermination aussi. Contre le béton et la prison, soyons nombreusexs dans la rue vendredi 2 juin à 18h30 pour une manif en solidarité avec Jérémy* et avec toutes les personnes incarcérées.

P.S.

* prénom d’emprunt

Notes

[1Le risque de collusion signifie que les autorités prétendent qu’une fois libéré, Jérémy* pourrait détruire d’éventuelles preuves ou prévenir d’éventuel.le.x.s complices

DANS LA MÊME THÉMATIQUE

À L'ACTUALITÉ

Publiez !

Comment publier sur Renversé?

Renversé est ouvert à la publication. La proposition d'article se fait à travers l’interface privée du site. Si vous rencontrez le moindre problème ou que vous avez des questions, n’hésitez pas à nous le faire savoir
par e-mail: contact@renverse.co