Logement - Squat Précarité

SANS-ABRISME ET MAL LOGEMENT DANS LE CANTON DE VAUD. L’état responsable de la violence de la rue

A la sortie de l’hiver, le collectif 43m2 est de retour. Si quelques victoires en demi-teinte ont été grapillées ici et là, la lutte pour le droit au logement et contre la précarité est plus nécessaire que jamais. Les autorités vaudoises continuent à être défaillantes : à nouveau, 165 places fermeront jusqu’à l’hiver prochain.

Le collectif 43m2 se bat contre la violence d’état qui laisse et met les gens à la rue, sans solutions et dans une extrême précarité. 43m2 déplore plus largement l’hypocrisie des autorités, qui appliquent une politique répressive et criminalisante à l’encontre des personnes dormant dans la rue. Ces dernières sont continuellement contrôlées, violentées et harcelées. Nous dénonçons le racisme systémique de ces pratiques politiques. Nous choisissons l’action directe face à l’urgence de la situation, nous tentons d’ouvrir des brèches, d’accélérer les processus de changement. Depuis trop longtemps, nous sommes nombreux·se·s à porter les revendications suivantes :

Dans le Canton de Vaud
  • Le maintien du nombre de place d’hébergement d’urgence à l’année ;
  • L’augmentation du nombre de places à l’année ;
  • La dépénalisation du "camping sauvage" (qui criminalise les personnes qui dorment dans la rue) ;
  • La suppression des ordres de priorité officiels dans l’accès à une place d’hébergement d’urgence.
    Sur la Commune de Lausanne
  • Une refonte du Bureau des Réservations en collaboration avec les acteur.ices de terrain.

UN DISPOSITIF AU BORD DU COLLAPSE, AUCUNE SOLUTION À L’HORIZON

Le 25 avril dernier, un communiqué de la Municipalité de Lausanne annonce que le dispositif d’hébergement d’urgence (HU) « a connu seulement 6 nuits où l’ensemble des lits étaient occupés » . Ce chiffre laisse volontairement penser qu’il n’y a eu que 6 nuits pendant lesquelles des personnes ont été refusées aux portes des HU, alors qu’entre le 1.12.22 et le 26.04.23 il y a eu 1898 refus, soit 878 refus en plus que l’année dernière pour la même période !

PériodeNombre de refus
Du 1.12.21 au 26.04.22 1020
Du 1.12.22 au 26.04.23 1898

Les fermetures estivales viennent aggraver une situation déjà extrêmement problématique.
Cet hiver, après moins d’un mois d’ouverture, Le Répit a été contraint de fermer provisoirement ses portes face à l’afflux de personnes (jusqu’à 170 par soir) et au manque de moyens à disposition.

Cette crise a été réglée par une diminution de la capacité d’accueil, qui était nécessaire pour les travailleur·euse·s et les bénéficiaires, mais aussi par l’intégration des places au système central de réservation. Ainsi, durant la nuit, plus aucune institution n’assure d’accueil inconditionnel. Ce dernier répond pourtant à des besoins réels et non exclusivement liés au sans-abrisme.
Comme l’indique le communiqué de la Municipalité, cet hiver la Ville de Lausanne a été contrainte d’activer le plan "Grand Froid". Celui-ci prévoit l’ouverture, en urgence, de 50 lits supplémentaires par la Protection Civile lorsque les températures diurnes ne dépassent jamais les 0°C et les températures nocturnes ne dépassent jamais les -5°C pendant 3 jours de suite. Cyniquement, ce plan d’urgence vise à éviter de retrouver des personnes mortes de froid dans l’espace public.
Ces conditions d’accueil austères, indignes et sans lumière du jour, constituent des cadres potentiellement traumatiques pour les personnes et en particulier pour celles qui auraient effectué un séjour dans une institution psychiatrique, un centre fédéral, une prison ou après avoir vécu un parcours migratoire. D’autre part, le Bureau des Réservations de Lausanne (lieu qui centralise les demandes) a réduit ses horaires d’ouverture compliquant encore l’accès à un lieu d’hébergement.

Outre le manque général de places dans le Canton de Vaud, l’accès aux soins est également défaillant. Au « Point D’eau » (structure proposant des prestations d’hygiène, ainsi que des consultations médicales et para-médicales) il faut actuellement attendre un mois pour avoir un rendez-vous. L’accès au soin est rendu très compliqué pour les personnes en situation de précarité qui sont ainsi maintenues dans la douleur.
De manière générale, les travailleur·euse·s de différentes structures actives dans le domaine du bas seuil témoignent d’une grande dégradation de l’état de santé physique et santé des personnes accueillies, ainsi qu’un manque cruel de conditions adaptées pour les besoins spécifiques de différentes catégories de bénéficiaires, particulièrement pour les personnes souffrant d’atteintes à la santé mentale et à la santé physique, ainsi que pour les personnes âgées. Les institutions peinent toujours à répondre aux besoins directs des bénéficiaires.
En réponse à ce tableau général, les autorités annoncent de tristes bouleversements en mai avec des conséquences directes sur les personnes sans abri. Le Répit fermera ses portes et c’est à nouveau 100 personnes qui seront renvoyées à la rue. Dès le 1er juillet, les 65 places de la « Borde 47 » fermeront elles aussi leurs portes.

Dès fin mai 2023, « Le Sleep-in » ne sera plus en mesure de proposer son accueil de jour, faute de budget cantonal. Cette prestation étant primordiale dans un contexte où rien n’est ouvert aux personnes sans-abris les journées de dimanches.

Face à l’inaction de l’État de nombreuses actions autogérées permettent d’apporter des solutions concrètes aux personnes dans le besoin : le squat de « Jean Dutoit » héberge entre 70 et 150 personnes, jour et nuit, depuis 8 ans. « Dynamic Wisdom », un autre collectif de squat d’habitation autogéré, en héberge 25. Près d’une centaine de lits sont disponibles chaque soir dans les squats et les maisons collectives de la région lausannoise. Rappelons aussi que « Le Sleep In » (hébergement d’urgence désormais institutionnalisé) est né d’une occupation. Encore une fois, l’auto-organisation se voit contrainte de se substituer à l’inaction de l’Etat. Pourtant, ces modes d’organisation et d’accueil sont systématiquement criminalisés par les autorités.

QUELQUES PAS DE FOURMIS

En réponse à plusieurs interpellations sur la question du sans-abrisme et notamment à la création de l’hébergement d’urgence autogéré 24h/24h l’année passée, les autorités lausannoises et vaudoises ont proposé la tenue d’une table ronde sur le sans-abrisme, dont nous venons de recevoir les actes et la date de la prochaine séance de travail.

Une augmentation budgétaire de 200’000.- au dispositif d’hébergement d’urgence de la commune de Lausanne a été voté en décembre 2022. Un montant largement insuffisant pour remettre sur pied un système dysfonctionnel et pour mettre fin à la politique du thermomètre. A noter qu’un amendement déposé par Ensemble à Gauche proposant une augmentation de 1’236’000.- aurait pu permettre de pérenniser à l’année les lits disponibles dans les structures d’accueil du Répit et de la « Borde 47 », or celui-ci a été refusé par la droite et le Parti Socialiste.

Cette augmentation budgétaire permet de maintenir l’hébergement de la « Borde 47 » ouvert pendant 2 mois supplémentaires (mai et juin), mais nous sommes très loin de l’annualisation des structures. Le Répit (100 places d’accueil) fermera du 1er mai au 1er novembre et la « Borde 47 » du 1er juillet au 1er décembre. Il reste 139’945 nuitées à pérenniser.

AnnéesNombre de nuitées fermées en été
2022 143’910
2023 139’945

En contrepartie, nous célébrons la création de l’hébergement intermédiaire qui dispose de 35 places supplémentaires à Renens, financées par la Commune de Lausanne et cofinancées par le Canton de Vaud. C’est un hébergement ouvert toute l’année qui propose des suivis individuels.

Le communiqué de la Municipalité laisse entendre que tous les besoins sont comblés, or la fin de la politique du thermomètre n’est pas proche du tout ! L’augmentation du nombre de places permettant notamment d’avoir des bonnes conditions d’accueil de nuit n’est pas suffisante. La dépénalisation du camping sauvage pour les personnes contraintes de dormir à la rue est toujours d’actualité.

COMMUNES VS CANTON, LA PARTIE DE PING-PONG OU LE CHOIX DU MEPRIS

L’état des lieux force l’empathie, la solidarité et surtout l’action. Nous rappelons que les personnes accueillies par les structures lausannoises viennent souvent de communes voire de cantons limitrophes. Si Lausanne endosse une grande responsabilité liée à sa démographie et poids politique, toutes les communes vaudoises doivent pouvoir se saisir des questions de plus en plus pressantes liées aux prestations bas seuil. Et notamment la mise en place de politiques ciblées sur les questions de sans-abrisme en mettant en place des structures qui leur sont propres, ou en s’impliquant dans les projets menés par des communes voisines.
D’après nos décomptes, mise à part Lausanne agglomération, seules les communes d’Yverdon (La Lucarne : 25-35 places), de Nyon (Le Phare – 6 chambres) et de Vevey (Le Hublot : 15-20 places) proposent des places d’hébergement d’urgence dans des structures gérées par Caritas. Sur l’ensemble du canton de Vaud, l’offre proposée reste cruellement insuffisante face à la situation alarmante des personnes précarisées.
La Conseillère d’État vaudoise Rebecca Ruiz rappelle constamment le rôle subsidiaire du Canton auprès des communes. Pour nous, la fin de la politique du thermomètre ne nécessite pas uniquement de créer des nouveaux projets. Il s’agit d’annualiser et de financer des projets bien en place disposant d’équipes formées comme « le Répit » et la « Borde 47 ». Une telle mesure permettrait par ailleurs d’annualiser également les contrats de travail du personnel qui sont actuellement saisonniers. Rappelons encore une fois que la somme de 1’236’000.- suffirait pour cette annualisation et que le Conseil communal lausannois a voté plusieurs résolutions visant cet objectif. Des démarches restées lettres mortes… L’État de Vaud ne lésine pourtant généralement pas sur les dépenses, en mai 2022, le nouveau cadeau fiscal fait aux entreprises vaudoises sur l’impôt sur le bénéfice creuse un trou dans les recettes de plus de 20’000’000.-, démontrant un « sens » des priorités plutôt déficient.

PERSONNE NE DOIT DORMIR DEHORS !

Les personnes trouvant refuge dans les structures saisonnières qui fermeront prochainement ne disparaissent simplement pas avec l’arrivée du printemps. Nous pressons les autorités lausannoises de présenter les résultats de la table ronde et de rapidement mettre en place les groupes de travail nécessaires à la mise en place de solutions pérennes. Concernant les CHF 200’000.- votés en décembre par le Conseil Communal de la Ville de Lausanne, nous proposons aux autorités que la répartition de cette augmentation budgétaire soit discutée collectivement pour les années 23-24, avec les acteur.ices de terrain et les personnes concernées, afin que ces fonds puissent répondre au mieux, même très modestement, à l’urgence qui touche les questions d’hébergement. Urgence qui ne peut plus se cacher sous l’appellation “crise” tant elle est constante et systémique.
Face au déni et au mépris des autorités cantonales, nous engageons la Conseillère d’État Rebecca Ruiz à mettre en place une politique ambitieuse et adéquate en termes d’hébergement face à la réalité d’une hausse de la précarité.
Les hébergements d’urgence ne sont pas une solution sur le long terme, encore moins tels qu’ils sont pensés par des institutions n’ayant aucune connaissance des problématiques de la rue (catégorisation raciste, horaires, pas d’accueil de jour, séparation des familles…). Le mal-logement est responsable de l’isolement, de problèmes de santé physique et mentale, de précarité, d’exclusion sociale, de schémas d’addictions ainsi que d’une grande variété d’oppressions, et ce quel que soit la saison. Il nous faut mener une réflexion bien plus large sur le logement.
Les politiques sociales actuelles sont largement insuffisantes. Loin de viser des solutions pérennes à la problématique entre-autres du sans-abrisme, elles promulguent simplement de “l’aide à la survie”, sans se souvenir que la survie ne découle pas d’un concours de circonstances fortuit. Dans le contexte suisse, la survie ne doit pas être considérée comme une prestation, mais comme un acquis social, chaque personne, sur le territoire, a droit de manière inconditionnelle à des prestations permettant de garantir sa dignité.
Dans l’attente du respect de la dignité d’accéder à des solutions pérennes de logement, 43m2 rappelle ses revendications :

  • Le maintien du nombre de place d’hébergement d’urgence à l’année ;
  • L’augmentation du nombre de places à l’année ;
  • La dépénalisation du “camping sauvage” (utilisé pour criminaliser les personnes qui dorment dans la rue) ;
  • La suppression des ordres de priorité officiels dans l’accès à une place d’hébergement d’urgence ;
  • Une refonte du Bureau des Réservations lausannois en collaboration avec les acteur.ices de terrain.

Nous serons prochainement de retour pour de nouvelles actions. Pour nous soutenir financièrement et/ou prendre contact avec nous, merci de nous écrire à : 43m2@riseup.net

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