Il serait facile d’écarter les protestations comme étant les grognements des étudiantEs privilégiéEs de la classe moyenne. Car même si Boğaziçi est une université publique qui dispense un enseignement gratuit sans frais de scolarité, l’obligation de parler anglais et de passer des examens rigoureux la rend inaccessible à la plupart des gens ordinaires. Mais c’est ignorer la dynamique de la manifestation et le large soutien qu’elle a suscité dans tout le pays, les protestations pour la défense des droits des LGBT et de la liberté d’expression ayant entraîné une sorte de réveil. En outre, plusieurs anciens et anciennes étudiantEs de cette université ont rejoint différentes organisations révolutionnaires. Par exemple, Suphi Nejat Agirnasli décédé en défendant la ville de Kobané lors du siège de Daesh en 2014.
Avec les premières manifestations étudiantes s’en est suivi une répression sans précédent avec l’arrestation de 159 étudiantEs le 2 février de cette année. Les étudiantEs en lutte ont été qualifiés de vandales, terroristes ou de « dégénérées LGBT » par le pouvoir en place. Face à cette répression et ces provocations, la contestation a pris de l’ampleur dans le pays et dépasse les revendications des étudiantEs de Boğaziçi. Les étudiantEs des autres universités d’Istanbul se sont solidariséEs et des manifestations ont notamment eu lieu à Izmir et à Ankara.
Cette contestation est en train de prendre une telle ampleur que le pouvoir en place et ses alliés réactionnaires sont aux abois et tentent de discréditer le mouvement. Récemment le journal conservateur Yeni Akit publiait une page avec les portraits des professeurs mobiliséEs avec leurs noms et prénom sous le titre « Ce ne sont pas des universitaires, mais bien des soutiens des terroristes ».
La répression du mouvement étudiant fait partie d’un contexte bien plus large. Erdogan et son parti l’AKP, avec son allié ultra-nationaliste et fasciste le MHP, ont pour but de reconstruire l’empire ottoman et d’unifier la Turquie sous une seule et unique identité nationale. C’est-à-dire : la langue turque, une religion (sunnisme) et un drapeau. C’est pourquoi une féroce répression s’abat sur toutes les voix dissidentes. Depuis la création de la république de Turquie, les minorités ethniques, linguistiques, religieuses font l’objet d’une assimilation culturelle violente. Les peuples kurdes, arméniens, grecs et la minorité religieuse alévi en sont les premières victimes. La communauté LGBT de Turquie est aussi durement réprimée car elle est considérée comme déviante.
Depuis la révolte du parc de Gezi en 2013, qui contestait les prémisses du régime fasciste, la répression contre les forces de gauche et progressistes n’a fait que s’amplifier. Des professeurEs d’universités, des enseignantEs, des avocatEs et des juges ont été limogéEs sous prétexte de soutenir des organisations terroristes. La répression touche aussi fortement les travailleurs et travailleuses, les étudiantEs et les syndicalistes qui luttent contre le fascisme et le capitalisme.
Au vu de ces éléments, le régime d’Erdogan ne peut être considéré que comme une dictature fasciste. En ce moment même, des milliers de militantEs sont enlevéEs, torturéEs et emprisonnéEs. Il n’est pas possible pour nous de rester silencieuses et silencieux
Une fois de plus les états occidentaux font passer en priorité leurs intérêts économiques et politiques. Ils restent passifs face aux exactions de la Turquie et participent même à son effort de guerre. Que ce soit lors des invasions de l’armée turque en Syrie, au Rojava et au Kurdistan Irakien, les états européens fournissent des armes, des tanks et un soutien logistique pour les campagnes expansionnistes du régime.
Cela nous prouve que nous devons construire une solidarité de classe et internationaliste. Cette solidarité doit s’exprimer ici, c’est-à-dire en Europe. En Suisse, nous devons combattre les intérêts des profiteurs tels que les entreprises d’armements comme RUAG et Reihnmetall ou encore le Crédit Suisse qui participe au financement d’entreprises d’armement. A cela il faut aussi ajouter les nombreuses entreprises suisses qui ont des intérêts économiques en Turquie.
En soutien aux étudiantEs de Boğaziçi, aux organisations de gauches et aux peuples de Turquie et du Kurdistan, il est temps d’agir et de combattre le fascisme. La solidarité est notre arme !
Secours Rouge Genève
Jeunes POP Genève
Jeunesse Solidaire Genève
Conférence Universitaire des Association d’Etudiant.e.x.s
Jeunes Kurdes Genève
