Répression - Enfermement Fête sauvage Droit à la Ville

Sur notre 31...

Pendant la nuit du 31 décembre, nous avons occupé un bâtiment du centre-ville pour y faire une fête chouette, rebelle et déterminée. Si l’ambiance de la première heure était festive, les rires et la danse ont rapidement été gachés par l’intervention massive de policiers anti-émeutes. S’en est suivi la séquestration de plus d’une centaine de personnes à l’intérieur du bâtiment durant 8 heures. Les participantEs à cet événement méritent quelques explications quant aux objectifs que s’étaient fixés les organisatrices/organisateurs de cette soirée.

Genève |

Aux origines

Depuis plus d’une année, une maison collective se bat contre son expulsion et un large mouvement pour le logement et plus généralement pour le droit à la ville voit le jour à Genève. Deux manifestations importantes ont déjà traversé et réveillé la ville.
InspiréEs par cette dynamique, notre volonté est d’apporter une réflexion de fond sur la vie nocturne et la fête, ainsi que sur les loisirs et les temps libres. C’est dans une logique de se réapproprier notre ville que nous avons organisé un bal masqué dans ce H & M vide depuis un an.

Ce bâtiment a été ciblé car il est propriété d’une des sociétés immobilières qui façonnent actuellement la ville pour leur profit et qu’il apparaît comme essentiel de leur résister.

Il faisait donc sens de s’approprier, le temps d’une nuit, un espace dédié au commerce faisant partie d’une rue symbole de consommation effrénée. Ce bâtiment a été ciblé car il est propriété d’une des sociétés immobilières qui façonnent actuellement la ville pour leur profit et qu’il apparaît comme essentiel de leur résister.

Nous voulions une fête engagée, une fête qui ose prendre l’espace dont elle a besoin pour exister, qui ose prendre un espace qu’on ne lui laissera jamais.
Nous voulions surtout une fête qui soit belle, ouverte, accessible avec des camarades qui distribuent des loups colorés pour se masquer, des explications sur la fête et la répression, des bières à prix libre, de l’eau offerte, une équipe “bonne ambiance” qui répand la joie et aide toute personne qui rencontre un problème, un infokiosk avec des lectures pour le lendemain. Tout ça parce que c’est ce dont nous avons besoin et parce que nous n’en pouvons plus des entrées payantes, des agents de sécurité qui nous dévisagent pour estimer si notre gueule convient ou si nos vêtements sont “adéquats”, des prix exorbitants au bar, des ambiances médiocres, du sexisme en soirée...

La fête démarre

A une heure du matin, tout avait pourtant bien commencé. Une ouverture en douceur et la découverte d’un espace grandiose, une cour intérieure en colonnade et une coursive en pierre de taille reliant des étages de dalle en béton armé. La soirée s’installe, la musique éveille nos sens, des guirlandes lumineuses viennent agrémenter le tout d’une touche de salle des fêtes. Le public arrive calmement, joyeux, déguisé et apparemment excité par cet espace où se côtoient l’audace, la fête et une forme de liberté rare.

À deux heures du matin, l’intervention policière est effrayante. Une cinquantaine de policiers anti-émeutes encerclent brusquement l’entrée. Les personnes devant gardent leur calme et tentent de faire sortir les personnes à l’intérieur. Très rapidement, les flics se rapprochent et forcent les genTEs à rentrer à l’intérieur. S’en suit une poussée collective pour tenter de sortir, bousculades violentes par les forces de l’ordre, échec de la tentative d’évasion. En effet, seul un groupe d’une quarantaine de personnes parvient à se libérer de cette nasse policière.

La police demande aux genTEs “de se rendre”, mais cet ordre paraît absurde pour des genTEs qui étaient juste venuEs danser.

Le dispositif déployé apparaît alors aux yeux des personnes qui ont réussi à sortir : deux camions-pompes, plus d’une quinzaine de fourgons, plusieurs centaines de policiers, une partie protégeant le bâtiment pendant que le reste s’engouffre à l’intérieur où sont encore présentes environ 150 personnes qui resteront séquestrées pendant 8 heures. Dehors c’est la rage de voir ses amiEs enferméEs qui monte. Les personnes à l’extérieur harcèlent comme elles peuvent les flics dans l’espoir de réussir à faire sortir leurEs camarades. L’utilisation du canon à eau et de flashballs disperse quelque peu la foule mais n’entamera pas le moral des plus motivéEs qui continueront à hurler leur soutien jusqu’à la fin.

A l’intérieur, les sequestréEs se serrent les coudes, toutes ces personnes veulent une chose, c’est sortir, mais ensemble. La police souhaite diviser, ficher, isoler, alors que les amiEs de la fête insistent pour rester ensemble. La police demande aux genTEs “de se rendre”, mais cet ordre paraît absurde pour des genTEs qui étaient juste venuEs danser. Les fêtardEs ne se rendront pas, soudéEs jusqu’au petit matin, se solidarisant en partageant le peu de boissons qu’ielles ont, en tentant de s’amuser ou encore de négocier une sortie groupée, tant bien que mal. Une résistance balaise, joyeuse, angoissante, longue, usante par une bande de courageuses et courageux qui ont su s’improviser une communauté temporaire et formidable.

La répression comme outil politique

La répression de cette fête montre la volonté de l’Etat de Genève de briser les personnes qui participent à des événements libres s’inscrivant dans le cadre du mouvement plus large qui revendique le droit à la ville que ce soit pour se loger, pour fêter, pour s’organiser, cultiver, en somme pour vivre. L’Etat modèle cette ville pour la bonne marche du commerce et ne s’engage en rien pour la population qui y vit. 180’000 m2 de bureaux sont vides actuellement et il continue de s’en construire partout. L’étalement des surfaces commerciales nous chasse progressivement de la ville vers sa périphérie, et cette politique assumée se défend avec les armes qu’elle possède : la police pour la répression violente et physique et la justice pour le travail de sape des mouvements contestataires.

Malgré cette violente répression, les personnes présentes ont gardé de beaux réflexes de solidarité

Nous pensions que nous aurions le temps et la force de sortir touTEs ensemble, sans arrestations, dans un élan solidaire. Nous avons sous-estimé la violence que la police emploierait. Nous n’avions pas pensé que la police prendrait le risque d’enfermer 150 personnes dans un bâtiment, choix tactique réellement dangereux. Nous avons clairement échoué à contenir la force policière en présence, celle-ci s’étant avérée dans des proportions qui dépassent l’entendement. Qu’à cela ne tienne, nous saurons mieux nous préparer dans l’avenir.
Malgré cette violente répression, les personnes présentes ont gardé de beaux réflexes de solidarité ; toutEs les participantEs peuvent se féliciter d’avoir tenu tête à des flics en surnombre, refusant d’obtempérer, continuant à rire, à lutter, à crier des slogans et chanter des chansons, que ce soit dehors ou dedans. Gardons à l’esprit que ces choses ont existé et qu’elles sont extrêmement précieuses. C’est notamment à travers ces principes de base que nous sommes plus fortEs. Il est enfin utile de rappeler que sans cette intervention musclée les coûts qu’ils soient humains ou financiers auraient été beaucoup moins importants. Etait-ce si important de protéger un bâtiment vide ? C’est surtout le profit de l’immobilier qui est sauf, la répression ne fait pas la raison.

Ils nous ont pris une nuit nous danserons toute l’année.

P.S.

crédit photo : instagram.com/ricogastaldello/

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