Migrations - Frontières

[Conférence de Presse] - Comité de soutien aux 3+4 de Briançon

Le comité de soutien aux 3+4 a organisé à cette conférence de presse pour vous faire part de notre position concernant ce procès, le contexte et les politiques migratoires autour desquelles celui-ci aura lieu. Ainsi, mobiliser et informer l’opinion publique à quelques jours avant le procès à Gap, le jeudi 8 novembre 2018.

L’ARBITRAIRE DE CES ARRESTATIONS

En premier lieu et à travers le symbole de nos masques, nous voulons dénoncer le caractère arbitraire des arrestations parmi tout.e.s les manifestant.e.s, personnes solidaires ou en exil, ayant participé à la marche du 22 avril dans les Alpes. La justice a décidé d’amener devant le tribunal 7 personnes sur 200, accusées aléatoirement d’un délit qui nous rappelle une période où la délation était encouragée et la solidarité proscrite. Cette période où le fascisme s’est illustré ressemble, sous bien des aspects, de plus en plus à nos jours !

Accusé.e.s du “délit de solidarité”, les 3+4 de Briançon risquent jusqu’à 10 ans de prison et 750.000 euros d’amende. Voilà ce que risque n’importe quelle personne qui décide de manifester pour ses idéaux.

Une accusation pour faire peur, ayant pour but de réprimer la solidarité et de faire de ces personnes un exemple par rapport à ce qu’il en coûte de contester l’institué du pouvoir dominant. Une accusation ayant pour but de décourager les gen.te.s de s’engager dans des luttes indispensables.

Une atteinte grave aux droits fondamentaux de liberté de réunion et de participation politique.

Au début, nous étions trois à être accusés. La semaine prochaine, ce sont les 7 de Briançon qui iront comparaître devant le juge. Et demain, ce sera qui ?

Celles et ceux que la justice accuse d’être en “bande organisée” ne sont que les millions de personnes anonymes qui tout au long de l’Histoire de l’humanité se sont organisées pour faire face aux injustices sociales et au pouvoir dominant.

LA SITUATION À LA FRONTIÈRE

En deuxième lieu, nous avons choisi de faire cette conférence de presse ici à la frontière, lieu symbolique, pour rappeler la situation désastreuse à la frontière entre la France et l’Italie ou ailleurs. Il s’agit aussi de montrer que celle-ci est arbitraire, conceptuelle, issue d’un construit historique particulier.

La situation à la frontière est gravissime. C’est ce qui est mis en avant depuis maintenant bientôt deux ans par les personnes solidaires du Briançonnais et d’Italie.
Pourtant, la seule réponse reste la criminalisation et la répression. Les atteintes aux droits et violences policières se sont d’ailleurs aggravées depuis la fin du mois d’avril, comme si l’action d’un groupuscule d’extrême droite avait permis à l’État de multiplier ses pratiques fascisantes.
C’est le constat de centaines de témoignages, mais aussi de rapports d’associations et d’organes d’observation. Parmi celles-ci, citons la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme - ) qui titre “Le passage de la frontière - Une République hors droit” [1], et les associations venues en tant qu’observatrices comme Amnesty, Anafé, CIMADE, MSF, etc. A cet égard, des plaintes et signalements ont été déposés par l’association Tous Migrants auprès du procureur de la République de Gap.

Un système de contrôle qui sélectionne et divise, qui accepte ou renvoie, "dublinise", qui s’ouvre et se ferme selon les besoins économiques et politiques du capitalisme.

Ces événements ne sont pas le fruit du hasard, ils sont la résultante directe de ce qu’est la frontière et de la manière dont elle s’est constituée à travers l’histoire. Celle-ci a souvent été différente, voire inexistante, dans le territoire, dans son utilisation et dans les représentations que l’on se faisait d’elle. La différence de notre passage de frontière aujourd’hui à Veyrier et celui du 22 avril à Montgenèvre en est un très bon exemple.

La frontière d’aujourd’hui a suivi l’histoire de la constitution du capitalisme et de ses États-Nations. Elle renferme en elle les rapports de domination que ce système économique. La migration en est une conséquence. Les personnes en exil en sont des victimes symptomatiques : les oublié.e.s de l’histoire contemporaine, celles et ceux que l’on a d’abord considéré.e.s comme esclaves, puis comme main-d’oeuvre bon marché, que ce soit à travers les exploitations coloniales ou les grandes multinationales du monde contemporain. Les États occidentaux en sont les responsables et ils n’ont jamais su y opposer de dignes réparations. C’est que la justice actuelle, réfléchie par et pour les dominants, n’en permet aucune. Elle perpétue au contraire ces rapports de domination des États du Nord sur les États du Sud (les inégalités augmentent malgré toute la législation contemporaine qui régit le monde). Un fonctionnement néo-impérialiste, qui légitime, justifie et alimente ce racisme dorénavant devenu structurel.

Cette différence créée à travers l’histoire se traduit maintenant par des oppressions structurelles. C’est le contrôle qui apparaît dans les politiques législatives mises en place notamment avec les accords de Dublin. Ces accords déresponsabilisent les pays d’Europe du Nord en invisibilisant des situations inhumaines dans lesquelles peuvent être plongées les personnes en exil. Un système de contrôle qui sélectionne et divise, qui accepte ou renvoie, dublinise, qui s’ouvre et se ferme selon les besoins économiques et politiques du capitalisme.

D’après Transparency International, 6.000 passeports et 100.000 permis de résidence européens ont été délivrés à des investisseurs étrangers pendant ces dix dernières années [2]. Des Golden Visas faits sur mesure qui montrent l’autre visage de l’Europe forteresse

Alors que dans ces montagnes, celle ou celui qui n’a pas les « bons » papiers, le bon porte-monnaie, se retrouve coursé.e par les gendarmes sur les chemins, jeté.e hors des trains et des bus, empeché.e de décider librement d'où et de comment vivre.

Ce système permet aux marchandises et aux capitaux de transiter où ils veulent, et bloque et refoule celles et ceux qui ne sont pas considéré.e.s comme étant « utiles », maintenant devenu.e.s criminel.le.s.

FACE À CETTE SITUATION : MOBILISATION COLLECTIVE !

La situation actuelle ne peut pas se résoudre aux tribunaux. C’est une situation politique face à laquelle il faut faire face au quotidien, notamment en Méditerranée et dans les montagnes.

Nous voulons appeler à la responsabilité collective pour dénoncer le contrôle migratoire, le profit qu’il génère, le racisme institutionnel et pour que les atrocités commises à la frontière franco-italienne ne se reproduisent plus. Cette réalité nous ne laisse pas le choix.
Nous sommes dans un moment où l’Europe forteresse est de plus en plus xénophobe.
Le drame humain se multiplie lors de chaque rafle aux frontières, dans chaque centre de détention, dans chaque bateau bloqué à la mer.

La semaine prochaine, nous irons tou.te.s à Gap avec la tête haute, sans se cacher de ce que l'on a fait, de ce que l'on fait et de ce que l'on fera : changer tou.te.s ensemble cette réalité.

Car il est naïf d’attendre d’un État qu’il fournisse des solutions à une situation qu’il engendre lui-même. Il nous semble nécessaire de se défaire des approches misérabilistes pour s’inscrire dans une perspective de lutte avec et non pour les migrant.e.s. Partager nos révoltes pour tenter de prendre le problème à la racine : les États, leurs frontières, leurs guerres et le mode de production capitaliste qu’ils cherchent à maintenir coûte que coûte.
La solidarité qui est le fait de reconnaître en l’autre quelque chose qui nous est commun, ne peut pas être à géométrie variable. La solidarité ne peut pas avoir de frontières. Il n’y a ni bonne ni mauvaise solidarité. Lui donner une portée juridique et des limites, c’est la rabaisser, c’est la piétiner, c’est aller à l’encontre des droits humains fondamentaux.
Ainsi “Lorsque la solidarité devient illégale parce qu’on lui donne des limites contestables. C’est alors que nous avons le devoir collectif de désobéir.”

Ainsi, le collectif de soutien aux 3+4 de Briançon appelle à une mobilisation générale et décentralisée !

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