Médias Antisémitisme

Le passé n’a pas disparu

Voici une traduction française de la brochure The past didn’t go anywhere... écrite en 2007 par April Rosenblum, une juive américaine. On trouve qu’elle aborde d’une façon accessible, claire et évocatrice différents aspects de l’antisémitisme. L’auteure relie les expériences historiques avec la situation actuelle, en soulignant les continuités. Ce texte met en évidence des comportements opprimants sous-jacents et représente ainsi une bonne base de réflexion pour amorcer un débat dans les mouvements radicaux.

Sommaire :

  • L’antisémitisme reste un problème mondial
  • Qu’est ce que l’oppression antijuive aujourd’hui ?
  • À la rencontre de l’extraordinaire oppression en voie d’extinction
  • Une oppression intériorisée
  • Comment l’antisémitisme fonctionne : examinons un exemple
  • La révolution, les Juif.ves et « l’offre généreuse »
  • Temps mort !
  • Vaccine ton engagement pour la Palestine contre l’antisémitisme
  • Un dernier mot sur ce sujet compliqué...
  • Déconstruire les mythes courants
  • Des conseils pour chaque militant.e
  • Glossaire + bibliographie

Deux informations importantes à garder en tête : ce texte n’est pas des plus récents et il est issu du contexte étasunien. Dans ce sens, il est possible que les lectr.ices européen.nes soient parfois déconcerté.es par les nombreuses références à des personnalités, à des mouvements ou à l’histoire spécifique des États-Unis.

Nous avons pourtant décidé de traduire cette brochure, considérant qu’elle aborde d’une façon accessible, claire et évocatrice différents aspects de l’antisémitisme, et que chacun.e peut facilement s’identifier à ce qui y est mentionné. Le texte soulève d’importantes questions, il apporte de nouvelles informations et propose des analyses intéressantes. Il contribue aussi à visibiliser des comportements opprimants sous-jacents, et représente ainsi une bonne base de réflexion et de discussion, ce que nous souhaitons déclencher.

L’auteure essaie de répondre à des questions telles que ce qu’est l’antisémitisme, d’où vient cette oppression et sous quels aspects on peut la percevoir. Elle relie les expériences historiques (bien au-delà de la Shoah) avec la situation actuelle (sans se focaliser exclusivement sur le conflit israélo-palestinien), en soulignant toujours les continuités.

April Rosenblum écrit d’une perspective juive (souvent à la 1re personne) ; mais elle écrit aussi en tant que personne qui s’engage dans des mouvements sociaux, comme militante convaincue de l’importance des luttes à mener. Dans son discours, ces deux points de vue se renforcent l’un l’autre.

C’est là, à notre avis, un des aboutissements importants de son analyse : pas de changement social radical possible sans mettre fin à l’oppression des Juif.ves, pas de libération juive sans émancipation globale. Il s’agit donc d’une proposition intersectionnelle, pour comprendre et dépasser les différentes oppressions. L’auteure décrit d’ailleurs à plusieurs reprises de quelle façon l’antisémitisme est et a été imbriqué ou instrumentalisé dans d’autres types d’oppressions.

En discutant entre nous et autour de nous, nous nous sommes également rendu compte que notre perception de l’antisémitisme varie beaucoup selon nos expériences individuelles. Nous, traduct.rices de cette brochure, sommes deux personnes non-juives, issues de milieux politiques et d’espaces linguistiques différents. Nous traduisons ce texte dans un contexte germanophone, toujours avec un pied dans les luttes en France. Or, dans les sociétés d’origine du nazisme, si la question de l’antisémitisme est souvent laissée de côté, elle reste une des thématiques centrales autour desquelles s’articulent aujourd’hui les combats et les débats de la « gauche radicale ». Depuis une trentaine d’années maintenant a été amorcée une critique virulente des tendances antisémites dans les mouvements autonomes et anti-impérialistes. Il existe par exemple aujourd’hui de nombreux groupes, des positions politiques (voir par exemple Antideutsche), de gauche, autonomes, antifascistes, qui soutiennent ouvertement l’État israélien ou sa politique. Ce qui peut paraître invraisemblable à de nombreux.ses militant.es francophones.

On retrouve au contraire peu de traces de ces préoccupations critiques dans les sphères militantes francophones. Cela a certainement à voir avec des lectures différentes de la Seconde Guerre Mondiale, ainsi qu’avec l’importance historique des combats anticoloniaux en France comme en Belgique. Mais ça ne suffit pas à expliquer pourquoi l’oppression antijuive est si souvent occultée dans les milieux militants... L’histoire française aussi, celle des révolutionnaires y compris, regorge d’idées et d’actes antisémites. Et ce n’est vraiment pas exagérer que de parler d’une résurgence des violences contre les Juif.ves dans les pays francophones ces derniers temps. Ce qu’April Rosenblum pointait déjà il y a une dizaine d’années n’a fait qu’empirer : le spectre de l’antisémitisme en France s’étend aujourd’hui des attentats répétés visant les communautés juives à l’incroyable résonance des discours complotistes et/ou néofascistes, en passant par les nombreux cas de harcèlement quotidien.

Pour traduire ce texte, nous sommes donc parti.es de ce constat : un manque certain dans la littérature militante francophone actuelle. Il semble qu’il existe un discours d’État sur l’antisémitisme, ou un discours académique, « républicain et laïque », qui occupe le devant de la scène. Mais il n’existe presque pas de discours émancipateur sur le problème, bien peu de choses concrètes sur cette question pourtant urgente et épineuse.

Malgré cette intention que nous partageons avec l’auteure, nous avons été irrité.es à plusieurs reprises, voire en contradiction avec certains points de vue qu’elle défend. Nous identifiant plutôt avec les idées et pratiques anarchistes, il nous a semblé que les raisonnements de l’auteure relevaient parfois d’une approche libérale, réformiste ou citoyenniste.

Nous souhaitons en outre que cette brochure soit lue de façon critique, surtout quant aux concepts d’ « ethnie » et de « peuple ». Pour parler d’antisémitisme, il est important d’aborder la question de qui sont les Juif.ves, au-delà d’une simple référence à la religion, ce que fait l’auteure. Mais l’identité est toujours une construction, le produit d’un rapport social, et il nous semble qu’April Rosenblum tend parfois à idéaliser ou simplifier cette notion. De manière générale, nous avons l’impression que l’auteure, dans son intention de livrer un texte qui soit le plus accessible et compréhensible possible, a parfois tendance à proposer des explications ou des solutions un peu trop réductrices.

Ce sont là différentes choses qui nous ont parfois dérangé.es dans notre laborieux processus de traduction, mais nous espérons que ces questionnements pourront aussi servir de base à de plus amples réflexions, toujours dans le sens d’intégrer une analyse de l’antisémitisme dans nos discours radicaux.

P.S.

Le texte est disponible sur le site infokiosques.net à l’adresse suivante :
https://infokiosques.net/spip.php?a...

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