Féminismes - Luttes Queer viol

Témoignage : Viol/Dans la tête d’une survivante

À toutes celles qui sont passées par ce calvaire ou qui le vivent encore, puisse ce témoignage vous apporter courage, espoir et force de vous battre pour aller mieux. De demander autant d’aide que possible. Vous le valez bien, personne n’a le droit de vous voler votre temps, votre bonheur, votre vie, votre bienêtre, votre corps, votre âme. Tout cela vous appartient, vous méritez que votre âme soit guérie, restaurée et vous méritez de vous sentir bien dans votre corps, d’avoir une vie et une sexualité épanouie. Vous méritez de jouir de chaque aspect et moment de votre vie.

Durant mon enfance, j’ai été violée plusieurs fois par un membre de ma famille. Un cousin beaucoup plus âgé que moi. Nous vivions dans un même endroit avec le reste de ma famille paternelle, il y avait plusieurs maisons accolées les unes aux autres et nous partagions une cour commune. Pendant que les adultes étaient occupés aux tâches quotidiennes (travail, vente, courses), on restait entre cousin-e-s. Les plus âgé-e-s veillant sur les plus petit-e-s.

J’avais 4 ans, il avait autour de 20 ans. Il venait dans la cour, avec ses chewing-gums et m’en proposait, je les acceptais. Il me demandait de le suivre dans la maison. Il me faisait coucher sur son lit, m’enlevait ma culotte, frottait son pénis contre ma vulve et me léchait la vulve. Il me demandait de prendre son pénis en main et de le frotter moi-même contre ma vulve. Il a tenté de me pénétrer quelques fois mais je criais de douleur, il abandonnait. Cela s’est passé sous le regard de cousines avec qui ma mère me laissait, à chaque fois que ce cousin venait avec ses chewing-gums, elles me regardaient et me disaient « non... ! ».

Aujourd’hui, je comprends que c’était un « Non, n’y va pas ! » mais il était si faible, à peine audible, elles le murmuraient avec peur et panique. C’était palpable mais c’était comme hors de moi et ma perception de petite fille, je ne comprenais pas pourquoi elles réagissaient comme ça. Et puis ce cousin venait avec un grand sourire et des bonbons, quand il s’adressait à moi il m’apparaissait être bienveillant, je ne me méfiais pas, on ne me l’avait jamais appris à l’être, et puis il m’était familier. Je ne savais pas ce qui m’était fait, je l’apparentais à un jeu et ce « jeu » était très désagréable. Mes cousines qui étaient plus jeunes que lui, étaient effrayées par lui. Parfois, il les intimidait en s’imposant physiquement et les agressait verbalement, elles partaient en courant à chaque fois. C’est pourquoi pendant que tout ça se passait à l’intérieur de la maison, elles restaient à l’extérieur dans la cour sans en parler à aucun adulte et sans rien faire, paniquées elles tentaient de regarder ce qui se passait par une petit fenêtre en hauteur, elles furent les témoins impuissantes de cette horreur.

J’ai grandi avec cela enfoui, caché quelque part dans ma mémoire, mais mon subconscient me travaillait déjà. À chaque fois que les images me revenaient ou bien que j’y repensais, j’arrivais toujours à essayer de me convaincre que ça n’est jamais arrivé, que c’était juste un cauchemar, que ça n’était pas réel. Je n’avais pas envie de réaliser que ça m’était arrivé, je ne voulais pas faire face à cela. Je m’en retrouvais désarmée et paniquée, à chaque fois. C’était mon premier instinct de survie, le déni. J’essayais tant bien que mal de vivre comme n’importe quelle adolescente de mon âge, le plus souvent calme et discrète mais avec beaucoup de colère en moi, une colère omniprésente que je n’arrivais pas à m’expliquer.

Puis vint ensuite l’âge adulte et la quête de soi en tant que femme. C’est à partir de ce moment-là, qu’une montée d’anxiété à commencer à m’envahir quasi quotidiennement, sans vraiment savoir d’où cela venait, je commençais à me comparer aux autres et penser que je valais moins. Et ça, c’était sans compter les comparaisons quasi incessantes que mes parents pouvaient faire, entre moi et d’autres enfants estimés plus brillants que moi, dans tel ou tel domaine particulier. Cette période a été celle où je me nourrissais beaucoup moins, l’anxiété et le mal-être quotidien me nouaient l’estomac, au point que je n’arrivais pas à manger convenablement. Je n’étais pas motivée par grand-chose, je faisais les choses habituelles juste pour les faire, pour avoir un semblant de normal dans ma vie. Je n’arrivais pas à apprécier quoi que soit autour de moi. J’arrivais tout de même à me lever presque chaque matin et aller étudier, mais même pendant les cours, j’avais beaucoup de mal à me concentrer. J’étais souvent ailleurs, absente, mon cerveau avait comme un bug par moment, et très souvent j’avais le sentiment d’être vide, comme morte de l’intérieur. Il n’y avait aucun sentiment positif en moi, auquel je pouvais m’accrocher, je n’arrivais pas à contrôler ça. Dès que je rentrais, je dormais très souvent, j’avais un mal être constant et le sommeil me le faisait oublier. L’espace d’un instant, c’était l’accalmie, j’étais comme anesthésiée.

J’étais si déprimée et si mal-en-point, que je me disais que si c’était ça vivre, alors je voudrais mourir. J’ai pensé au suicide plusieurs fois, parfois au bord de ma fenêtre quelque chose me disait « Allez saute ! Et ça sera fini. » Quelque chose de soulageant m’envahissait un court instant, à l’idée que mon corps soit, là en bas, abimé, détruit. Je n’en voulais plus, je voulais m’en débarrasser. Je ne voyais pas d’autre issue possible à ce mal être qui me rongeait chaque jour, j’avais le sentiment d’être une âme en souffrance dans un corps dont je ne voulais pas prendre conscience. Je ne considérais pas mon corps, pour moi il était comme un fardeau que je trainais. Un fardeau que je ne voulais ni voir, ni sentir, j’étais dans le déni de mon propre corps. Je voulais aller mieux, pourtant, mais je n’arrivais pas à réellement trouver quelque chose à quoi m’accrocher, pour ne serait-ce que trouver un peu de répit en étant éveillée. Je ne trouvais pas de but non plus à mon existence. Rien ne me passionnait, je n’avais gout à rien, j’avais beaucoup de mal à vraiment profiter de la vie. J’errais ainsi pendant près de trois ans.

Ce n’est que quelques temps après, que j’ai commencé à comprendre ce qui m’arrivait. Sur conseil d’une prof qui avait su voir ma douleur, je suis allée voir une psychologue sans rien dire à qui que ce soit. Personne, pas même mes amies les plus proches ne se doutaient de ce que je vivais, trop occupée à survivre, raconter mon calvaire quotidien relevait d’une force que je n’avais pas encore. Je finis par en parler à mon copain. Puis à un moment, il a fallu expliquer à mes parents pourquoi je voyais une psychologue. J’ai eu droit à tout, sauf de la compréhension. Du jugement au mépris, sous prétexte que je faisais des cachoteries, que je ne leur parlais pas alors qu’ils sont mes parents.

Justement, parler de ce viol à mes parents était une des choses les plus difficiles à faire, parler à une psychologue ça allait, quelque part c’était une inconnue, c’était plus facile, on a moins peur du jugement des inconnus, et puis je savais qu’elle était là pour m’aider à aller mieux, je savais qu’elle aurait les outils pour réparer ce qui est brisé en moi. Je connaissais assez mes parents pour savoir que, c’est quelque chose qui risquait grandement de me péter à la figure, quelque part dans mon subconscient, je le savais c’était instinctif. Parler de ce sujet au sein de ma famille me faisait peur, d’abord parce que je craignais qu’on ne me croie pas et ça, ça risquait de m’anéantir. Mais aussi parce que parler de sexe et tout ce qui y touche était si tabou, mes parents n’avaient jamais installé cette relation de dialogue, compréhension et ce minimum d’ouverture entre eux et moi, leur enfant.

Le plus souvent c’était une relation d’autorité. Mais un jour, après avoir consulté une autre psychologue, spécialisée dans les cas de viol, je finis par le faire. J’ai osé parler de ça et confronté cela à mes parents. Ce fut un des épisodes les plus douloureux de ma vie, ma mère a d’abord très mal réagi, en me reprochant de ne pas l’avoir dit plutôt, elle finit par dire qu’elle ne savait pas ce que je voulais, que ma « revanche » sur ça se trouvait dans la réussite de mes études et sous le coup de la colère elle dit que de toute façon les hommes sont comme ça, ce sont des démons. Elle a fini par dire un jour, que je ne devais le dire à personne, que c’était mon secret. (Il y avait chez elle cette idée de secret honteux à garder.) Et qu’elle ne pouvait rien faire maintenant, j’aurais dû venir lui en parler au moment où ça s’est passé.

Mon père, lui, a d’abord dit que je mentais et que je devais surement avoir des problèmes avec mon copain, pour lui je cherchais juste à attirer l’attention, le problème était forcément ailleurs – un peu plus tard, Il m’a reproché de ne le dire que maintenant, soit presque 16 ans plus tard – et le reste du temps, il n’a fait qu’ignorer cette histoire et agir comme si de rien n’était. Il m’a également dit de ne parler de cette histoire à personne, pas même mes copines, que ça allait être la honte pour moi. Et j’ai eu droit de sa part à des reproches pour avoir été voir une psychologue. Le plus grave pour lui était que cette histoire était sortie du cercle familial, j’étais folle et ridicule de l’avoir fait. Je n’en avais rien à faire, je ne regrettais absolument rien, après toutes ces réactions, si je ne l’avais pas fait, si j’étais venue vers eux d’abord, je ne serais surement plus de ce monde aujourd’hui.

Puis un jour, je découvris qu’ils avaient eu un contact avec ce cousin et qu’ils ne lui avaient rien dit sur cette histoire. Ils avaient agi comme si rien ne s’était passé. Mon père m’avait fait croire qu’il l’avait fait mettre en prison et qu’il en avait pour longtemps, il ajouta que je ne devais le dire à personne pas même ma mère, je trouvais ça étrange. Je découvris trois mois après, preuves à l’appui, que ce n’était pas vrai. Je l’ai entendu lui parler au téléphone comme si tout allait bien. Je me suis dit que c’était un cauchemar, quand j’ai entendu son nom sortir de la bouche de mon père, il prenait de ses nouvelles et riait avec, j’ai cru que je délirais. Il m’avait menti, il m’avait manipulé, il voulait juste passer pour le héros de la situation, avoir le beau rôle.

Quelques temps après, au retour de ma mère du pays, j’ai reconnu ce cousin sur les photos qu’elle avait ramené, et j’ai demandé à ma mère pourquoi et comment elle avait pu s’asseoir dans une même pièce que ce monstre et ne rien dire ? Elle me dit qu’elle craignait beaucoup les autres membres de la famille et leurs réactions, qu’elle se sentait seule contre tous, qu’ils n’étaient pas sa famille (famille paternelle) et qu’ils ne l’appréciaient pas. Elle craignait de ne pas être crue également. Elle me fit comprendre que c’était trop tabou pour elle d’en parler comme ça, et que c’était insensé qu’elle fasse scandale au milieu de tous ces gens, qui ne lui étaient au fond pas si familiers. Et que ça aurait exposé ma « honte » devant tout le monde. J’étais sous le choc et je lui en voulais à mort. Puis un jour après que ma mère lui ait demandé s’il comptait faire mettre ce cousin en prison, mon père lui dit qu’il ne le ferait pas enfermer même s’il le pouvait, c’était un « enfant » de sa famille, après tout, pour lui il suffisait de le réprimander verbalement et ça irait, mais même ça il ne l’a jamais fait. Apparemment, je ne devais pas être un enfant de la famille, moi.

Je réalisais à quel point il prenait la chose avec tellement de légèreté, sans prendre en compte que c’était moi qui en a souffert, que c’était moi, à qui on avait gâché la vie, à qui on a volé innocence, bonheur et années de ma vie, je ne comptais pas, ma souffrance n’existait pas pour lui. J’étais juste la fille qui avait une « honte » sur elle et à qui on tentait de faire pression pour qu’elle se taise et n’entache pas la réputation de la famille. Une série de chocs psychologiques et émotionnels, sur 4 ans. Le déni les rendait complices de cet acte, pour moi. Je le vivais comme une haute trahison. J’avais enfin trouvé le courage et la force d’en parler, pour me heurter violemment à tout ça. Ma colère et ma détresse étaient grandes, mais il était hors de question que je me taise : je commençais à en parler autour de moi.

J’ai passé toute cette période, entre moments de dépression – où je passais des jours à pleurer – dormir ou aller chez la psychologue. Je ne leur adressais aucuns mots, ils étaient prêts à faire comme si rien n’était arrivé, je refusais cette amnésie, je ne voulais pas faire partie de cette mascarade, j’étais très indignée, très en colère et tellement dégoûtée. C’était très grave, ça n’était pas juste pour moi, et je n’avais pas le soutien que des parents se doivent d’apporter à leur enfant. J’étais si choquée de penser que je pouvais être au fond du gouffre et que personne ne puisse vraiment m’aider. Pas même ceux qui m’ont mise au monde. Il était évident qu’ils ne savaient pas comment « dealer » avec la chose, et ce particulièrement pour ma mère à qui mon père reprochait de ne pas m’avoir surveillée, qu’elle aurait dû le savoir. « Étant donné que c’est à la femme de s’occuper des enfants ». (Patriarcat ! quand tu nous tiens... !) Il tentait de la faire culpabiliser et ça marchait, alors que depuis le début je n’accusais personne, si ce n’est celui qui a abusé de moi.

Ma mère finit par condamner le geste, me demander pardon pour ses propos et me proposa de l’aide pour quoique ce soit. Mon père, lui ne condamna jamais ce geste, au contraire. Il chercha même à justifier, maladroitement, le comportement nauséabond de cet homme : « C’est bon maintenant, il a des enfants et il est marié. » en sous-entendant qu’il se « vidait les couilles chez sa femme » et qu’il se serait donc calmé. Et que je devais donc arrêter d’en parler. Il ajouta aussi : « Tu sais, il a eu une vie misérable, il a perdu ses parents quand il était jeune. » Pour lui ça faisait sens de me donner ces excuses, pour n’avoir rien fait par rapport à cette histoire, il fallait en plus que je plaigne ce violeur d’enfants, le « pauvre » gars, comme s’il ne m’avait pas détruite. Son message était clair, le viol c’est rien, ce n’est pas très grave, sauf si j’en parle. Il ne se souciait absolument pas du sort de ses nièces qui côtoyaient ce prédateur sexuel tous les jours. Au final, il lui cherchait des excuses, des prétextes sans même condamner l’acte en lui-même, rien de tout ce qu’il a pu dire ou faire n’allait dans ce sens.

Il n’a jamais parlé de cette histoire auprès de sa famille, il tentait surtout de s’en dédouaner et de continuer à faire comme si de rien n’était. C’est ma mère et moi qui l’avons dénoncé dans la famille pour la première fois. D’ailleurs, dans une énième dispute, il finit par dire un jour que je foutais le bordel dans la maison avec cette histoire et que je devais m’estimer heureuse de pouvoir en parler ici (en Europe), car d’autres femmes ne peuvent pas là-bas (au pays) et se font violer quotidiennement encore. J’étais vraiment écoeurée et furieuse, de le voir presque s’indigner quand des cas de viols étaient relatés à la télévision, je le trouvais tellement hypocrite. Lui, pour qui j’avais eu tant d’admiration… Il ne me restait qu’énormément de dégout et de colère. Le lien père-fille, fut brisé à jamais.

Après cela, il m’a fallu du temps pour guérir de mes blessures psychiques, encore aujourd’hui, il m’arrive d’être triste en me remémorant tous ces souvenirs, mais j’aurais appris à me battre pour moi, et pour ce en quoi je crois. Et ce au détriment de ce qu’on peut dire ou penser de moi. Peu importe qui me fait front. Après quelques temps, j’ai réussi à me réapproprier mon corps et ma sexualité, ça n’a pas toujours été évident, mais grâce à un petit copain aimant et attentionné, et une psychologue géniale, j’y suis arrivée.

Aujourd’hui, je m’aime beaucoup plus qu’avant, j’aime qui je suis, j’ai acquis une estime de moi-même, j’ai confiance en moi, je suis heureuse et épanouie dans un corps que j’ai appris à aimer et considérer. Mon corps ! J’ai survécu à cette tornade qui avait fait tant de dégâts en moi. Je vis maintenant et c’est aussi grâce à Dieu. Je savoure chaque instant de ma vie avec joie et j’ai appris profiter des bonnes choses autour de moi. J’aime danser, voyager, apprendre, écrire, la musique, m’amuser, faire la fête, être avec mes amis, ma famille etc. Cet épisode a resserré des liens avec certains membres de ma famille, ma mère, particulièrement, est devenue un aide et alliée sur qui je peux compter. J’avance tellement plus légère et libérée de toutes ces souffrances qui m’accablaient. Je suis libre de jouir de ma vie, de mon corps, de ma sexualité, je suis libre de rêver, de rire et de m’exprimer dans toute ma différence et ma complexité, sans tabou, sans honte. Et surtout, j’ai appris à ne pas me laisser écraser et dicter par personne. Je suis libre d’être qui je veux, quand je veux, où je veux.

J’ai compris qu’il y a un problème, un très gros problème autour du viol, en général. Ce n’est pas normal que les victimes soient systématiquement discréditées lorsqu’elles le dénoncent. Ce n’est pas normal qu’elles soient automatiquement catégorisées comme de « petites putes » qui auraient provoqué leurs agresseurs. Ce n’est pas normal d’essayer de convaincre une victime de se taire parce que c’est une honte que quelqu’un ait abusé d’elle. Ce ne l’est pas non plus de trouver des excuses et de prendre la défense de l’agresseur, il n’y a aucune excuse à ça. Je refusais de croire et d’accepter que mon honneur se trouve entre mes cuisses. Je refusais de faire de cette histoire et même de cette thématique, un tabou. Le problème du viol, est et restera toujours le violeur !!!

Cette tentative de faire taire la victime, de la réduire sous silence n’arrange au final que le violeur, qui lui vaque à ses occupations librement, en toute impunité. Cette idée me révoltait énormément, j’avais dû lutter pour essayer de revivre, mais j’ai dû également me battre contre un système de pensées sexiste et misogyne qui au final participait au déni de mes souffrances et faisait pression pour que je garde le silence et la honte sur moi.

Or, le silence tue de l’intérieur mais aussi littéralement, c’était une lutte psychologique. C’était plus que vital, je me jurai de ne jamais me taire, il en était hors de question, si personne ne le dénonçait, moi j’allais le faire pour moi mais aussi pour mes petites cousines qui devaient surement subir ces atrocités. Et je l’ai fait ! C’était tout ce qui était en mon pouvoir à ce moment-là, utiliser ma voix ! Même si juridiquement ça allait être compliqué pour moi, il était important que toute la famille sache qui il est et qu’elle puisse faire quelque chose pour protéger mes cousines et tout autre enfant vivant là-bas, j’attends encore de recevoir la suite pour cela et c’est quelque chose que je suivrai du mieux que je peux. C’était important pour moi de refuser que ma souffrance et l’énorme tord qui m’ont été causés soient minimisés au nom de ce foutu putain « d’honneur » qui se trouverait dans mon entrejambe. Et au nom de toutes ces autres conneries qu’on nous sort à nous femmes pour justifier ces atteintes à nos corps, à nos vies et à nos intimités respectives.

Aujourd’hui, je sais que tous les problèmes autour du viol et de leurs victimes, sont des sujets qui me tiennent à coeur et contre lesquels je suis révoltée et me battrais autant que je peux.

Les hommes me font tout de même peur parfois je ne peux m’empêcher de me dire qu’un homme peut être un potentiel violeur. Alors je suis sur mes gardes et évite de rentrer tard la nuit seule (bien que je sache que le plus souvent les viols sont commis dans la sphère privée, par des personnes qu’on connait bien) ou bien d’en fréquenter beaucoup. Je ne crée jamais de relation de proximité avec des hommes ou des gens en général. Je ne fais confiance qu’à un très petit nombre personnes. Et puis, je me dis qu’un jour, j’aurais des enfants à mon tour et il est évident pour moi que je leur dirais dès leur plus jeune âge que si un adulte ou qui que ce soit d’autre les touche d’une certaine manière à des endroits inappropriés, ou leurs font certaines demandes etc., il faudrait qu’ils refusent et me le disent. On pense que ce qui concerne la sexualité ne devrait pas être exposé aux enfants, et quelque part j’aimerais bien ne pas devoir le faire aussi tôt. Mais au final, c’est un des seuls moyens qui me permettrait de les protéger du mieux que je peux. Et c’est aussi une manière de leur apprendre que leur corps est à eux et que personne n’a le droit d’y faire ce qu’il veut.

J’en suis venue à me demander finalement comment reconnait-on un violeur ? C’est vrai, les prédateurs sexuels sont très souvent des personnes de notre entourage, un père, un mari, un voisin, un ami, un beau–père, un oncle, un collègue de travail, notre médecin etc. Quelques fois, ce sont des femmes même qui violent et toutes ces personnes sont des gens que l’on juge sympathiques, de confiance, qu’on aime et/ou qu’on estime. Et au final, ça peut être trompeur... et en tant que future mère, je risque peut-être d’avoir toujours cette peur que l’on puisse faire du mal à mes enfants.

On néglige souvent l’impact d’un viol, au niveau social mais aussi au niveau judiciaire ou les peines sont trop souvent injustes pour un impact si douloureux et lourd de onséquences pour celles qui ont subi ces viols. Les victimes passent par tellement d’épreuves que très peu finissent par porter plainte. Je réalise une fois de plus qu’il y a un combat à mener de ce côté, mais je crois qu’il ne peut se faire seule, mais avec l’union de plusieurs voix et à l’aide d’une prise de conscience personnelle et commune, pour pouvoir changer une société où la culture du viol est monnaie courante.

C’est-à-dire :

  • Le viol est un acte qui s’étend à toute la planète indépendamment des origines. Ça ne se passe pas qu’en Afrique, Asie, ou Amérique Latine. Ça ne se passe pas que dans les temps de guerre. Le viol reste une réalité et un fléau même ici dans notre quotidien. Ça ne se passe pas non plus que dans les sociétés et lieux dits pauvres. Beaucoup de femmes subissent des viols en France, en Belgique, en Pologne, etc. peu importe leurs origines et classes sociales.
  • Il y a bien plus de victimes de viols qu’on ne le pense : 75.000 cas de viol par an en France, chiffre de 2011. Pour la Suisse, en 2011, 557 viols et 606 agressions sexuelles ont été signalés à la police. Il faut être conscient que le nombre de victimes de viols est bien plus grand que ça et que très peu de personnes arrivent à en parler et encore très peu parviennent à porter plainte, la procédure pouvant être traumatisante entre autres.
  • En Suisse, lors d’une enquête représentative menée en 1997, une femme sur cinq âgées entre 20 et 60 ans a indiqué avoir subi de la violence physique ou sexuelle par son partenaire ou son conjoint. (Voir sources plus bas)
  • Les viols sont commis le plus souvent par des personnes proches ou moins proches de la victime, dans la sphère du privé donc (par opposition à lieu public). Et non par un homme inconnu et armé d’un couteau dans une ruelle sombre, tard la nuit. Ce cliché participe grandement à discréditer tout autre récit de viol qui ne s’en rapprocherait pas et qui par conséquent est catégorisé comme n’étant pas un ‘’vrai’’ viol, entre autres.
  • Le viol est un instrument de domination, d’intimidation. Le viol ça veut dire que quelqu’un a pénétré ton corps sans ton autorisation, sans ton accord, de force et/ou par domination psychologique et perverse. Cette personne a jugé que ton corps est un objet sur lequel il a tous les droits, et que ton avis et ton consentement ne comptent pas. Tu te retrouves dépossédé-e de ton propre corps et réduit-e à un objet sexuel. On tente de t’enlever ton humanité, ton droit à disposer librement de ton corps. En tant que femme, on peut même te menacer de viol, parce que tu vis ta vie et t’exprimes comme tu l’entends et que ça peut ne pas plaire à certains hommes (ou certaines femmes).
  • Le viol n’a rien avoir avec la tenue qu’a pu porter une femme : une minijupe ou un décolleté ne veut pas dire : « Oui, je veux coucher. » Mais par contre non, ça veut dire non, même s’il n’est pas ferme. Non=Non et ça même si vous étiez aux préliminaires ou pendant l’acte en lui-même. Autrement, c’est du viol. Même si une femme est nue ça n’est pas un gage de consentement à un acte sexuel.
  • Rien ne justifie ou n’excuse un viol, le problème c’est celui qui commet le viol.
  • Quand il n’y a pas de consentement verbal, c’est un viol. Quand une personne vous repousse, ça ne veut pas dire : « essaye plus fort ! ». Quand une personne est inconsciente ou endormie, ça ne veut pas dire : « Oui, j’ai envie de coucher. »
  • Le viol au sein du couple ça existe : ta copine ou ta femme n’est pas là pour assouvir tes besoins sexuels H 24 7j/7, autrement dit, elle n’est pas ton esclave sexuelle. Chacun a le droit de disposer de son propre corps et quand c’est non, bah tu n’y es pas autorisé.
  • Une survivante qui vous raconte son histoire n’a pas besoin de votre opinion sur comment elle doit gérer les choses après son agression. Elle n’a pas non plus besoin que vous lui disiez ce qu’elle aurait dû faire ou non pour éviter le viol. (Elle l’aurait fait sinon et puis ce n’est pas elle le problème, enfaite). Souvent écouter, essayer de comprendre ce qui est dit et lui demander ce qu’elle ressent font déjà un grand bien. (Et c’est de circonstances si jamais… pour les êtres sensés).
  • Il ne faut pas forcer une survivante à aller consulter si elle n’en a pas envie, laissez-la prendre le temps de trouver la force d’y aller et proposez de l’accompagner si nécessaire.
  • Après qu’une survivante vous ait raconté son histoire ne faites pas comme si de rien n’était. Si vous voulez aider, faites-la savoir que si elle veut parler, vous êtes là et soyez vraiment là. Soyez attentifs aux réactions et états d’âmes de la personne, ne la négligez pas.
  • Le viol n’est pas quelque chose de drôle, ni quelque chose à minimiser, ce n’est pas une relation sexuelle des plus saines et normales. Le viol est un acte violent, grave et il faut le prendre en tant que tel.
  • Les hommes savent se contrôler. Cette vision de l’homme qui a des pulsions sexuelles incontrôlables etc. est issue du patriarcat et est utilisée par certains pour se permettre des choses sur le corps d’autrui sans consentement. Sortez de ce mythe ! C’est urgent !
  • Le corps des femmes n’est pas là, à disposition pour les hommes.
  • Le viol ne doit pas être quelque chose de tabou, on devrait pouvoir faire de la place pour en parler comme on parle du fait de s’être fait insulté, agressé, volé, tapé etc.
  • Ce n’est pas aux femmes de faire constamment attention à ne pas se faire violer, quand le fond du problème ce n’est pas elles justement.
  • Il faut aussi éduquer les jeunes garçons et filles différemment à propos de ces sujets et dans un but de créer une culture du consentement et du respect du corps d’autrui. Cette liste non-exhaustive, mais ce sont des réflexions à faire, des idées à intégrer par tout un chacun, si on veut créer une société où il fait bon vivre d’être une femme mais aussi une société qui soit plus positive pour les êtres humains en général. Vous éduquez/éduquerez les êtres humains de demain, ils constituent le monde de demain. Une Woman-Warrior

Sources pour les statistiques de viol :
http://www.planetoscope.com/Criminalite/1497-viols-en-france.html
https://www.amnesty.ch/fr/themes/droits-des-femmes/faits-chiffres-et/faits-et-chiffres
http://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/24090295

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