Travail - précariat - lutte des classes

Travail et précarité dans la culture alternative genevoise

Discours lu à l’occasion du défilé du 1er mai 2017 à Genève à propos des conditions de travail dans le domaine de la culture dite alternative.

Genève |

« La culture alternative c’est cool
on fait des trucs arty,
on se dit autogérés,
on est forcément chantmé.

D’ailleurs

T’acceptes des salaires de merde à 12,50CHF, parce que quand même c’est mieux que de bosser dans une banque.
Tu ramènes un témoignage et ça te coûte ton taf.
T’oses pas mettre en péril l’existence de ton asso, dernière enclave d’alterno, tu lui dois allégeance parce que t’as tellement de la chance.
T’es les petites mains de la culture, t’es remplaçable, t’es sur un siège éjectable.

Autogestion, pas de patron. Pas d’hiérarchie pas d’conflit. Pas d’employé.e.s en colère, pas de responsabilités, que des privilèges en loucedé.

La culture alternative c’est cool
on fait des cafés po,
on se dit autogérés,
on est forcément chantmé.

D’ailleurs

Tu refuses les avances d’un mec alors t’as pas ton poste ou tu perds des heures.
Tu t’amuses tellement au boulot, c’est tellement tes potes, que quand on te met une main au cul, c’est ok pour tout le monde, c’était un pote.
T’es violée, la seule manière de s’en sortir, c’est de partir.

Mais si la programmation promeut la culture du viol, que ton asso te dit qu’elle est déjà anti sexiste et anti raciste blablabla mais c’est tout juste une belle façade, qu’on te rabache que les méchants c’est pas « nous » tu te trompes de cible, c’est d’autant plus difficile de dénoncer les violences structurelles que tu subis ou dont tu entends parler à ton taf.
T’es rentré-e là, t’avais plein d’espoir, t’as cru que c’était différent ?
Impossible de parler de harcèlement au travail dans un lieu que tu envisages comme ton cocon, là où tu es censé-e vivre ta passion.
Personne ne veut entendre que ça se passe mal au paradis.

La culture alternative c’est cool
on fait des teufs et des concerts,
on se dit autogérés,
on est forcément chantmé.

D’ailleurs

T’es mobbée et on dit juste que c’est deux meufs qui s’entendent pas.
Tu signales une culture raciste, sexiste, antisémite, transphobe, lesbophobe ou homophobe on te demande de te taire.
Tu fais un travail syndical gratos dans ton assoce, tu te prends des menaces jusqu’à ce que tu te casses.

Bref, aucune prise en compte des rapports de pouvoir, dans des milieux qui se targuent d’être politisés, mais politisés en quoi alors ? Silencier, éviter les problèmes semble être la politique de la culture alternative.
Pour l’usine par exemple, trop de dealer zonard. Pour nous trop d’employeurs connard.

Quand les personnes qui prennent des décisions ne sont pas celleux qui sont victimes des oppressions, c’est facile de croire qu’on est dans un monde ou le racisme toutcatouca c’est fini ces conneries. D’ailleurs on a toujours dit qu’on l’acceptait pas ici. Où c’est ailleurs quoi.

Mais en fait les gars, c’est pour ça que l’entre-soi c’est du caca.

Quand même,

La culture alternative c’est cool
on fait des trucs arty,
on se dit autogérés,
on est forcément chantmé.

Tout ça c’est pas ok.
Ces structures, on veut pas qu’elles soient gérées par les plus privilégié-e-s.
Sous couvert d’autogestion, elles restent fondamentalement dans des logiques capitalistes néolibérales.
L’institutionnalisation les a pas aidées et les a gentiment broyées.
A cause de ces logiques, on en vient à croire qu’on pourrait être du côté du pouvoir, et on finit par participer à une culture dominante apolitisée qui parle beaucoup mais ne fait pas grand chose.
Elle ne nous ressemble pas.
Elle ne nous convient pas.

Y’en a qu’ont oublié que le privé il est politique.

Un lieu culturel alternatif il est pas que là pour présenter de la culture, il est là pour être créatif dans la manière de construire nos rapports entre nous et de vivre ensemble.

Alors on va pas lâcher l’affaire comme ça.
Laissons tomber les faux enjeux politiques, trouvons notre solidarité révolutionnaire. Foutons la merde.
On a besoin d’espaces pour se solidariser et pas s’écraser mutuellement.

Pour travailler parce qu’il faut bien bouffer

Pour que ce taf soit à nos conditions, au moins au mieux qu’on peut, plutôt qu’aux leurs

Pour être dans la création plutôt que s’épuiser à réagir

Pour rigoler s’amuser et se rencontrer

Pour trouver du soutien et être écouté-e-x

Pour ne pas être silencié-e-x,

Pour ne pas être invisibilisé-e-x

Pour être fièr-e-x de ce qu’on fait

Pour pouvoir se critiquer sans se massacrer

Pour avancer et créer ensemble

Allez venez on fait ça et on attend pas sur les autres !

Allez venez on crée notre propre outils

Reprenons ces espaces, ils sont à nous, on y a le droit et on ne veut plus en chier. »

Notes

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