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Contester la course accélérée vers l’avenir

Ce mois-ci Renversé s’intéresse à la contestation de la course accélérée vers l’avenir. Un thème de réflexion proposé tout au long de cette drôle d’année 2020 par les Archives contestataires. Il s’agit de revenir, à l’aide de documents d’époque, sur la période de généralisation de la voiture individuelle, des appareils électroménagers, de l’augmentation des rendements agricoles bruts, etc. pour se demander si ces « progrès » ont vraiment été unanimement acceptés ou s’ils n’auraient pas fait l’objet de certaines contestations.

Dès la fin de la Deuxième guerre mondiale, le progrès technique semble s’accélérer et l’accès aux fruits de ce progrès semble se généraliser. Il semble bien que le projet d’un progrès social, de l’élévation du niveau de vie de chacune et de chacun soit rendu possible par la voiture individuelle, l’augmentation des rendements agricoles bruts, la construction en béton armé ou encore la généralisation du frigo ou de la télévision.

Pourtant, cette course accélérée vers l’avenir a une face sombre : surexploitation des ressources naturelles, déqualification du travail, renouveau de rapports coloniaux. Cette face sombre, dont certain.e.s prennent conscience aujourd’hui a été dénoncée d’emblée par de nombreux groupes contestataires qui ont averti, depuis un bon demi-siècle, des dangers de toutes sortes liés à un progrès toujours plus identifié au seul profit économique. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils ont peiné à se faire entendre.

Comme le proposent les historiennes Céline Pessis, Sezin Topçu et Christophe Bonneuil, il doit être possible d’écrire une autre histoire des Trente glorieuses. Une histoire qui mette en question précisément le caractère glorieux de cette période d’accumulation de progrès techniques fondée sur la surexploitation travailleuses et travailleurs migrantes et des ressources naturelles, l’intensification et la déqualification du travail. Pour cela, selon le programme proposé par ces historiennes, il faut :

« redonner voix aux alertes sur les dégâts du progrès, aux controverses et conflits sur la modernisation », mais également « mieux comprendre le gouvernement de la critique, c'est-à-dire les discours, instruments et stratégies qui ont maintenu ces critiques dans les marges ».

Ce travail de relecture historique importe pour plusieurs raisons :

  • d’abord, parce qu’il y a urgence à comprendre comment nous avons été engagé.e.s dans un processus de destruction accélérée des ressources à une échelle globale au nom du progrès ;
  • ensuite, parce que le productivisme a trop longtemps été présenté comme la seule origine possible du progrès social porté par la gauche : défaire ce lien – et comprendre comment il s’est noué – est sans doute la tâche la plus difficile et la plus urgente à laquelle doive s’atteler le mouvement émancipateur aujourd’hui ;
  • enfin, parce qu’il importe de redonner du contenu à la notion de progrès. Elle a été dramatiquement restreinte, au cours des Trente glorieuses, à des formes très spécifiques d’innovations techniques et infrastructurelles, qui sont surtout les auxiliaires de la reproduction capitaliste. Le camp progressiste ne peut pas se satisfaire d’une telle restriction.

Les documents conservés aux Archives contestataires permettent d’envisager ce travail à la fois historique et indispensable pour orienter l’action politique aujourd’hui. Ils rendent visibles les mouvements les plus spectaculaires qui ont porté le conflit sur la question du progrès technique (mouvement antinucléaire par exemple), mais aussi des formes moins évidentes de contestation du progrès technique en particulier sur le lieu de travail.

Tout au long de ce mois thématique proposé par renverse.co nous vous proposerons des présentations de documents issus de nos archives et des récites de moments de contestation du progrès technique dans la seconde moitié du XXe siècle.

P.S.

Depuis sa fondation en 2007, l’association Archives contestataires collecte, décrit et valorise des archives issues de nombreux mouvements sociaux de la deuxième moitié du XXe siècle : contre-culture, anti-militarisme, droits des patients, lutte contre le nucléaire, luttes sociales, contre-information, anti-impérialisme, luttes étudiantes, etc.

Les archives collectées auprès de militant·es, ou de groupes encore existants, sont stockées dans des conditions adaptées à une longue conservation. Elles font l’objet de descriptions accessibles en ligne par le biais d’inventaires et d’un catalogue de bibliothèque.

L’association anime des rencontres autour de ses archives, participe au commissariat d’expositions, édite des ouvrages et organise des journées d’études.

La consultation des archives est ouverte à toutes et à tous, sur rendez-vous (voir les modalités sur site archivescontestataires.ch).

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