Indépendantisme - impérialisme - colonialisme Palestine Anti-Sionisme

Elias Rodriguez… le feda’i qui a révélé les positions sur la résistance ; par Khaled Barakat

Le 22 mai 2025, Elias Rodriguez, 30 ans, s’est rendu au musée juif de Washington où une soirée organisée par des soutiens de l’état colonial israélien avait lieu. Sur place, il est accusé d’avoir tué deux collaborateurs de l’ambassade d’Israël. Lors de son arrestation, il a crié à plusieurs reprises “Free Palestine” et il a publié un manifeste où il dénonce le génocide en cours à Gaza et l’inaction des gouvernements. Son manifeste est lisible en anglais ici : https://www.kenklippenstein.com/p/the-israel-embassy-shooter-manifesto

Le texte suivant a été écrit par Khaled Barakat, coordinateur international de Samidoun et membre de Masar Badil.

L’opération menée par le feda’i Elias Rodriguez n’était pas un événement passager ni un acte isolé du contexte politique et stratégique actuel. Elle a plutôt marqué un moment charnière dans la clarification des positions et la mise au jour des contradictions, en particulier sur la scène internationale où les mouvements de solidarité avec le peuple palestinien sont actifs. Survenant au cours de l’une des phases les plus violentes de la guerre génocidaire menée par l’entité sioniste contre la bande de Gaza depuis plus de vingt mois, cette opération était une réponse naturelle et légitime à cette agression brutale et un écho à la voix de la résistance qui reste vivante et profondément enracinée dans la conscience des peuples libres.

L’intellectuel révolutionnaire et martyr Ghassan Kanafani (1936-1972) était le principal théoricien de la violence révolutionnaire dans la lutte contre l’impérialisme et le sionisme. Le lien de Kanafani avec la lutte armée n’était pas romantique, mais étroitement lié à sa pensée politique, à ses convictions et à l’approche dont il a défendu la cohérence logique et morale jusqu’au moment de son martyre. Ce lien pratique et organique était l’une des principales raisons de son assassinat.

Kanafani a également mené une lutte intellectuelle acharnée contre ceux – Palestiniens, Arabes ou autres – qui s’opposaient aux « opérations extérieures ». L’auteur de la maxime « derrière l’ennemi partout » a continuellement affirmé, jusqu’au moment de son assassinat, qu’il n’y a ni séparation ni contradiction entre les actions des fedayin en Palestine et au-delà de ses frontières et les « opérations extérieures », tant que la stratégie politique est unifiée et que l’ennemi est unique. Le camp ennemi a-t-il changé aujourd’hui ? Ses politiques coloniales ont-elles changé ou sont-elles devenues encore plus sauvages ? L’opération héroïque de Rodriguez a clairement montré que le « mouvement de solidarité » avec le peuple palestinien n’est pas un courant unique ou une vision unifiée, mais plutôt un mélange de forces diverses, certains croient en la voie de la résistance et de la libération de la Palestine, du fleuve à la mer, tandis que d’autres se sont positionnés dans les cadres libéraux qui confinent le conflit au discours des droits humains et à l’arène diplomatique, et appellent pratiquement à ce qu’on appelle la « solution à deux États » comme seul horizon viable pour le conflit arabo-sioniste. Cette divergence n’est pas nouvelle. Elle reflète les contradictions politiques et idéologiques qui ont toujours accompagné les mouvements de solidarité internationale, de la révolution algérienne aux mouvements de soutien aux luttes au Vietnam, en Afrique du Sud, en Irlande et ailleurs. En fait, elle révèle également des contradictions internes au peuple palestinien, mais c’est là un débat plus long...

Au cœur de ce tableau complexe réside l’importance de l’opération de Rodriguez. Elle n’était pas seulement un défi sécuritaire pour l’appareil sécuritaire américain, mais elle a également tenu un miroir reflétant la réalité des positions : qui soutient véritablement la résistance, et qui se cache derrière des slogans généraux pour promouvoir une vision oscillant entre le nihilisme et la capitulation. Beaucoup parlent du « droit du peuple palestinien à la résistance », mais rejettent toute pratique réelle et consciente de ce droit si elle sort du cadre du discours acceptable en Occident, un discours qui se traduit souvent par des appels à des compromis et à des concessions politiques, au premier rang desquels la promotion de la « solution à deux États » et d’une « paix » qui implique la reconnaissance de la légitimité de l’entité sioniste et la capitulation de la Palestine – et de nos esprits également.

À l’inverse, il y a ceux qui se sont fermement et clairement rangés du côté de la résistance, non seulement en tant que concept théorique, mais aussi en tant qu’action pratique fondée sur les principes de libération, de retour et de rejet de la légitimité de l’occupation. Ceux-ci sont le prolongement naturel des mouvements de libération palestiniens à travers le monde, qui considèrent la lutte palestinienne comme faisant partie d’un front mondial contre le colonialisme, le racisme et le capitalisme prédateur et brutal. C’est pourquoi nous assistons à l’avancée des forces radicales ouvrières, jeunes, étudiantes et féminines, tandis que la tendance à la « solidarité conditionnelle » est en recul. L’opération de Rodriguez n’a pas seulement révélé les limites du discours libéral, elle a également restauré la valeur de l’action directe comme outil de mobilisation et d’agitation, plaçant chacun face à ses responsabilités.

La large réponse populaire à cette opération, en particulier parmi les jeunes et au sein des communautés palestiniennes, arabes et musulmanes, révèle que le sentiment populaire reste aligné sur la lutte armée et une position révolutionnaire sur la Palestine. La bataille menée par le peuple palestinien ne se limite pas à la Cisjordanie et à Gaza, mais s’étend et s’intensifie à l’échelle mondiale dans le cadre de la lutte révolutionnaire contre l’impérialisme, le sionisme et les régimes réactionnaires et fascistes.

Ces divergences, malgré leur acuité, ne doivent pas devenir une source de discorde nihiliste ; elles doivent plutôt être comprises comme faisant partie de la pluralité naturelle des mouvements de libération mondiaux. Historiquement, les mouvements de solidarité avec des causes justes ont connu des divergences similaires, qu’il s’agisse du soutien à la révolution cubaine, aux luttes en Amérique latine ou même aux positions sur la résistance en Irak et au Liban. Cependant, il est urgent d’empêcher l’ennemi d’exploiter cette « pluralité », en particulier dans le contexte du génocide. Les sionistes, par le biais de campagnes de propagande et de pressions politiques et juridiques, cherchent à diaboliser tous ceux qui soutiennent la résistance et ses partisans, et à semer le doute et la méfiance dans les rangs des militants solidaires en général.

Notre analyse est que la majorité du peuple palestinien – à l’intérieur de la patrie et dans la diaspora – considère, surtout à la lumière des massacres de Gaza, la renaissance de l’action feda’i comme une nécessité révolutionnaire. Il appelle à une participation populaire plus large au soutien de la résistance, que ce soit par un soutien politique, financier, médiatique ou culturel, ou par une implication directe. C’est le berceau populaire et la force motrice révolutionnaire nécessaires pour mettre fin à l’agression, modifier l’équilibre des forces et parvenir à la libération. Plus les crimes de l’occupation sont graves, plus la conviction s’affirme qu’il n’y a pas de place pour la neutralité et que l’affrontement avec l’ennemi est devenu un devoir, et non un choix.

La bataille d’aujourd’hui ne se limite pas à Gaza ou à la Cisjordanie, mais inclut également la diaspora. L’opération de Rodriguez représente donc un cri face au système américain et un message selon lequel la résistance n’est pas l’apanage d’une géographie, d’une race ou d’une couleur, mais une affiliation, une identité et une position éthique et politique qui ne tolère aucun compromis.

En conclusion, les forces de la résistance et leurs alliés doivent tirer parti de ce moment, élargir les cercles du dialogue révolutionnaire avec les mouvements de libération au niveau international et protéger leurs rangs contre les campagnes sionistes qui cherchent à isoler et à diffamer les résistants. La bataille est longue et ouverte à toutes les possibilités, mais la clarté de la vision et de la direction, comme l’a démontré Rodriguez, est la première condition de la victoire.

P.S.

Source du texte : https://masarbadil.org/en/2025/05/5860/

Traduit de l’anglais par le Secours Rouge Genève

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