L’année 2019 a été une année de mouvement de classe mondial d’une ampleur et d’une intensité jamais vues depuis des décennies, peut-être depuis la vague des luttes révolutionnaires des années 60 et 70. La normalité capitaliste du business as usual a été profondément ébranlée par une myriade de manifestations, de grèves, d’émeutes et même, dans certains endroits, de mutineries dans les forces armées et la police. Des centaines de milliers de prolétaires en colère sont descendus dans les rues du Chili, de la France, du Liban, de l’Irak, d’Haïti, de Hong-Kong, de l’Iran, de l’Inde, de la Colombie et de bien d’autres endroits… Pour de nombreux militants communistes, ces mouvements représentaient une bouffée d’air frais. Sur cette lancée, nous observions les émeutes à Sao Paulo, à Recife, à Rio ou encore l’occupation du métro à New York ou les protestations contre les entreprises polluantes à Wenlou dans le delta de la rivière des Perles dans l’espoir que ce sont là les signes que la révolte prolétarienne se propage telle une trainée de poudre et commence à engloutir ces immenses centres d’accumulation du Capital. Le Nouvel An arriva et le mouvement ne montra aucun signe de perte d’énergie. Au contraire, de nouvelles éruptions apparaissaient presque chaque semaine dans une autre ville, une autre région, un autre pays… Et puis, trois mois après le début de l’année 2020, tout s’est arrêté brusquement. Du moins en apparence.
En guise de postface… La « guerre contre le virus » est la continuation de la guerre permanente exercée contre nous
Tout au long de ce présent bulletin, nous n’avons pas épilogué sur la gravité ou non de l’épidémie de Covid-19, transformée en pandémie par nos maîtres et qui selon les chiffres officiels (c’est-à-dire ceux de nos ennemis de classe : l’État des capitalistes et sa médecine) aurait infecté déjà plusieurs millions d’individus à travers la planète et entrainé directement ou indirectement la mort de plusieurs centaines de milliers de malades. Nous on se contrefiche de tous ces pseudo-débats sur les masques ou sur le confinement qui ne touchent qu’un aspect superficiel de la question du Covid-19, c’est-à-dire sa gestion par les divers gouvernements (bourgeois, par définition), et dont l’unique obsession c’est la croissance du Capital et son taux de profit. D’autre part, nous savons pertinemment bien que l’efficacité du confinement généralisé s’avère plus intéressante pour la classe dirigeante en termes de contrôle et de domestication des « classes dangereuses » (pour reprendre l’expression de nos ennemis), en termes de mesures contre-insurrectionnelles (même à titre préventif) contre une classe exploitée qui a été plus que grandement remuante ces derniers mois.
Ce que nous savons très bien aussi, c’est que la bourgeoisie et son État sont en guerre permanente contre nous, contre l’humanité, contre le prolétariat en lutte. Nous savons depuis trop longtemps, pour l’avoir directement et historiquement subi dans notre chair, que le capitalisme s’est bâti sur des monceaux de cadavres, et qu’il n’y a aucune raison qu’il s’arrête de le faire. Depuis que le capitalisme s’est affirmé mondialement comme le rapport social dominant, en tant que synthèse et dépassement dialectique de tous les rapports sociaux précédents, il n’a fait que s’affirmer et asseoir sa domination par la guerre. Et ce, d’autant plus en période de crise majeure, qui n’est qu’un moment de la crise permanente du mode de production capitaliste, de ses multiples contradictions internes et mortelles, dont la plus importante est évidemment l’existence du prolétariat en tant que classe exploitée et donc révolutionnaire, sans même parler de la baisse tendancielle de son taux de profit qui pousse le capitalisme à pressurer toujours davantage la classe des exploités, à lui faire la guerre.
Et dans ce sens, nous pourrions aisément paraphraser le stratège militaire Clausewitz pour qui « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » en affirmant à notre tour que la « guerre contre le virus » est la continuation, pour la classe des capitalistes et son État, de la guerre permanente exercée contre nous, contre le futur fossoyeur du Capital.
Bien sûr, les centaines de milliers de morts officiellement recensés et attribués au Covid-19 (sans compter ceux qui pourraient très bien l’être également du fait des mesures de répression et d’isolement imposées) ne représentent pas suffisamment de force de travail excédentaire à éliminer, ce n’est pas avec cette « petite » saignée que le capitalisme retrouvera le droit chemin des profits qu’il croit illimités. Non, ce dont le capitalisme a toujours besoin (et plus que jamais), c’est d’un véritable choc, d’un « nettoyage » sans aucune commune mesure avec ce qu’on a connu dans l’histoire de l’humanité, tant les contradictions de ce rapport social mortifère sont de plus en plus chauffées à blanc et menacent de faire éclater la chaudière du profit et donc de notre exploitation si de la pression n’est pas lâchée très rapidement. Ce dont le capitalisme a besoin, c’est d’un massacre, d’une destruction rapide et efficace d’un nombre important de forces productives : tant de travail mort (de machines) que de travail vivant (de prolétaires).
Bref, si nous sommes appelés et mobilisés sur le front de la future guerre militaire qui, comme toutes les guerres, sera une guerre contre notre classe, donc une guerre de classe, il est du ressort du prolétariat de ne plus se laisser embrigader docilement comme chair à canon après avoir tout aussi docilement été chair à usine, ou tout simplement chair à travail… et chair à démocratie !
En tous les cas, au-delà des causes sanitaires, médicales, économiques, sociales de la pandémie (et donc de son origine), ce que cette « crise sanitaire » a révélé ou confirmé au monde, c’est le monde totalement anxiogène dans lequel nous plonge le capitalisme qui ne peut vivre et se développer qu’en produisant de l’anxiété (ici face à la maladie), de la peur, de la terreur… et cela a été de tout temps ainsi. Il suffit de remonter ces 75 dernières années (c’est-à-dire le temps de trois générations qui se connaissent et se côtoient et peuvent partager souvenirs, pensées et critiques) pour trouver traces de la permanence de ce climat anxiogène : après les massacres des deux guerres mondiales (qui de fait ne constituent qu’un seul et unique cycle guerrier interrompu momentanément par des éruptions révolutionnaires), on nous a promis la paix et le bonheur, après les « vallées de larmes » ce serait enfin le temps des « vallées de miel », certes au prix du travail harassant de la reconstruction. Puis, ce fut la bipolarisation du monde, la « guerre froide » et les menaces d’utilisation de l’arme atomique durant quatre décennies (le « feu nucléaire »), « l’occident » était sous la menace « des rouges » tandis qu’à l’Est, on fustigeait le « complot fasciste » contre « la patrie socialiste ». Une fois l’ère mythique des « Trente Glorieuses » désarticulée, dont l’existence matérielle a été surfaite par l’idéologie et la propagande, ce fut « la crise » qui devint le leitmotiv permanent des discours, ainsi que la pollution, les maladies (le sida, la vache folle, les cancers, etc.) et maintenant « l’apocalypse » du réchauffement climatique, de la destruction de la planète, la montée du niveau des océans suite à la fonte des glaciers, la disparition de milliers d’espèces vivantes, le tout « à la vitesse d’un cheval au galop »…
Comment après toutes ces joyeusetés ne pas se bourrer de neuroleptiques ou se suicider ou se laisser massacrer dans l’une ou l’autre guerre capitaliste !? Le capitalisme suinte la mort et la destruction et la terreur…
Maintenant, d’autres questions continuent également de nous hanter à propos de cette « guerre contre le virus », questions auxquelles nous sommes loin d’avoir toutes les réponses. Par exemple, nous ne pouvons pas nous empêcher d’exprimer notre mépris face aux discours lénifiant de la classe dirigeante qui nous assomme avec la réalité « incontestable » de la pandémie, alors que nous savons tous très bien que l’état d’urgence sanitaire est une forme plus raffinée de l’état d’urgence sécuritaire « classique » : toute résistance est assimilée à une atteinte à la vie des autres, des plus vulnérables, à la survie de la « communauté », comme un refus égoïste de se « solidariser ». D’autre part, les divers gouvernements ont au début du moins eu cette tendance à sous-estimer les événements car le contraire les aurait poussés à mettre un frein à la normalité du système, cette normalité qui s’exprime par cette sordide réalité que certains « gilets jaunes » en France ont dénoncée par la triade « Travaille, Consomme et Ferme ta Gueule ! ».
D’aucuns affirment (ce faisant ainsi, qu’ils le veulent ou non, les idiots utiles dont le capitalisme a le plus besoin) que l’État a été contraint par le développement et la gravité de la pandémie d’imposer le confinement et donc de mettre à l’arrêt des secteurs entiers de l’économie afin de « sauver des vies humaines », au titre du « contrat social » et de « sa mission » qui consiste à « protéger » ses citoyens… D’abord rappelons que dans un premier temps les divers gouvernements ont imposé aux capitalistes que le télétravail soit de rigueur dans les secteurs d’activité (tertiaire, services…) où cela était possible. Alors que la quasi-totalité des secteurs industriels jugés « non-essentiels » continuaient de tourner « à plein rendement » (“business as usual” !!!), une importante minorité de prolétaires combattifs qui ne voulaient pas risquer de se faire contaminer au travail a mené de nombreuses grèves sauvages, principalement aux USA et en Italie mais aussi un peu partout dans le monde. Ensuite, et plus fondamentalement, les capitalistes n’en ont jamais rien eu à foutre de la vie humaine, surtout si celle-ci est abondante, surnuméraire et excédentaire (selon leurs critères). Toute l’histoire de l’humanité est la preuve de cette tragédie.
Et enfin, la soi-disant « mise à l’arrêt de l’économie » telle que nos exploiteurs l’ont initiée, bien qu’accentuant dans un premier temps le problème systémique dans l’accumulation immédiate des profits, ne constitue néanmoins pas un obstacle incontournable et antagonique avec l’affirmation des besoins globaux et historiques de paix sociale et de valorisation du capitalisme. La « crise du Covid-19 » n’est pas la crise du capitalisme en tant que tel, celle-ci lui est bien antérieure ; le Covid-19 n’a fait que l’accentuer et révéler l’ampleur des failles de ce système totalement inhumain. En période de crise, les capitalistes n’ont pas d’autre alternative que de « dégraisser », de licencier, de fermer des entreprises non-rentables, de détruire… afin de relancer un nouveau cycle de valorisation. Au plus bas l’économie peut chuter, au plus fort elle peut remonter et remplir ainsi les poches des capitalistes de nouveaux et juteux profits.
Enfin, nous voudrions aborder ici un ultime point, celui des « théories complotistes » qui se déclinent en au moins deux versions : d’une part, ceux qui prétendent qu’on nous cache tout, qu’il y a bien plus de morts que ce qu’on veut bien nous dire, que le virus se propage par des voies encore plus insidieuses que ce qui est admis… A l’autre extrême de l’échiquier des « théories complotistes », on trouve ceux qui prétendent que toute cette histoire de Covid-19 n’est qu’un « grand mensonge », que « la pandémie n’existe pas » et que « ce n’est pas le virus qui tue mais le capitalisme », ce qui se révèle être une tautologie qui poussée à l’absurde permettrait d’affirmer que les prolétaires ne se font pas massacrés durant les guerres mais par le capitalisme « en général » !
Fondamentalement, les capitalistes ne nous mentent pas, au contraire ils disent la vérité, leur vérité de classe car la vérité n’est pas neutre en soi. Il y a deux classes, deux langages, deux vérités, la leur contre la nôtre… Mais pour certains, tout cela ne serait qu’un complot ourdi par les capitalistes pour « organiser un génocide contre l’humanité »…
Pourquoi le capital aurait-il besoin d’un « faux » virus, pourquoi aurait-il besoin de créer artificiellement une « fausse » pandémie afin de préparer la guerre et le « génocide » contre l’humanité alors qu’un simple virus réel et authentique serait beaucoup plus efficace à toutes ces fins. La guerre est le meilleur moyen de tuer massivement le surplus de prolétaires mais avec de nouveaux progrès et techniques comme la guerre chimique, la guerre bactériologique, les bombardements au phosphore, etc. ad nauseam, l’efficacité de la capacité de destruction du Capital est bien plus exponentielle…
Nous voudrions ici tordre le cou une fois pour toutes, si cela était possible, à ces théories conspirationnistes, qui ne sont finalement qu’une nouvelle version plus spectaculaire de l’éternelle vision policière de l’histoire d’un État omnipotent et omniscient, vision policière qui également ne voit dans les rangs des prolétaires les plus combattifs que des « provocateurs » qui servent objectivement les intérêts du Capital, alors que ce sont ceux-là même qui s’insurgent et montent aux barricades (tout en sachant que celles-ci, bien qu’étant nécessaires, ne suffisent pas à renverser l’histoire). Ce que nous voulons dénoncer ici, c’est la fonction sociale du complotisme et son alter ego l’anti-complotisme : l’un comme l’autre sont les deux mâchoires du piège bourgeois qui vise à nous faire quitter notre terrain de classe au profit de cette vision policière de l’histoire. Les uns veulent tout expliquer par le complot et la machination de la classe dirigeante, les autres refusent d’envisager que des complots puissent exister ! Notons aussi au passage que l’État a une fâcheuse tendance à utiliser l’étiquette « complotiste » comme une arme idéologique afin de contrôler la situation et de discréditer toute critique sociale de sa dictature…
Alors, quid des capitalistes qui « complotent contre nous », par exemple via leur très secret Club Bilderberg !? L’État mondial des capitalistes (qui n’a rien à voir avec le vulgaire « gouvernement mondial » que les adeptes des « théories du complot » mettent en avant) organise, planifie, coordonne, centralise toujours plus efficacement toutes les mesures de contre-insurrection nécessaires au maintien de l’ordre social qui est le leur. Et si cela se déroule à l’abri des feux de la rampe, dans une certaine discrétion, et même dans des structures autres que le Club Bilderberg ou le Club de Rome : c’est « l’ordre normal des choses », c’est l’avant-garde de la classe des exploiteurs qui défend son ordre. Le problème avec les « théories complotistes », c’est qu’elles fonctionnent comme une vieille horloge cassée : elle donne toujours l’heure exacte, mais seulement deux fois par jour !
Et contre cela, contre cet ordre normal des choses, le prolétariat révolutionnaire, les minorités communistes (qu’elles se soient dans le passé appelées ainsi ou « socialistes » ou « anarchistes » ou autre chose encore), bref l’humanité, a de tout temps toujours chercher à conspirer contre ses maîtres, à organiser des conjurations (bonjour Babeuf et Buonarroti), des sociétés secrètes (bonjour Blanqui, Bakounine, Marx), à monter des complots pour appuyer des processus insurrectionnels, bref à faire œuvre de parti. « Conspirer, c’est respirer ensemble » (Radio Alice, Bologne, Italie 1977), et c’est bien ce que des minorités organisées tentent de faire au Liban ou au Belarus, ou encore aux USA depuis quelques semaines (dans l’antre du colosse aux pieds d’argile que constitue « la première puissance au monde ») à la suite des vagues de luttes qui ont touchés presque tous les continents ces derniers mois… Plus que jamais, en ces temps de remontée des luttes et de résurgence de l’initiative prolétarienne dans la guerre de classe permanente, nous revendiquons la nécessité d’organiser la lutte, de la développer, en-dehors et contre la légalité des exploiteurs, et donc de comploter et de conspirer afin de mener à son terme l’œuvre de destruction du capitalisme, de son État et donc de sa démocratie !!!
Pour finir, les communistes ne nient pas l’existence de la maladie, ils ne prétendent pas que la pandémie soit un mensonge, mais au contraire les communistes combattent l’État et sa médecine en tant qu’ennemis de classe. Et puisque le capitalisme est la cause fondamentale des maladies, nous nous devons d’utiliser la maladie comme une arme et de la retourner contre la société capitaliste.
« Vivre libre ou mourir ! »
Guerre de Classe