Antispécisme - Libération animale Antisexisme

La relation étroite entre le sexisme et le spécisme

Ce texte était lu lors de la Marche pour la Fin du Spécisme ce samedi 22.08.15

Bonjour à tout.e.s et merci d’être venu.e.s. Sans chacun.e d’entre vous cette lutte serait bien plus difficile.

J’aimerais commencer par vous lire un témoignage :

„J’ai été séparée de ma famille très jeune. Emprisonnée pendant plusieurs années, je ne sortais jamais à l’air libre et je ne recevais que les soins les plus primaires, juste assez pour rester en vie. Régulièrement, des hommes venaient pour me violer. A la suite de ces viols, je suis tombée enceinte. Quand j’ai accouché, mon enfant m’a été enlevé immédiatement. On nous a séparés malgré nos cris et nos pleurs. Je ne l’ai jamais revu. J’ignore ce qui lui est arrivé. Et les hommes sont revenus me violer.”.

Ce témoignage aurait pu provenir d’une jeune fille kidnappée pour un réseau de prostitution et qui serait tombée enceinte par malheur. Mais il aurait tout à fait pu aussi provenir d’une vache élevée pour son lait, si elle avait les moyens de parler notre langage. L’insémination artificielle est semblable à un viol, la vache est une prisonnière. Dans les deux cas, l’individu a été exploité du fait de son sexe : femelle. De la même manière les poules sont exploitées pour que les humains puissent manger leurs œufs, qui ne sont autre que leurs ovules. Les animaux femelles sont exploités plus longtemps que les mâles en raison de leur capacité reproductrice et de ses conséquences : leurs petits, le lait et les œufs. Les animaux mâles survivent rarement au-delà de l’enfance.

Historiquement, les femmes, les enfants et les animaux domestiques étaient la propriété du mari, du père, de l’homme. En anglais, l’élevage des animaux se dit « animal husbandry » ; « husband » voulait dire « chef de ménage » avant sa signification actuelle de mari. Le chef a le droit d’exploiter les corps de ses animaux ainsi que de sa femme.

Le viol conjugal n’est devenu condamnable que récemment (en Suisse par exemple que depuis 1992) et pas dans tous les pays. D’après l’étude de l’ONU de 2006 ”Le viol conjugal n’est pas une infraction passible de poursuites judiciaires dans au moins 53 États.” En moyenne dans le monde, près d’une femme sur cinq sera victime de viol ou de tentative de viol au cours de son existence. Les grilles dans lesquelles sont placées les vaches lors de l’insémination artificielle sont appelées en anglais « rape racks », « grilles de viol ».

L’élevage des animaux et la domination masculine sur les femmes marchent main dans la main. Les femmes ont historiquement été réduites à la condition biologique de porteuse d’enfant et d’objet sexuel, dont on sectionne souvent métaphoriquement le corps en morceau (seins, fesses, hanches) tout comme on sectionne les corps des animaux que l’on mange en morceaux plus ou moins appétissants. Elles ont été interdites pendant si longtemps et encore dans nombreux pays du droit de vote et d’autonomie, on aime à les classer comme étant plus proche de la « nature », tout comme les animaux, et à se servir de cet argument comme instrument d’exclusion et de rabaissement.

Pour insulter un homme, on le traite souvent de… femme, et pour insulter une femme, on lui donne souvent des noms… d’animaux ; femelles, évidement. De même, pour déshumaniser les autres prétendues « races », et par là perpétrer le racisme, on les compare à des animaux.

Le spécisme, comme le sexisme et le racisme, procède de la logique de domination.

Dans La Pornographie de la viande (2004) la féministe Carol Adams, célèbre pour son livre La Politique sexuelle de la viande (1990), démontre comment la société patriarcale sépare le monde en deux catégories.

La première, « A », constituée des hommes, des Blancs, de la culture, de la civilisation, du capital, des êtres humains. La seconde, « non-A », comprend tout le reste, tout ce qui relève du second ordre : les femmes, les non-Blancs, la nature, les corps, les Premières Nations, le travail… et les animaux non humains. Les mécanismes qui permettent d’opprimer et d’exploiter sont similaires, ils sont ceux de la domination, par la loi, la force, la culture.

Une des thèses politiques de Carol Adams, c’est que les luttes contre l’oppression sous ses différentes formes doivent se mener parallèlement.

La philosophe Christiane Bailey nous fait remarquer que plusieurs philosophes, historiens et sociologues soutiennent que l’exploitation, la domination et l’oppression des animaux préparent les conditions matérielles et les conditions idéologiques de l’oppression des membres de groupes humains marginalisés et étrangers. On vendait les esclaves et le bétail dans les mêmes petites annonces. La façon dont on marquait au fer chaud les esclaves est encore utilisée sur les animaux.

Dans son livre Un Éternel Treblinka, Charles Patterson montre comment la chaîne de montage des usines automobiles de Ford, inspirée des abattoirs de Chicago, a fournit le modèle pour les camps de concentration nazis. Patterson soutient également que la domestication des animaux a posé les bases des théories raciales européennes et américaines.

Christiane Bailey remarque qu’il suffit, en effet, de penser au fait que la notion de « races » à l’intérieur d’une espèce nous est venue de la sélection génétique des animaux domestiques.

Il est crucial d’ouvrir les yeux sur toutes les formes d’oppression et d’injustice. Rapprocher le spécisme du sexisme et du racisme n’est en aucun cas une façon de relativiser l’un ou l’autre, au contraire, c’est montrer que toutes les injustices sont liées et permettent aux autres de durer.

La sociologue Carol Glasser remarque que « toutes les formes de discriminations, que ce soit l’homophobie, le racisme, le sexisme, le spécisme, l’âgisme, le validisme et les discriminations basées sur le poids ou le status de citoyenneté sont enracinées dans le même système d’oppression. Ceci ne veut pas dire que les expériences ou les histoires d’oppression sont les mêmes pour différents groupes. En effet, l’oppression n’a jamais le même visage ; c’est pourquoi il est difficile pour les groupes opprimés de reconnaître les façons dont leurs oppressions sont similaires et peuvent en fait se renforcer l’une l’autre. Différents groupes ont différentes histoires et expériences quotidiennes d’oppression. De plus, au sein de chaque groupe, l’oppression et la discrimination est différemment vécue par chaque individu. » Carol Glasser souligne qu’il « est nécessaire de reconnaître que différents types d’oppression se renforcent mutuellement. » C’est ce que la sociologue féministe noire Patricia Hill Collins appelle la « matrice de la domination ».

Il est temps que nous dénoncions toutes les injustices afin de mieux les combattre toutes. Les animaux sont depuis des siècles à la merci des humains dans le seul but de satisfaire des désirs et une exploitation injustes. Nous avons été conditionné.e.s culturellement à croire que tout ce qui est légal est juste. Nous voyons bien par l’évolution de l’histoire et des droits que c’est faux. Il appartient à chacun.e de questionner ses croyances, ses habitudes, son comportement et son impact sur le monde. Mais il appartient aussi, surtout, à nous tout.e.s de réagir collectivement, publiquement, politiquement à l’injustice. Ouvrons les yeux sur la souffrance de tout.e.s, disons enfin « non » au spécisme.

P.S.

Reproduit ici avec la permission de son auteure, Jola.

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