En décembre 1982, suite à l’invasion dévastatrice du Liban par Israël six mois plus tôt, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait la Résolution A/RES/37/43 intitulée « Importance de la réalisation universelle des droits des peuples à l’autodétermination ».
Elle appuyait, sans qualification, « le droit inaliénable » du peuple palestinien à « l’autodétermination, à l’indépendance nationale, à l’intégrité territoriale, à l’’unité nationale et à la souveraineté sans interférence extérieure », et réaffirmait la légitimité de sa lutte pour ces droits « par tous les moyens possibles, y compris la lutte armée ».
Elle condamnait également avec fermeté « les activités expansionnistes » d’Israël au Moyen-Orient et ses « bombardements incessants de civils palestiniens ». Au cours des quatre décennies qui se sont écoulées depuis, la violence d’Israël à l’encontre des Palestiniens et sa colonisation de leurs terres n’ont pas cessé. Jusqu’à ce jour même, partout dans la Palestine historique, de la bande de Gaza à Sheikh Jarrah, les Palestiniens subissent toujours la même occupation en étant soumis à un contrôle étouffant de pratiquement chaque aspect de leurs existences ainsi qu’à la violence sadique et irresponsable de l’État sioniste.
Outre le fait qu’il est soutenu par les Nations unies, le droit des Palestiniens à résister à leur occupation est aussi garanti par les lois internationales.
La Quatrième Convention de Genève requiert de la puissance occupante qu’elle protège le « statu quo, les droits humains et les perspectives d’autodétermination » des populations occupées et, comme l’a expliqué Richard Falk – un spécialiste du droit international qui, plus tard, allait être désigné comme rapporteur spécial des Nations unies concernant les droits humains dans les Territoires palestiniens –, « le refus catégorique, flagrant et non déguisé » d’Israël d’accepter ce cadre d’obligations légales constitue un déni fondamental du droit des Palestiniens à l’autodétermination et il engendre leur droit juridiquement protégé à la résistance. L’occupation du territoire palestinien par Israël et son mépris des lois internationales qui s’exprime dans la construction de colonies illégales et autres violations quotidiennes, se sont poursuivis sans relâche depuis l’évaluation de Falk, effectuée au cours de l’Intifada al-Aqsa. En fait, l’occupation n’a fait que se durcir depuis lors, et ce, avec la collaboration de l’Autorité palestinienne compradore.
En outre, et qu’importe qui est mandaté par les lois internationales, les Palestiniens détiennent un droit moral fondamental de résister à leur colonisation et oppression en cours au moyen de la résistance armée, et ce droit doit être reconnu et soutenu. Les souffrances des Palestiniens, qui s’étalent sur plusieurs générations et qui ont peut-être atteint leur paroxysme chez ceux qui vivent dans la bande de Gaza en état de siège et régulièrement bombardée, sont d’une cruauté permanente et ont une cause centrale : Israël et son bellicisme incessant, son expansionnisme et son racisme, lesquels sont inhérents à son idéologie d’État, le sionisme.
Qui plus est, contrairement au discours des médias occidentaux qui, comme un seul homme, prétendent qu’Israël agit par « représailles », ce sont les actions des Palestiniens qui sont de nature fondamentalement réactive, parce que la violence qu’Israël leur inflige est en même temps permanente et structurelle et, partant, elle précède automatiquement toute résistance qui y est opposée.
« Avec l’instauration d’une relation d’oppression, la violence a déjà commencé », disait Paolo Freire. « Jamais dans l’histoire la violence n’a été initiée par les opprimés. »
Jamais dans l’histoire la violence n’a été initiée par les opprimés
En Palestine, comme l’a écrit récemment Ali Abunimah, « la cause fondamentale de toute violence politique est la colonisation sioniste ».
Étant donné que le droit légal et moral des Palestiniens à poursuivre la résistance armée est clair, le soutien de cette position ne devrait pas être controversé et devrait donc aller de soi pour les partisans de la cause palestinienne. Pourtant, en Occident, une telle position est rarement exprimée – même par ceux qui proclament à haute voix leur solidarité avec la Palestine.
Au contraire, les actes de la résistance armée palestinienne, tel le lancement de missiles depuis Gaza, sont condamnés par ces partisans apparents comme faisant partie du problème, ils sont rejetés avec condescendance comme « futiles » et « contreproductifs », voire qualifiés de « crimes de guerre » ou d’« atrocités inimaginables » et déclarés comparables aux habituelles actions israéliennes comme les punitions collectives, la torture, les incarcérations, les bombardements et autres meurtres et assassinats de Palestiniens.
Cette forme de solidarité, comme l’a prétendu Bikrum Gill, est essentiellement « destinée à redéfinir les Palestiniens comme des êtres intrinsèquement non souverains que l’on ne peut reconnaître qu’en tant qu’objets dépendants et impuissants sur lesquels il convient d’exercer des actions émanant soit de la violence coloniale israélienne, soit de protecteurs impérialistes blancs ».
Être assis dans le confort et la sécurité de l’Occident et condamner en même temps les actes de résistance armée que les Palestiniens ont choisi d’accomplir – et chaque fois au risque important de leurs vies – constitue une position extrêmement chauvine.
Ce doit être dit sans ambages : Les gens qui ne vivent pas sous une occupation militaire brutale ou qui ne sont pas des réfugiés suite à une épuration ethnique n’ont pas le droit de juger la façon dont ceux pour qui c’est le cas ont choisi d’affronter leurs colonisateurs. qui, comme l’estimait Frantz Fanon, est nécessaire pour garder leur humanité et leur dignité et, en fin de compte, pour mener à bien leur libération.
En effet, exprimer sa solidarité avec la cause palestinienne n’a finalement aucun sens si ce soutien gaspille l’instant où les Palestiniens résistent à leur oppression avec des moyens autres, un peu plus efficaces que des cailloux, et ne peuvent plus être décrits comme des victimes courageuses, photogéniques mais, en fin de compte, impuissantes. « Le monde attend-il de nous que nous nous immolions comme des éléments de sacrifice polis, bienveillants et aux belles manières, que l’on assassine sans que soit soulevée la moindre objection ? », s’est interrogé dernièrement et avec emphase Yahya al-Sinwar, le dirigeant du Hamas à Gaza. « Ce n’est pas possible. Non, nous avons décidé de défendre notre peuple par tous les moyens, quels qu’ils soient, qui seront mis à notre disposition. »
Ce phénomène porte sur ce que Jones Manoel appelle le « fétichisme de la défaite » de la gauche européenne, lequel fétichisme prédispose cette dernière à se retrouver dans des situations « d’oppression, de souffrance et de martyre », et non d’actes de résistance et de révolution menés à bien. Et Manoel poursuit : « Les gens deviennent extatiques, à regarder ces images – qui, me semble-t-il, ne sont guère fantastiques – d’un enfant ou adolescent palestinien se servant d’une fronde pour lancer une pierre sur un char. Voyez, voici un exemple manifeste d’héroïsme, mais c’est également un symbole de barbarie. Voici un peuple qui n’a pas la capacité de se défendre face à une puissance coloniale impérialiste de surcroît armée jusqu’aux dents. Ce peuple ne dispose pas d’une capacité égale de résistance, mais on a romantisé la chose. »
Par conséquent, de larges pans de la gauche européenne expriment leur solidarité avec la cause palestinienne d’une façon généralisée, abstraite, surévaluant l’importance de leur propre rôle et rejetant en même temps les groupes mêmes qui combattent actuellement – et meurent – pour cette cause.
Bien trop souvent, ceux qui ont refusé de se rendre et qui ont résisté avec acharnement à grands frais, sont condamnés par des gens qui, dans un même souffle, affirment leur solidarité avec leur cause.
De la même façon, il est habituel pour ces mêmes personnes soit d’ignorer soit de diaboliser ces forces extérieures qui, plus que nulle autre, aident matériellement la résistance palestinienne – dont la plus connue, l’Iran. Si cette assistance est reconnue, ce qui est rare, les organisations palestiniennes qui l’acceptent sont typiquement infantilisées telles de simples « dupes » ou « pions » du fait qu’elles permettent qu’on les utilise avec cynisme dans des actes qui ne rapportent qu’aux autres – ce sentiment contredit directement les déclarations mêmes des dirigeants palestiniens.
Une critique spécifique à l’égard du Hamas et que l’on formule souvent dans ce contexte s’en prend à la nature « dénuée de la moindre discrimination » de ses lancements de missiles à partir de Gaza, des actions que les organisations des droits humains Human Rights Watch et Amnesty International qualifient régulièrement toutes deux de « crimes de guerre ».
Comme le font remarquer Perugini et Gordon, la fausse équivalence sur laquelle s’appuie cette désignation « dit en essence qu’utiliser des missiles artisanaux – il n’y a pas grand-chose d’autre de disponible pour des gens qui vivent sous un siège permanent – est un crime de guerre. En d’autres termes, les organisations armées palestiniennes sont criminalisées en raison de leur infériorité technologique ».
Après la dernière fournée de combats en mai 2021, al-Sinwar a déclaré clairement qu’au contraire d’Israël, « qui possède un arsenal complet d’armements, d’équipements et d’avions dernier cri » et qui « bombarde à dessein nos enfants et nos femmes », si le Hamas possédait « les capacités de lancer des missiles de précision pour cibler des objectifs militaires, nous n’aurions pas utilisé les roquettes comme nous l’avons fait. Nous sommes forcés de défendre notre peuple avec ce dont nous disposons et c’est précisément de cela que nous disposons. »
Cet échec dans le soutien d’une lutte armée légitime est une composante d’un problème plus large concernant l’encadrement utilisé par de nombreux partisans de la cause palestinienne en Occident et qui obscurcit sa nature fondamentale ainsi que la façon dont il convient de le résoudre.
La Palestine n’est pas qu’une simple question de droits de l’homme, ni même une question d’apartheid, mais plutôt un combat anticolonial pour une libération nationale, combat mené par une résistance autochtone contre les forces d’une colonie de peuplement soutenue par des impérialistes.
La décolonisation est un terme fréquemment utilisé aujourd’hui en Occident dans un sens abstrait ou en relation avec des programmes d’études, des institutions et l’art public, mais rarement encore en rapport avec ce qui aujourd’hui importe le plus : la terre.
Et c’est le véritable nœud de ce problème : la terre de Palestine doit être décolonisée, ses colonisateurs sionistes doivent être déposés, leurs structures et barrières racistes – à la fois physiques et politiques – doivent être démantelées et tous les réfugiés palestiniens doivent pouvoir bénéficier du droit au retour.
Il conviendrait de faire remarquer qu’insister sur l’importance de soutenir le droit des Palestiniens à mener la lutte armée dans la poursuite de leur liberté ne signifie pas que leurs partisans en Occident devraient lancer des appels irréfléchis en faveur de la violence ou fétichiser et célébrer celle-ci inutilement.
Pas plus que cela ne signifie que les efforts non violents tel le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) sont inconséquents ou dénués d’importance. BDS devrait plutôt être considéré dans le cadre d’un large spectre d’activités de résistance, dont la lutte armée est une composante à part entière.
Samah Idriss, membre fondateur de la Campagne de boycott des supporters d’Israël au Liban a déclaré : « Les deux formes de résistance, civile et armée, sont complémentaires et ne devraient pas être perçues comme réciproquement exclusives. »
Ou, comme Khaled Barakat l’a dit avec insistance : « Israël et ses alliés n’ont jamais accepté la moindre forme de résistance palestinienne et les campagnes de boycott et d’organisation populaires ne sont pas des alternatives à la résistance armée, mais des tactiques interdépendantes de lutte. »
L’analyse de Nelson Mandela est pertinente, dans ce contexte, lorsqu’il écrit : « La résistance passive non violente est efficace aussi longtemps que vos adversaires adhèrent aux mêmes règles que les vôtres mais, si les protestations pacifiques sont contrées par la violence, leur efficacité est terminée. »
la non-violence n’était pas un principe moral, mais une stratégie
Pour Mandela, « la non-violence n’était pas un principe moral, mais une stratégie », puisqu’« il n’y a aucun bien moral à utiliser une arme inefficace ». En clarifiant la raison sous-tendant la décision du Congrès national africain (ANC) d’adopter la résistance armée, Mandela expliquait qu’aucune alternative n’était disponible : « Nous n’avions jamais cessé d’utiliser toutes les armes non violentes de notre arsenal – discours, députations, menaces, marches, grèves, maintien à l’écart, emprisonnement volontaire – toutes s’étaient avérées inutiles, car tout ce que nous faisions était contré par une main de fer. »
Ce point de vue se reflète dans les mots d’al-Sinwar qui disait, en faisant référence à la Grande Marche du Retour de 2018-2019, au cours de laquelle les snipers israéliens avaient abattu et tué des centaines de manifestants gazaouis et en avaient blessé des milliers d’autres : « Nous avons essayé la résistance pacifique et la résistance populaire » mais, plutôt que d’agir pour faire cesser les massacres par Israël, « le monde s’est arrêté pour regarder comment la machine de guerre de l’occupation tuait nos jeunes gens ».
La référence de Mandela à l’efficacité est d’une importance cruciale. Malgré ce que de nombreux supporters occidentaux semblent vouloir impliquer, bien qu’elle coûte un prix énorme, la résistance armée palestinienne à Gaza n’a rien de « futile » et elle a augmenté énormément en efficacité et en capacité de dissuasion.
C’était déjà évident après l’incapacité d’Israël de remporter la guerre de 2014 contre Gaza et cela a encore été souligné par le récent succès de la résistance en mai 2021, lorsqu’elle a lancé un nombre sans précédent de missiles qui, désormais, peuvent retomber très loin dans la Palestine historique.
En dépit de ses bombardements aériens dévastateurs contre Gaza, Israël a été incapable d’empêcher le lancement de ces missiles et, après les pertes qu’il a connues en 2014, il craint trop désormais de lancer une autre invasion terrestre de l’enclave – entre autres du fait que la résistance est maintenant équipée de plus grands nombres de missiles Kornet précédemment utilisés avec un grand effet de destruction contre les chars israéliens dans le Sud-Liban.
Le cessez-le-feu proclamé le 21 mai a été largement perçu en Israël comme une défaite et a été célébré comme une victoire par les Palestiniens de toute la Palestine historique.
L’équilibre militaire a donc changé et, bien qu’Israël soit toujours infiniment plus puissant à l’aune de tous les critères conventionnels, la résistance est dans une position plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’a été depuis de nombreuses années.
Elle a été construite sur les succès du Hezbollah contre Israël en 2000 et en 2006, et avec le soutien, l’entraînement et la poursuite de l’aide de l’organisation libanaise et d’autres encore de l’Axe de la résistance, elle a porté ses capacités à un niveau plus élevé.
Ce changement est reflété dans le fait que, depuis 2014, les ventes d’armes israéliennes ont stagné et les agressions d’Israël contre Gaza ne débouchent plus sur une augmentation immédiate du prix des actions de ses firmes d’armement, lesquelles utilisent Gaza comme un terrain d’entraînement et un laboratoire pour leurs dernières technologies.
Shir Hever a fait remarquer qu’après que les échecs d’Israël ont débuté à Gaza en 2014, les clients de ses firmes d’armement ont commencé à se demander : « À quoi sert toute cette technologie ? Si nous n’êtes pas à même de pacifier les Palestiniens avec ces missiles, pourquoi devrions-nous les acheter ? »
Outre son impact pratique, la lutte armée a une importante valeur propagandiste. En réalité, la Palestine n’aurait pas dominé les gros titres des infos mondiales en mai 2021 de la même façon s’il n’y avait eu la résistance armée à Gaza qui – contrairement au seul point de concentration des médias occidentaux qu’est le Hamas – est constituée par un front uni de diverses factions, dont le Djihad islamique palestinien (DIP) et le Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP).
Le FPLP est un bon exemple, sur ce plan, car ce furent ses actions tout au long des années 1960 et au début des années 1970 (avec, surtout, une série de détournements d’avions (au cours desquels les passagers furent libérés absolument indemnes), qui implantèrent pour la première fois la cause palestinienne dans la conscience de millions de personnes et marquèrent un tournant dans l’accroissement de la conscientisation autour de la situation des plus précaires des Palestiniens en général.
En effet, l’écrivain palestinien et porte-parole du FPLP, Ghassan Kanafani, était persuadé que la lutte armée était « la meilleure forme de propagande » et qu’en dépit du « gigantesque système de propagande des États-Unis », c’est par le biais des gens qui combattent dans la lutte armée pour se libérer « que les choses se décident en fin de compte ».
En 1970, après que le régime jordanien soutenu par l’Occident avait bombardé les camps de réfugiés palestiniens dans son pays, le FPLP – sous la direction du camarade (et recruteur) de Kanafani, Georges Habache – avait pris en otages un groupe de personnes originaires des États-Unis, de l’Allemagne de l’Ouest et de la Grande-Bretagne (les principaux partisans d’Israël) dans deux hôtels d’Amman.
En échange de leur libération, sains et saufs, le FPLP exigea que « tout bombardement des camps cesse et que toutes les exigences du mouvement de résistance palestinienne soient accueillies favorablement ». Peu avant la libération finale des otages, Habache leur présenta ses excuses et leur dit :
« Je sens qu’il est de mon devoir de vous expliquer pourquoi nous avons fait ce que nous avons fait. Naturellement, d’un point de vue libéral, je suis navré de ce qui s’est passé et je suis navré que nous vous ayons causé nombre d’ennuis au cours de ces deux ou trois derniers jours. Mais, à part cela, j’espère que vous comprendrez ou, du moins, que vous essaierez de comprendre pourquoi nous avons fait ce que nous avons fait.
Il vous sera peut-être malaisé de comprendre notre point de vue. Les gens vivant dans des circonstances différentes pensent selon des schémas différents. Ils ne peuvent penser de la même manière et nous, les Palestiniens, et les conditions dans lesquelles nous vivons depuis bon nombre d’années, toutes ces conditions ont modelé notre façon de penser. Nous n’y pouvons rien. Vous pouvez comprendre notre façon de penser quand vous connaîtrez un fait absolument fondamental. Depuis ces 22 dernières années, nous, les Palestiniens, nous vivons dans des camps et des tentes. Nous avons été chassés de notre pays, de nos maisons, de nos foyers et de nos terres, nous avons été éconduits comme des moutons et abandonnés ici dans des camps de réfugiés et dans des conditions très inhumaines.
Depuis 22 ans, notre peuple attend de pouvoir recouvrer ses droits, mais rien ne se passe… Après 22 ans d’injustice, d’inhumanité, de vie dans des camps alors que personne ne se soucie de nous, nous sentons que nous avons vraiment le droit entier de protéger notre révolution. Nous avons pleinement le droit de protéger notre révolution…
Nous ne nous éveillons pas le matin pour rendre une tasse de lait avec du Nescafé et, ensuite, passer une demi-heure devant le miroir en pensant à nous envoler pour la Suisse ou à passer un mois dans ce pays, ou un mois dans un autre… Nous vivons quotidiennement dans des camps… Nous ne pouvons rester calmes comme vous l’êtes. Nous ne pouvons penser comme vous pensez. Nous avons vécu dans cette situation, non pas pendant deux jours, ni pendant trois jours. Ni pendant une semaine, ni pendant deux semaines, ni pendant trois semaines. Ni pendant un an, ni pendant deux ans, mais pendant vingt-deux ans. Si l’un ou l’autre d’entre vous vient dans ces camps et y reste pendant une ou deux semaines, il en sera profondément affecté.
"D’un point de vue personnel, permettez-moi de vous dire que je vous présente mes excuses. (...) Mais, d’un point de vue révolutionnaire, nous sentons (...) que nous avons pleinement le droit de faire ce que nous avons fait.
Vous devez excuser mon anglais. D’un point de vue personnel, permettez-moi de vous dire que je vous présente mes excuses. Je suis navré pour les ennuis que vous avez subis pendant trois ou quatre jours. Mais, d’un point de vue révolutionnaire, nous sentons et nous continuerons à sentir que nous avons pleinement le droit de faire ce que nous avons fait. »
Les propos de Habache devraient être écoutés avec attention. L’urgence qui souligne son message est encore plus palpable un demi-siècle plus tard car les Palestiniens – qui ont constamment refusé d’être des victimes passives – vivent aujourd’hui dans les conditions de désolation décrites par Habache depuis 73 longues années, et non depuis 22 ans.
La révolution, a fait remarquer un jour Mao Zedong, « n’est pas un dîner de fête, ni ne consiste à écrire un essai, ou à peindre un tableau, ou à faire de la broderie ; elle ne peut être raffinée à ce point, ni aussi agréable et plaisante ».
La même chose est vraie de la décolonisation, dans laquelle, bien que les luttes du passé aient présenté de multiples facettes, la résistance armée d’un genre ou d’un autre a pour ainsi dire invariablement constitué une composante à part entière de la lutte. La Palestine n’est pas une exception. Au-delà du soutien à BDS et à d’autres campagnes de la société civile, le droit irréfutable des Palestiniens à poursuivre la lutte armée doit être soutenu par ceux qui ont choisi d’exprimer leur solidarité avec eux et avec leur cause légitime.
Article de Louis Allday, écrivain et historien vivant à Londres. Il est le fondateur et le rédacteur en chef de Liberated Texts.