Antispécisme - Libération animale

Pour un antispécisme non-opressif et inclusif

Réflexion sur l’antispécisme et les liens avec les oppressions systèmiques.
Texte issu de Wallonie Libertaire

CW : Racisme, sexisme, psychophobie, validisme, grossophobie

La lutte antispéciste a été ces dernières années gangrenées par des gens ouvertement racistes, sexistes, validistes, homophobes et/ou transphobe. Ainsi que par un certain nombre d’autres personnes/ collectifs tolérant la présence de ces oppressions au sein de cette lutte.

Nous nous devons dès lors de réaffirmer l’importance d’un antispécisme révolutionnaire, prenant en compte les oppressions systémiques et inclusif pour tou.te.s. Nous luttons pour la fin des oppressions, de toutes les oppressions touchant aussi bien les animaux non-humains que les humain.e.s.

Nous ne laisserons pas l’antispécisme tomber aux mains des réactionnaires de tout poil. Nous ne nous unirons pas non plus avec l’extrême-droite pour mettre fin au spécisme.

L’antispécisme par dessus tout ?

Un des arguments les plus entendus de la part des partisan.e.s de l’union avec les réac’, est que l’antispécisme serait LA lutte la plus importante. Parce que les animaux non-humain ne peuvent se défendre eux-mêmes contre l’oppression des humain.e.s.

Il y a plusieurs problèmes de tailles dans ce raisonnement.

En hiérarchisant les oppressions, et en mettant la lutte antispéciste au-dessus de toutes les autres. On finit par approuver les autres formes de dominations si elles peuvent « aider » l’antispécisme. (une « aide » toute relative par ailleurs car elle va exclure un certain nombre de personnes moins privilégié.e.s de cette lutte).

C’est par ce raisonnement que l’on se retrouve avec des pubs PETA grossophobes et sexistes, ou avec GAIA qui joue sur l’islamophobie. C’est comme ça aussi que l’on facilite la récupération politique de l’antispécisme par les fachos ou les capitalistes. Jamais on ne devrait utiliser la lutte contre une oppression pour en justifier une autre.

Il n’y a pas à faire de hiérarchie entre les luttes. Cela n’est d’aucune aide. Lutter contre une forme d’oppression n’exclut pas de remettre en question les autres formes d’oppressions. Évidement dans notre pratique quotidienne, on ne pourra pas militer à parts égales contre toutes les oppressions mais cela ne justifie rien, cela ne nous empêche pas de prendre en compte les oppressions humain.e.s et de donner du grain à moudre aux spécistes. On ne rend pas service aux animaux non-humains en écrasant sur le passage des humain.e.s oppressé.e.s. On n’avance pas sur une lutte en faisant du tort aux autres luttes.

En tolérant les fachos, les sexistes, les racistes, les validistes,… dans la lutte antispé’ non seulement on laisse des oppressions se perpétuer mais en plus on leur donne de la visibilité et de la légitimité. En laissant des groupes portant des idées d’extrême-droite avoir de la visibilité dans le milieu antispéciste, on leur permet de facto d’en faire une récupération politique.

Cette possibilité de récupération politique par des forces réactionnaires est rendue possible grâce à la dépolitisation de la lutte antispéciste.

Cette dépolitisation intervient précisément au moment où l’on sort l’antispécisme d’une analyse plus globale des diverses oppressions systémiques.

Qui est plus, il ne faut pas oublier que l’antispécisme est une lutte un peu particulière. Certes les animaux non-humain ne peuvent se défendre par eux-mêmes face au spécisme mais de fait tou.te.s le personnes impliqué.e.s dans cette lutte ne sont pas directement concerné.e.s par cette forme d’oppression. Les formes que peut prendre cette lutte sont donc très différentes de celles contre d’autres oppressions. Les animaux non-humains ne font pas directement partie de nos sociétés humaines. Nous ne subissons pas le spécisme. Ils ne subissent pas le racisme, le sexisme, le validisme,..

Pour un antispécisme inclusif

Une des conséquences de cette hiérarchisation et de cette « exclusivité » de la lutte antispé’ c’est que l’on finit par se retrouver avec un milieu composé de gens ultra-privilégié.e.s.

En effet quand on n’est pas concerné.e.s par d’autres oppressions, c’est facile de les mettre de côté. Quand on est un homme valide, blanc, hétéro, cis, de classe moyenne voir bourgeois, il nous est très facile de dire que l’antispécisme est une priorité absolue et doit venir avant toutes autres luttes. On ne subit pas de harcèlements, de discriminations, de violences, on a donc tout le loisir de mettre les autres oppressions de côté. Ce n’est pas le cas des femmes, des non-blanc.he.s, des LGBTQIA+, des neuroatypiques, des handicapé.e.s qui ne peuvent pas toujours se permettre de faire ce choix. A plus forte raison que quand on lutte pour l’antispécisme, on lutte contre une oppression qui ne nous touche pas directement. N’oublions pas que les oppressé.e.s dans le cas de l’antispécisme ce sont les animaux non-humains, pas les antispécistes.

De ce fait, on nuit à l’inclusivité de la lutte, on met de côté de potentiel.le.s allié.e.s qui n’ont pas le choix de prendre compte d’autres formes oppressions. La hiérarchisation des luttes n’est pas seulement nuisible à ces personnes mais aussi à la lutte antispéciste en elle-même.

De quels milieux antispécistes voulons-nous ? Un milieu ne comprenant que des privilégiés déconnectés de la réalité des autres oppressions ou un milieu inclusif et prenant en compte les autres oppressions ?

Comparaison, réappropriation des autres luttes et perpétuation des oppressions

Suite au mouvement Black Lives Matter, on a vu certain.e.s antispé utiliser le hashtag #AllLivesMatter pour parler des animaux non-humains. C’est particulièrement choquant de voir hashtag initié par l’extrême-droite être ainsi repris par des militant.e.s prétendant lutter contre une oppression. Ce n’est pas notre place, nous n’avons pas à nous approprier les luttes contre le racisme pour parler de spécisme. Une fois de plus cela invisibilise des oppressé.e.s et leurs luttes.

Dans la même veine, on a vu des militant.e.s antispé utiliser des comparaisons entre les abattoirs et la Shoah, ou d’autre comparer le viol et l’insémination artificielle. C’est indécent, et cela peut être particulièrement choquant et violent pour les personnes qui subissent ces oppressions.

Certain.e.s diront que le but de ces comparaisons est précisément de choquer et de faire réagir. Mais est-ce vraiment utile et nécessaire ? Les abattoirs et les inséminations artificielles ne sont-ils pas déjà suffisamment choquants en elle-même ? Nul besoin de comparer à des situations oppressives que vivent d’autres gens. Les horreurs de l’exploitation animale se suffisent à elle-même, pas besoin d’utiliser les oppressions de personne déjà marginalisé.e.s comme argument.

A plus forte raison qu’il y a souvent eu des comparaisons entre des groupes de personnes oppressé.e.s (racisé.e.s,NA/PA, LGBTQI,…) et les animaux. Ces comparaisons historiquement insultantes visent à déshumaniser, à justifier les discriminations et les violences. Ces comparaisons ont, par exemple, largement servi lors de la colonisation à justifier le colonialisme, le racisme et l’esclavage en infériorisant les peuples colonisés. Certain.e.s antispé’ se justifieront en disant qu’iels ne considèrent pas les animaux comme inférieurs, ou qu’iels comparent des situations et pas directement les gens victime d’oppression. Cela ne change rien. Cela n’enlève rien à la violence historique et symbolique de celles-ci. Ces comparaisons sont inutiles et dégradantes.

On peut aussi ajouter que dans le cas, par exemple des comparaisons avec la Shoah et l’esclavage, celles-ci effacent complètement le contexte antisémite pour la première et colonial pour le second. Ces contextes historiques n’ont rien à voir avec le spécisme. La comparaison n’a pas lieu d’être.

On voit aussi parfois certains discours antispécistes s’attaquer particulièrement à certaines pratiques religieuses et/ou culturelles spécifiques.

L’exemple le plus connu est sans aucun doute celui de l’Aïd. En mettant l’accent sur cette pratique particulière, on joue avec et on renforce des clichés racistes.

Quel intérêt d’aller taper sur une communauté déjà marginalisé ?

Si l’on est contre toute exploitation animale, pourquoi s’attarder sur un cas particulier ? Si ce n’est tenter de faire vibrer la corde raciste de certain.e.s en prétendant que ces pratiques seraient « pire » que l’exploitation animale occidentale.

De même vouloir convertir le monde entier au véganisme est problématique à plus d’un égard. Il y a des régions du monde où rien ne pousse et où il n’est absolument pas possible d’être végan à moins d’importer toute sa nourriture en bateau/avion et donc d’être entièrement dépendant du commerce international.

Vouloir imposer sa vision de blanc.he occidentale au reste du monde tient d’une logique profondément coloniale et raciste.

Certains discours antispé’ vont aussi comparer la valeur de la vie d’un.e handicapé.e physique/mental à celles d’animaux non-humains valides. Ceux-ci portent un message profondément validiste et eugéniste.

Quand on voit certain.e.s antispé’ se poser la question de « dans un incendie, vaut-il mieux sauver une personne qui a un handicap lourd, ou un chien qui a toutes ses fonctions cognitives ? » , il y a de quoi grincer des dents.

Cette question est extrêmement violente. Du Moyen-Âge à nos jours en passant par l’eugénisme nazi, des handicapé.e.s et des personnes neuroatypiques/psychoatypiques ont été tué.e.s pour ce qu’iels étaient. Encore aujourd’hui des gens sont tué.e.s pour cela. On a par exemple, encore aujourd’hui, plus de risque d’être tué.e par la police si l’on est NAPA (Neuroatypique/Psychoatypique) que si l’on est NT (Neurotypique, c’est-à-dire dont le fonctionnement neurologique/psy est dans la norme dominante).

Cette question n’a rien de théorique pour les personnes concerné.e.s et elle n’a pas à être utilisée comme argument de débat. Dans ce cadre Singer et d’autres antispé aux idées pour le moins douteuses vont prendre la capacité à communiquer (ou à communiquer d’une manière compréhensible par les NT) comme preuve de la capacité à ressentir la souffrance et à comprendre le monde autour d’elleux. Encore une fois c’est profondément validiste. La capacité à communiquer d’une manière compréhensible par les NT-valides n’a rien à voir avec la compréhension du monde qui nous entours ou la capacité à ressentir la souffrance. Ces arguments placent de facto les personnes NT-valides au-dessus des personnes NAPA/handicapé.e.s et peuvent facilement justifier la maltraitance voir le meurtre de ces personnes. C’est intolérable.

Revenons-en au sexisme dans l’antispécisme. Un exemple frappant, c’est la propagande de PETA qui enchaîne les campagnes oppressives. Le corps des femmes y est instrumentalisé et la nudité utilisée de manière tout à fait similaire à celle de la publicité sexiste. Les corps représentés sont bien évidemment extrêmement normés, minces et valides renforçant par la même occasion le body-shaming et la grossophobie.

Utiliser le vécu de personnes opressé.e.s et marginalisé.e.s comme argument c’est participer à renforcer et propager ces oppressions. À plus forte raison quand cela vient de personne privilégié.e.s donneur.euse.s de leçon.

Notes

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