Le pass sanitaire, et plus encore son application, pose énormément de questions.
Avancée vers un processus d’immunité collective qui nous permettra, on l’espère, de sortir de cette pandémie ? Renouveau de l’intérêt pour la santé publique ? Renforcement d’une politique sécuritaire ? Renforcement de l’injonction à décliner son identité, partout et tout le temps ? Mesure qui établit une nouvelle discrimination sociale ? Ou encore opportunité étatique de maximiser le contrôle des populations ? Ces questions sont complexes, mouvantes ; et vu le calendrier suisse, il semble plus qu’urgent d’entamer des réfléxions et de dessiner des positions collectives à ce sujets. Voilà donc une sélection de textes de fonds sur le pass sanitaire, son application et ses implications, parus sur le réseau Mutu et ailleurs.
Pour plus de nuances dans nos luttes
Un texte pour sortir de l’équation binaire vacciné.e = altruiste / non vacciné.e = égoîste.
Quant au passe sanitaire on peut l’accepter par simple soumission (pour consommer sans entrave) ou par conviction (si on pense que la vaccination de masse est nécessaire pour éradiquer l’épidémie et sauver des vies ou du moins pour éviter à toute la population un nouveau confinement). De même on peut le combattre et refuser de montrer patte blanche par simple haine des ordres et des représailles de l’Etat ou bien par conviction de sa nocivité politique (discrimination des personnes dans l’espace public et social).
Contre le “passe sanitaire” : s’opposer et faire face
Dès lors, au sujet du vaccin, deux camps grosso modo s’opposent, d’un côté ceux qui seraient favorables au vaccin, donc mécaniquement au « pass sanitaire », réputés altruistes, de l’autre, les égoïstes, supposés « anti-vaccins » donc « complotistes », etc. Cette division en deux catégories est non seulement absurde mais aussi particulièrement nocive pour toute construction de lutte, qui nécessite de réfléchir, de créer une pensée commune dépassant les choix individuels. On peut ainsi tout à fait être favorable à la vaccination et opposé à son obligation.
Passe sanitaire : quelle surveillance redouter ?
Les critiques du passe sanitaire dénoncent unanimement un « danger autoritaire ». Assez justement, la CNIL elle-même présente ce danger comme « le risque d’accoutumance et de banalisation de tels dispositifs attentatoires à la vie privée et de glissement, à l’avenir, et potentiellement pour d’autres considérations, vers une société où de tels contrôles deviendraient la norme et non l’exception ». Prenons un instant pour détailler ce danger et répondre à la question : de quel type de surveillance le passe sanitaire est-il l’expression ?
Pass sanitaire : l’extrême-droite n’a rien à faire dans la rue
Tomber dans le piège du Pass Sanitaire et du vaccin obligatoire pour sauver le monde c’est aussi oublier que si le Covid est aussi mortel c’est aussi parce que les gouvernements successifs ont mis sous pression l’hôpital, viré des infirmier.e.s, supprimé des lits, poussé des médecins, chirurgiens à la démission ou au suicide, et parce qu’il est devenu impossible de s’occuper correctement des patients dans l’hôpital du capitalisme néolibéral.
Face au passe sanitaire, auto-défense populaire
Nous défendons un monde où le soin passe par l’attention aux besoins de chacun.e et du collectif, où les personnes existent dans leur globalité et leurs relations et non comme des chiffres dans des tableaux statistiques. Nous nous plaçons délibérément du côté des plus précaires, des personnes racisées, des colonisé.e.s, qui subissent comme toujours de plein fouet les inégalités.
Manifester pour quelle liberté ?
La vaccination doit être un acte collectif pour pouvoir fonctionner. Elle permet la protection de chacun et empêchera le COVID de muter car sa multiplication sera très fortement atténuée. Pour cela, des mesures pourraient être réclamées par les manifestations, comme la levée des brevets, la réquisition des groupes pharmaceutiques ou la livraison gratuite des vaccins dans les pays pauvres. Mais ce sont des choses que les manifestants contre le pass sanitaire n’envisagent même pas de réclamer.
La question du pass sanitaire et de son application doit être posée collectivement, et vite. Les différents espaces de nos villes et de nos vies sont une fois encore soumis à d’importants changements, contraints à la fois par des motifs socio-économiques, sanitaires et administratifs. Alors que les acteurices culturels de l’Usine et des Grottes ont déjà signé une tribune qui “s’oppose à la généralisation du pass sanitaire et à ce qu’elle comporte : exclusion, surveillance, fichage, et un rôle policier qui n’incombe pas aux lieux de culture”, les lieux d’études comme les Universités ou Hautes Ecoles viennent d’annoncer la mise en application de ce pass.
Quoi qu’on en pense, l’application du pass sanitaire dans nos espaces militants et culturels, nos bibliothèques, ainsi que nos lieux de formation, de loisir et de travail n’est pas anodin. Il semble donc assez important, si ce n’est urgent, que l’on puisse réfléchir collectivement à la question de ce pass dans nos quotidiens.
Ailleurs, plusieurs lieux culturels ont déjà annoncé fermer leurs portes car iels ne veulent pas faire les keufs et contrôler, voir restreindre, l’accès à leurs lieux [1], tandis que d’autres cherchent des hébergements alternatifs [2]. A Grenoble, les travailleur.euse.x.s des bibliothèques municipales se sont mis.e.x.s en grève reconductible [3], pendant que le personnel hospitalier du CHU de Dijon faisait pareil [4], ce qui n’est pas rien.
Les manières de réagir face à cette nouvelle situation sont donc multiples ; à nous de construire les notres.