Appel international Anti-Autoritaire

Pourquoi j’ai quitté l’Étincelle et la Tendance marxiste internationale

J’ai été membre de l’Étincelle jusqu’à il y a quelques semaines, et ce pendant environ six mois. Ces dernières semaines et ces derniers mois, j’ai remarqué de plus en plus de choses assez dérangeantes, qui font de l’Étincelle une organisation potentiellement dangereuse. Cet article a pour but d’aider d’autres personnes à ne pas faire la même erreur et de mettre en évidence ces dysfonctionnements.

Pour mieux comprendre, voici d’abord quelques mots sur le fonctionnement de l’Étincelle. L’Étincelle recrute généralement des membres de deux manières : d’une part, en intervenant dans les manifestations, devant les écoles ou dans la rue. Il s’agit d’aborder des personnes pour les motiver à devenir membres. Je parlerai plus tard de ces interventions. D’autre part, on recherche des membres par le biais des affiches et autocollants omniprésents qui ont hanté toute la Suisse comme une épidémie ces derniers mois. Les nouveaux recrutés sont ensuite invités aux “réunions des groupes locaux”, où ils sont bombardés d’idéologie dès le début (l’atmosphère dans ces réunions rend la critique très difficile pour beaucoup). Lors de celles-ci, on vous pousse rapidement à adhérer, la cotisation est fixée et vous devenez membre avant même d’avoir eu le temps de vous informer sur l’Étincelle, de l’analyser de manière critique ou de réfléchir à vos propres décisions ou d’en prendre conscience. Ces dernières années, on en est même venu à accepter des personnes directement lors du premier entretien, y compris la cotisation, etc. Les nouveaux membres ne doivent alors “plus être perdus de vue” afin de les amener idéologiquement le mieux et le plus rapidement possible sur la ligne de l’Étincelle.

J’en viens maintenant à la critique proprement dite. Tout d’abord, je dois dire quelque chose sur la question de l’autorité au sein de l’organisation. Comme beaucoup d’organisations trotskistes, l’Étincelle ou la Tendance marxiste internationale a un leader idéologique. Dans le cas de l’Étincelle, il s’agit d’Alan Woods. Tout ce que dit Woods fait loi et ne doit en aucun cas être remis en question. Nous parlons ici d’un homme qui nie la théorie du big bang et qui est ami avec le président du Venezuela. C’est lui qui écrit la plupart des articles importants de l’Internationale, pour le reste, il est fort probable qu’ils les aient relus. De nombreux articles de l’Étincelle en Suisse ne sont que des textes traduits de lui. Ses opinions sont reprises par les “camarades expérimentés” et sont ainsi transmises dans les réunions des groupes locaux, où elles sont imposées à tous les membres. L’Étincelle parle de “position correcte”, quoi que cela puisse bien signifier.

Si quiconque s’oppose à ces arguments, on lui bourre immédiatement le crâne en lui expliquant pourquoi il a tort et pourquoi il doit changer d’avis. Lors d’interventions et de discussions sur ce thème, il vaut mieux se taire, histoire de ne pas exprimer une “opinion erronée”. Les tendances autoritaires sont ici très visibles et la répression des opinions divergentes rappelle les chapitres sombres de l’histoire du communisme. Je l’ai moi-même remarqué lorsque le sujet du langage inclusif a été abordé. Comme la plupart des gens le savent peut-être, l’Étincelle ne l’emploie pas. Je ne suis pas du tout d’accord et je l’ai dit lorsque la question a été soulevée. Très vite, on m’a appelé pour “discuter” de ce sujet avec moi. En fait, on m’a dit que mon opinion était fausse et on m’a expliqué pourquoi. Malgré l’explication, je ne comprends toujours pas pourquoi le langage inclusif devrait nuire à la classe ouvrière. Pour finir, on m’a demandé de me taire lors des discussions à ce sujet ou de répéter simplement l’opinion de l’Étincelle, alors que je ne la partageais et ne la partage toujours pas ! Ces non-discussions (ou cette propagande) conduisent aussi à un niveau parfois effroyablement bas en ce qui concerne les connaissances et les capacités politiques de certains membres, malgré les réunions hebdomadaires, les groupes de lecture, etc. Cela est masqué par le fait que l’on évite tout bonnement la critique et que l’on qualifie d’emblée de stupides ceux qui pensent autrement. Seuls ceux qui ont lu Marx, Trotski et Lénine ont des connaissances et tous ceux qui ont une autre opinion n’ont qu’à les lire davantage et ils finiront par changer d’avis. Ainsi, l’Étincelle s’isole de plus en plus idéologiquement et rend en même temps toute critique illégitime. Cela n’a plus rien à voir avec la démocratie de base et le socialisme !

J’aimerais également aborder brièvement la question des abus sexuels. Il y a quelques années, il y a eu quelques cas d’abus dans les sections canadienne et américaine. Au lieu de les traiter en interne et de présenter des excuses à la victime, ce qui aurait été le minimum que la Tendance marxiste internationale (TMI) aurait dû faire, les accusations ont été rejetées comme des attaques politiques contre elle, à la manière de l’AFD et consorts. Pour plus d’informations, je ne peux que recommander cet article.

Les finances constituent un point central de l’organisation. Comme l’Étincelle et les plus grandes sections de la TMI emploient des collaborateurs issus de leurs propres rangs, appelés fulltimers ou révolutionnaires professionnels, l’organisation a des dépenses considérables. Malgré le salaire de 2750 francs, qui n’est pas très favorable aux travailleurs et qui est très probablement contestable sur le plan juridique, on arrive en Suisse, avec 10 employés et seulement 300 membres, à des dépenses d’au moins 30 000 francs par mois, voire plus, car il y a des frais supplémentaires pour les locaux, le matériel, etc. La cotisation moyenne devrait donc être de plus de 100 francs par mois, d’autant plus que 8 francs vont à l’Internationale. Par expérience, je peux dire que des cotisations de 400 francs et plus ne sont pas rares. Je suis moi-même étudiant et je reçois 250 francs par mois. Sur cette somme, j’ai d’abord voulu fixer ma cotisation à 25 francs par mois, ce qui est déjà beaucoup à mon avis. On m’a cependant mis la pression, si bien que je l’ai augmentée à 40 francs au début. En plus de ces cotisations, des dons sont récoltés à chaque grand évènement et on devrait aussi acheter des livres à chaque fois. Au cours de mes 6 mois, j’ai donné environ 500 francs à l’organisation, le plus souvent sous la pression externe d’autres camarades. Par le biais de soi-disant discussions financières dans les réunions des groupes locaux, on répète sans cesse aux camarades pourquoi ils devraient augmenter leur cotisation et à quoi ils peuvent renoncer. Quelques exemples dits “inspirants” devraient montrer comment d’autres camarades font, c’est-à-dire combien d’argent ils donnent à l’organisation. À la fin, on fait un tour de table où chaque camarade dit de combien il/elle augmente sa cotisation, ce qui met automatiquement la pression sur tout le monde. Surtout pour les jeunes ou les personnes peu sûres d’elles, ces processus comportent un risque élevé et sont extrêmement critiques ! L’Étincelle dépouille ses propres membres, les yeux rivés sur l’argent.

L’Étincelle justifie ces efforts et ces investissements principalement par la présence d’une soi-disant “couche dorée”. Il s’agit de jeunes qui en ont fini avec le capitalisme et qui veulent désormais le combattre. L’Étincelle s’est donné pour mission de tout faire pour attirer ces jeunes dans ses rangs. Il ne fait aucun doute que ces jeunes existent, ce qui n’est pas étonnant dans ce système d’exploitation. Mais l’Étincelle n’est pas la bonne organisation pour eux. La plupart d’entre eux le remarquent d’eux-mêmes, presque tous au plus tard après une courte adhésion. L’Étincelle a certes pu recruter de nombreux nouveaux membres au cours des derniers mois, mais seulement sur le papier. Recruter à tout prix est le mot d’ordre. Croître, croître et encore croître. Cela s’est traduit par 150 nouveaux membres au cours des six derniers mois. Mais contrairement à ce que l’Étincelle aime prétendre, ce n’est pas un énorme succès. La plupart de ces nouveaux membres ne restent que très peu de temps et ne commencent même jamais à travailler. Beaucoup quittent rapidement l’organisation. L’augmentation du nombre de membres a donc plus ou moins cessé au cours des trois derniers mois, malgré un recrutement incessant et parfois embarrassant (cris à la gare, discours dans les salles de cours, etc.).

Cela va de pair avec la réaction aux événements politiques. Ceux-ci ne sont pas considérés pour ce qu’ils sont, mais uniquement comme une opportunité de croissance en soi. Le conflit au Proche-Orient en est le meilleur exemple. Même si je suis toujours d’accord avec la plupart des positions de l’Étincelle à ce sujet, cette terrible tragédie est utilisée comme une occasion de croissance solide, la situation a presque été saluée, l’ensemble est propagé comme une “fenêtre palestinienne” pour la croissance. Si l’on considère les dizaines de milliers de morts et de victimes civiles, cette déclaration est incroyablement macabre et horrible. L’Étincelle n’a rien à faire de la population civile dans la bande de Gaza ou ailleurs dans le monde, son seul intérêt est de construire sa propre organisation !

Comme nous l’avons déjà mentionné, l’Étincelle recrute de nouveaux membres lors de ce qu’ils appellent des interventions. Cela signifie que l’Étincelle se rend quelque part dans la ville où il y a beaucoup de monde et interpelle tout le monde avec son journal pour leur demander s’ils sont bel et bien déjà communistes. La sphère privée des gens qui passent n’a que peu d’importance, ces derniers mois, ces interventions sont devenues de plus en plus offensives et agressives, on se met sur une place avec un mégaphone et on crie dans la foule. Une fois, une fillette de 10 ans a été interpellée pour savoir si elle était un communiste (délibérément au masculin) ! Lors des manifestations, l’Étincelle se tient également à l’arrière-plan et traverse la foule pour discuter avec le plus de personnes possible. Là aussi, les membres sont mis sous pression pour qu’ils se rendent au moins deux fois par semaine à une intervention.

Pour finir, quelques mots sur les autres organisations de gauche. Celles-ci sont généralement qualifiées de sectes par l’Étincelle, elles seraient “contre-révolutionnaires” et nuiraient à la classe ouvrière (bien que l’Étincelle n’ait encore jamais rien fait pour celle-ci). Toutes les organisations de gauche auraient une “position erronée” et seule l’Étincelle aurait la “bonne position”, répète-t-on sans cesse. Parce que ces organisations ne veulent pas collaborer avec l’Étincelle, elles sont qualifiées de sectaires. Pour l’Étincelle, il est en revanche hors de question d’écouter les critiques de ces organisations et de discuter avec elles. Juste une question à toutes et tous les camarades de l’Étincelle : se pourrait-il que ce soit vous la secte, que la secte dont vous parlez toujours soit en réalité l’Étincelle et la TMI ? C’est seulement une piste de réflexion.

Pour conclure, je ne peux que mettre en garde tout le monde contre l’adhésion à cette secte. Il existe de nombreuses et bien meilleures alternatives dans le spectre de la gauche. Et je tiens à souligner une fois de plus qu’il ne s’agit pas d’une attaque contre des membres individuels de l’Étincelle, mais que cette critique est dirigée contre la direction et l’organisation. La plupart des membres de l’Étincelle veulent lutter pour un monde meilleur, mettre fin au capitalisme et de meilleures conditions pour tous les êtres humains. Ils n’ont tout simplement pas encore compris que l’Étincelle n’est pas la bonne organisation pour cela. Parlez-leur, convainquez-les avec vos arguments et faites-les sortir de cette secte. L’Étincelle n’est pas l’avenir, c’est le chemin vers un passé sombre.

Article original en allemand

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