J’ai voulu rassembler dans cette premiere partie les différentes ressources utiles que l’on peut trouver sur internet lorsque l’on a été bléssé.e par la police. On peut retrouver à la fin de l’article un ensemble de documents et liens utiles. Ensuite j’ai voulu partager mes conseils personnels et militants pour les personnes blessé.es, leur entourage mais aussi les collectifs militants.
L’ensemble de ces ressources ont été créées par des militant.e et des personnes qui ont déjà du faire face aux violences d’état.
Quelques conseils pratiques immédiats pour les personnes ayant été blessées ou les personnes proches au moment de la blessure. Il regroupe de façon simple les premiers réflexes à avoir au moment de la blessure ainsi que les choses à avoir en tête une fois à l’hôpital : Vous avez été blessé·e par la police.
Ce dernier article est issu de cette fiche technique réalisée par l’assemblée des blessé.es qui va jusqu’a la plainte contre les forces de l’ordre et l’état : Conseils à l’attention des personnes blessées par la police et leurs proches
Un site traduit en français, servant d’archive du groupe de soin Activist Trauma Support ayant existé au royaume uni au sein de nombreuses luttes entre 2004 et 2014, rassemble un paquet d’info sur la question psy que peut provoquer la brutalité policière, je vous le recommande particulièrement si vous observez des modifications de votre tempérament, de votre comportement ou de vos discours. Des phénomènes comme des troubles du langage, une perte d’orientation dans l’espace, des crises (agressivité, pleurs...), sursauts à chaque bruit, sont assez courants dans ce genre de situation, ne les minimisez pas. Expliquez à votre entourage ce que vous vivez.
De nombreuses brochures y sont accessibles et dans plusieurs langues.
Suite à une blessure par les forces de l’ordre
Il est important d’avoir en tête que lorsqu’on a été blessé, la priorité c’est de se protéger, de prendre soin de soi et de se rétablir. C’est un processus qui peut être long. Parfois cela semble trop long voire insupportable. Rappelez-vous que le plus important c’est votre santé et votre sécurité physique et mentale. Il faut que vous établissiez un protocole pour savoir comment réagir quand la douleur ou une crise d’angoisse vous emporte. Souvent, on peut avoir besoin de se concentrer sur autre chose (la sensation dans ses pieds lorsqu’on marche, une respiration profonde, chanter une comptine...)
Plus vous allez vous confronter à ce qui vous fait mal, plus vous allez réactiver le traumatisme. Protégez-vous des vidéos et images de violences policières, des réseaux sociaux et de la fachosphère, des médias et des spécialistes du maintien de l’ordre, des discours des politicien.nes sur les événements que vous avez vécus... (ces conseils sont applicables à tout moment ;) Méfiez-vous des mouvements de foule et des risques de confrontation avec la police dans les premiers temps. Si vous retournez en manifestation, déterminez en amont les limites que vous trouvez soutenables et allez-y avec un binôme et/ou un groupe. Mais je vous jure que c’est pas parce qu’on a été blessé et qu’on porte ce trauma qu’on ne tiendra plus jamais de barricades ! Il faut peut être juste prendre son temps et réapprendre une nouvelle façon de le faire.
Un traumatisme ça peut durer toute une vie, on peut arriver à vivre avec, l’oublier et puis le voir ressurgir sans prévenir. Vous pourriez facilement être surpris.e et parfois on ne craque pas là où on s’y attend.
Se protéger des médias :
Dans les périodes qui suivent des affrontements, la machine médiatique d’état/fasciste se met en branle. Les mensonges pleuvent par tout les canaux, la mauvaise foi est maniée sans talent, la diabolisation des manifestant.es est une évidence. Ne vous laissez pas atteindre par cela. Mettez cela bien loin de vous et méfiez-vous des personnes qui vous pousseraient à parler publiquement alors que vous êtes en état de choc. Cela fait malheureusement des décennies que les violences policières sont dénoncées par diverses personnes et collectifs d’univers différents. Il y a aussi des livres très bien comme “La domination policière” ou bien “La force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers.” Il est très rare d’arriver à inverser le sentiment d’impuissance dans lequel vous pourriez vous sentir en livrant votre parole à des médias, parfois c’est même pire. Est-ce que ça serait mieux sur les réseaux sociaux ? Dans tout les cas reflechissez-y bien avant, discutez en avec vos ami.es, protéger votre identité est sûrement la meilleure chose à faire. Cela dit, n’hésitez pas à écrire, vous enregistrer, comme pour une archive personnelle qui vous permettra de construire quelque chose qui vous appartient au moment opportun.
Le rôle de l’entourage de la personne blessée est crucial :
Soutenez la personne blessé.e et/ou traumatisée par les violences policières, ne minimisez pas son ressenti, soyez à son écoute, renseignez-vous sur les syndromes d’un stress post-traumatique (voir fiche à la fin de l’article), n’émettez pas de jugement sur ses choix ou son comportement. ET SURTOUT N’INDUISEZ JAMAIS QU’ELLE PORTE UNE PART DE RESPONSABILITÉ DANS CE QUI LUI ARRIVE !
Une blessure peut engendrer un véritable basculement dans la vie de certaines personnes, des galères administratives à l’accès aux soins, d’un lieu de convalescence adéquat au maintien de la vie sociale, les dimensions sont nombreuses. N’hésitez pas à poser des questions sur la situation et chercher des solutions avec la personne concerné.e.
Le maintien de l’ordre est là pour instaurer la peur, il peut être normal de se sentir dépassé.e par ce sentiment, c’est une réaction tout à fait normale qui peut s’estomper avec le temps. Il se peut que vous ne compreniez plus rien à ce qui se passe, que votre proche se mette en danger, qu’ielle exprime de la violence envers son entourage. Vous avez le droit de poser vos limites, faites le simplement et clairement, évitez de vous isoler dans une relation d’aide. Vous avez aussi le droit de demander de l’aide autour de vous.
Le rôle du collectif militant qui organise une manifestation :
Le niveau de violence et de conflictualité n’a cessé d’augmenter dans les manifestions de ces dernières années, pourtant on en parle trop peu. Les discours galvaniseurs que l’on peut entendre avant de partir en manif ressemblent étonnement à ceux d’un colonel de l’armée qui envoie ses soldats au front et il est franchement temps de bannir de nos pratiques anti-autoritaires et féministes cela ! Dresser les blessé.es en héros et les mort.es en martyres enferme dans des logiques de sacrifices et de virilisme étouffantes ! Il est temps que chacun.e d’entre nous puisse dire “j’ai peur” ou “j’ai la rage” (et parfois dans la même phrase) sans se sentir jugé.e et puisse agir en conséquence.
Il faut multiplier les espaces pour parler de la répression avant qu’elle n’arrive mais aussi après : faire appel à des juristes ou des collectifs militants pour faire connaître les droits et les stratégies de défense collective, diffuser des bonnes pratiques pour maîtriser son stress, partager les connaissances sur les armes de la police (en constante évolution), mettre à dispositions ce genre de ressources, créer des espaces d’écoute, de repos et de mise au vert mais aussi des espaces où on peut faire la bagarre ou des pratiques sportives, organiser des temps de debriefs grâce aux outils de l’éducation populaire, constituer des collectifs de soutien,... Et tellement d’autres choses encore !
Il est impératif de penser dans une lutte des équipes et des espaces de soin et de prendre en compte la dimension psychologique autant que physique de l’exposition à une zone d’affrontements. La lutte des classe c’est aussi faire du soin une affaire collective et cesser de le reléguer à la sphère personnelle et individuelle. Il est temps de mettre le soin, de soi et des autres au centre des luttes révolutionnaires. La brochure “étrangère à soi” apporte un regard critique sur la question du “self care” qui domine.
Il est important d’envoyer de la force aux blessé.es depuis les luttes, de les prendre en compte dans les bilans d’une action, et de les soutenir dans le temps. Peut-être que s’intéresser aux récits des personnes ayant vécues des violences policières peut amener à les prendre davantage en considération. Faire exister des témoignages sensibles pourrait aider dans ce sens.
Le soin renforce nos luttes, les rend plus inventives et plus abouties. Si la violence policière est source d’angoisse, si elle est un frein à nos luttes, on doit transformer collectivement nos façons de l’appréhender et continuer de prendre en compte les bléssé.es de la police.
PS : Ce sujet est sensible au sens ou il aborde des choses qui peuvent être subjectives, complexes et propres à chacun.es. Il se peut que certaines choses soient mal dites, incomplètes ou qu’on ait envie de les faire évoluer dans le temps, c’est une petite contribution. Il n’est pas si facile d’aborder ces sujets alors j’ai tenté comme j’ai pu avec mon énergie du moment. Je n’évoque pas la question de la justice (porter plainte contre l’état ou le flic qui vous a blessé) car c’est un sujet encore bien plus vaste et complexe. N’hésitez pas à rajouter des ressources, vos remarques et à diffuser auprès de toutes les personnes concerné.es.
Une liste d’autres sites, articles, brochures qui me semblent pertinentes :
Connaître les armes de la police avec le collectif “désarmons les”
Le mouvements des gilets jaunes qui a marqué un tournant dans la répression des mouvements sociaux a vu naitre son propre groupe d’entraide “des mutilé.es pour l’exemple”. Attention images choquantes.
Feu l’anarchist Black Cross de Paris avait dédié une page de son site à la question du stress post-traumatique pour les manifestant·es