Être surveillé, être parano
On nous suspecte d’être une« filiale de la DGSI », car nous discutons notamment de stratégies illégales. Est-ce de la paranoïa ? Pas vraiment.
De fait, nous ne pouvons ignorer le niveau de surveillance auquel est soumis le mouvement écologiste.
Sur internet
Sur internet, il ne vous sera probablement pas surprenant de savoir que vos faits et gestes sont suivi. De fait, la pratique de surveillance généralisée opérée par la NSA et qui fut dénoncée par plusieurs lanceurs d’alerte est maintenant légale en France. Les services de sécurité français sont désormais autorisés à mettre en place dans le réseau des fournisseurs d’accès à Internet des outils pour analyser l’ensemble du trafic web pour « détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste »
Dans la vrai vie
Mais la surveillance ne se limite pas au monde virtuel. On sait que des policiers soudoient des militants pour obtenir des informations sur leur camarades. On sait que des policiers endossent de fausses identités pour infiltrer le mouvement. Marc Kennedy par exemple, policier tatoué aux cheveux longs, a infiltré des mouvements écologistes de gauche pendant 7 ans, en Europe et en Amérique du Nord. Sa couverture fut découverte par une autre militante : sa petite amie.
Multinationales espionne
L’espionnage et l’infiltration de mouvements écologistes ne sont d’ailleurs pas le seul apanage de la police. En 2011, EDF est condamnée à 1,5 million d’euros pour avoir espionné Greenpeace via un piratage informatique. TransCanada, en association avec la police américaine, avait également envoyé des agents s’infiltrer dans les mouvements anti-fracking au Canada, pour défendre ses intérêts économiques et anticiper les actions des militants écologistes
C’est donc raisonnable de supposer qu’un mouvement écologiste et surveillé, infiltré et manipulé. Il est également raisonnable de supposer que certains des « militant.es » sont en réalités des policiers. Pour autant, cela ne doit pas se transformer en omerta : il nécessaire d’échanger sur les stratégies militantes qui pourrait permettre au mouvement écologiste de remporter des victoires.
De l’importance de discuter stratégie
Il est essentiel d’échanger sur les méthodes, tactiques et stratégies, y compris illégales, à mettre en œuvre pour arrêter la destruction du vivant. Nous ne pouvons pas demander à chaque militant.e de réinventer la roue
Les écologistes sont historiquement en minorité, ielles sont condamné.es à affronter plus forts, mieux équipés. Seuls des principes solides de tactique et de stratégie peuvent nous donner l’avantage et nous permettre de remporter des victoires.
Nous n’avons pas les ressources pour nous permettre que chaque militant.e fasse les mêmes erreurs. Ruby et Jessica avaient une mauvaise culture de sécurité, elles risquent maintenant de passer des dizaines d’années en prison. Nous ne pouvons pas condamner chaque militant.e écologiste au même sort. Nous devons apprendre des erreurs des autres pour construire un mouvement plus fort. Et cela passe par de l’échange d’idée.
Cet échange doit être le plus large possible. Il doit être large pour favoriser la multiplication des idées et des principes de stratégie s’appliquant à l’écologie. Il doit être large pour être accessible à toute personne désirant avoir l’information.
Pour que toute personne intéressée ait accès aux débats, réflexions et acquis sur ces questions, nous ne pouvons pas nous permettre de cantonner ces informations au cercle restreint du « dark-web ». Si les futurs militants se baladent sur Facebook, alors cette information doit se trouver sur Facebook.
Cloisonner les rôles, séparer les actions
Notre objectif est donc de naviguer entre ces deux contraintes : d’une part, éviter les dangers liés à surveillance policière, d’autre part diffuser certaines connaissance et opinion au plus grand nombre.
Choisir son rôle
Aujourd’hui, discuter de la pertinence et de l’efficacité d’actions illégales n’est pas interdit, les risques juridiques encourus sont relativement faibles. Par contre, ils mènent très certainement à une surveillance accrue des porte-paroles.
Dit autrement, je peux très bien défendre l’intérêt du sabotage publiquement. Je ne devrais par contre pas être surpris si la police se rend chez moi dès qu’une action de sabotage est réalisée. Si je ne veux pas terminer ma vie en prison, j’ai intérêt à n’avoir absolument rien à voir avec ce sabotage ; c’est à dire, de ne pas l’avoir réalisé, mais aussi de ne détenir également aucune information sur ce sabotage.
A l’inverse, si je compte réaliser une action de sabotage, j’ai intérêt à n’avoir jamais pris la parole sur le sujet. J’ai intérêt à ce qu’un maximum de personnes discute et préconise des actions clandestines pour me noyer dans la masse. J’ai intérêt à pouvoir trouver facilement des principe de stratégie.
Les deux branches du mouvement
Plus généralement, le mouvement écologiste peut se séparer en deux branches :
- La branche publique qui diffuse des messages et réalise des actions symboliques. Elle est surveillée, et considère cela comme un état de fait. Personnellement, je considère en permanence que ce que j’écris pourrait être dit directement devant un agent des renseignements généraux (que je remercie de lire ce blog !)
- La branche underground réalise des actions directes, donc à fort risque juridique. De ce fait, elle observe la plus grande rigueur pour préserver son anonymat et échapper à la surveillance.
La branche publique ne sait rien de la branche underground pour ne pas la mettre en danger.
Pour conclure
Une bonne culture de sécurité est conçue pour augmenter les chances de succès du mouvement écologiste. Il est certainement important de ne pas se faire arrêter pour être efficace… Mais il est également important de discuter de l’efficacité des modes d’action. Une bonne culture de sécurité permet donc à la fois l’anonymat des personnes prenant des risques et le partage d’idée des personnes n’en prenant pas.
À ce stade, vous aurez compris dans quelle branche se situe vert-résistance. En tant que militant.es de la « branche publique », il importe donc peu que nous ne soyons pas financé.es par la DGSI ou le KGB, nous nous savons dans tous les cas surveillé.es.
Pour autant, tant que nous participons au débat public sur le sabotage, nous multiplions les voix sur le sujet, et nous l’espérons, améliorons l’efficacité du mouvement écologiste.
Pour voir les notes et d’autres articles en lien avec celui-ci, rendez vous sur www.vert-resistance.org