Pensées politiques Thème du mois Le Silure

Quels obstacles pour quel projet politique ?

Ce mois-ci, renversé invite le groupe Lecture & Formation, qui est une composante du centre de luttes autonomes Le Silure, à Genève. Il se réunit une semaine sur deux, depuis une année environ, pour partager des lectures et des tentatives d’écritures. En ce moment, le groupe se concentre sur le thème des obstacles à un projet politique hégémonique et sur la question de la pertinence d’un tel projet.

Nous avons commencé à nous réunir en avril 2020, dans le sillage d’une discussion autour d’un texte de l’Encyclopédie des nuisances à l’automne 2019, autour de l’envie d’échanger sur des lectures et des tentatives d’écritures.

Nous nous sommes intéressé.e.s à la question des obstacles à un projet politique hégémonique. Il nous semblait à la fois que nous ne voulions pas porter un projet politique dans notre coin, en catimini et que les tentatives d’élargissement portaient toujours en elles les germes de l’autoritarisme. Cette crainte de la dérive autoritaire n’était-elle pas un obstacle parmi d’autres aux tentatives de sortir de l’espace contestataire qui nous est concédé ?

Nous avons pensé que dresser la liste de ces obstacles et lire ce que d’autres avaient écrits à leurs sujets, c’était avancer dans la formulation d’un horizon politique, autant que vers la réalisation concrète de celui-ci.

Nous sommes convaincu.e.s que la lecture et la discussion de textes nourrit l’action concrète. Nous proposons ce mois-ci quelques textes, autant d’étapes dans ce parcours qui a duré une année et se poursuit aujourd’hui.

D’abord, nous avons exploré l’obstacle dit du confort. Qu’est-ce qui nous attache au capitalisme dans ses aspects d’abondance matérielle et de progrès technique (soi-disant ?) émancipateur ? Est-ce cet attachement qui nous empêche de penser autre chose ? Ce sont des marxistes hétérodoxes, c’est-à-dire des gens en rupture avec le stalinisme qui écrase de son autoritarisme le mouvement ouvrier des années 1950-1960. Avec Dwight MacDonald et Cornelius Castoriadis nous avons ouvert les questions de l’individu et de l’imaginaire dans le projet émancipateur. Lire que nous sommes capables d’imaginer et d’instituer ce que nous imaginons : n’est-ce pas un bon antidote à l’inquiétude et au risque de perdre ce que nous avons ?

Ensuite, c’est l’obstacle dit du désespoir ou de l’impossibilité à imaginer autre chose qui a été examiné. Nos désirs politiques ne seraient-ils pas déjà en voie de réalisation, alors que nous regrettons d’être empêchés ? N’y a-t-il pas, en somme, plus de motifs d’espérer que nous le croyons ? Ne sommes-nous pas, par une ruse de la domination, aveugles à nos victoires collectives et, partant, incapables d’en faire quelque chose ? Ici, c’est l’anthropologue anarchiste David Graeber avec qui nous avons envisagé des outils pour analyser les luttes auxquelles nous prenons part, pour discerner les victoires et trouver de l’espoir en commun.

Enfin, nous avions identifié l’obstacle de la difficulté à aller vers les autres. L’injonction à la réussite individuelle nous pousse à rechercher l’équipe la plus efficace, celle avec qui tout est fluide. Être plus nombreux.ses, c’est prendre le risque des controverses et du débat qui fatiguent. Avec Aurore Koechlin, nous avons entrevu les risques de l’entre-soi et de la course à la perfection militante. Pour sa part, Fatima Ouassak montre comment il est possible de surmonter l’obstacle en articulant des luttes locales qui changent la vie des gens et le désir d’une organisation qui rassemble ces luttes et les ouvre.

Nous avons trouvé dans ces lectures de quoi ébaucher une méthode pour discuter ensemble. Nous en restituons quelques éléments dans les articles de ce mois.

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