Il y a quatre ans exactement, le 27 janvier, la ville de Kobanê, au Nord de la Syrie, était libérée des mains des bandes du prétendu État Islamique, par les vaillant.e.s combattant.e.s des YPJ et YPG, au terme de plusieurs mois de violents affrontements. Nous étions à l’époque des millions à sortir dans les rues pour exprimer notre solidarité avec la résistance de Kobanê et pousser le monde à agir. Des actions répétées et puissantes ont donné aux camarades engagé.e.s dans la ville le courage de combattre et ont contraint les puissances internationales à l’action.
Ces semaines de résistance sont devenues le symbole de la volonté, de la puissance, et de l’espoir qu’a apporté au monde la jeune révolution du Rojava. Au travers de cette résistance, les principes du Rojava de démocratie directe, d’économie collective et écologique, de libération des femmes devinrent connus du monde entier. Kobanê est devenue un symbole de solidarité internationale et de lutte commune, solidarité qui traverse les frontières et les différents idéologiques, unissant démocrates, socialistes, féministes, et activistes écologistes. Un grand nombre de forces progressistes ont uni leurs voix pour la défense de Kobanê. Ainsi, la révolution du Rojava est devenue une partie inséparable de l’histoire des mouvements d’émancipation dans le monde entier.
Nous avons au cours de ces quatre années connu à la fois des hauts et des bas, partagé les succès et les pertes, la douleur, la souffrance et la colère, les peines et les joies. Nous avons vu l’obscurantisme barbare de l’état islamique chassé de Manbij et de Raqqa, et assisté à l’édification d’un ordre social complètement nouveau. A ce jour, au terme d’années de durs combats, la Fédération Démocratique du Nord-Est de la Syrie a été proclamée, un tiers du territoire syrien libéré et l’État Islamique est au bord d’une défaite totale.
Cependant, nous avons également été les témoins de l’invasion d’Afrin par les forces fascistes turques, alliées de ses mercenaires islamiques, et fait face au silence mortel de la communauté internationale devant les crimes de l’occupant. Nous y avons perdu nombre d’ami.e.s de valeur mais jamais n’avons perdu courage.
En dépit de difficultés considérables, nous ne nous sommes jamais laissé.e.s diviser. Nous nous sommes toujours tenu.e.s côte-à-côte, avons appris, construit une nouvelle société, et défendu ensemble cette révolution. Nous avons toujours soutenu que les forces démocratiques, féministes, socialistes et écologiques sont nos seules alliées dans le combat pour un autre monde. Lors de la défense de Kobanê, de la libération de Raqqa, de la résistance d’Afrin, nos voix isolées se sont mues en un appel commun pour un autre monde. Ensemble, nous sommes devenu.e.s une force incontournable que les actuels gouvernants du monde ne peuvent plus ignorer.
Une nouvelle déclaration de guerre contre le Rojava et les sociétés du Nord-Est de la Syrie
A ce jour, près d’un an après le déclenchement de la brutale agression de l’état turc fasciste contre Afrin, et presque quatre ans après la libération de Kobanê, la révolution fait face à ce qui est sans doute son plus grand défi. Le régime fasciste conduit par l’AKP/MHP d’Erdogan déclare de nouveau la guerre au Rojava. Leurs mots ne laissent guère de place au doute : la révolution doit être « détruite une bonne fois pour toutes ». Dans les campagnes d’opinion, dans les média et derrière les portes closes où les puissances régionales et impérialistes négocient l’avenir des peuples de Syrie, cette guerre a depuis longtemps commencé.
La révolution doit être « détruite une bonne fois pour toutes »
On entend dans ces négociations la voix des gouvernants, discutant par dessus les têtes des peuples de Syrie et du Rojava. Ils se soucient en priorité du partage des richesses et des terres syriennes. Des villes comme Idlib ou Manbij, des régions et des peuples entiers : tous sont l’objet de tractations et de marchandages entre puissances impérialistes. Les gens, eux, n’ont pas voix au chapitre, alors que ce seront eux qui souffriront quand les groupes islamistes de la Turquie obtiendront le feu vert pour envahir, piller, violer, tuer. Et si la Russie et les États-Unis s’entendent pour ouvrir l’espace aérien aux bombardements de l’aviation turque, seuls eux mourront.
En dépit de la mise en œuvre d’une épuration ethnique, de l’installation d’islamistes au Rojava et de graves violations du droit international, l’Occident est de nouveau muet. Et que ces états pourraient-ils d’ailleurs objecter quand les ventes de leurs chars de combat, avions, hélicoptères, drones et fusils d’assaut atteignent des sommets, grâce à une nouvelle guerre de la Turquie ? Nous savons trop bien qu’il n’y a rien à en attendre. Pour ces états, les mots de guerre, mort et destruction sont synonymes de profit. Ce sont eux qui arment la Turquie contre sa propre population depuis des décennies. Et ce sont eux qui ont rendu possible la guerre contre Afrin.
Sans le tapis rouge déroulé sous ses pieds, le fascisme turc ne pourrait survivre un jour de plus.
Cette réalité est restée inchangée. En dépit de difficultés superficielles dans les relations interétatiques, le soutien international dont bénéficie le régime d’Erdogan ne faiblit pas. Sans le tapis rouge déroulé sous ses pieds, sans l’aide financière, la fourniture d’armement, la coopération des services de renseignement dans la répression de l’opposition démocratique turque, le fascisme turc ne pourrait survivre un jour de plus. Mais tant que l’argent continue de couler librement, les droits humains, la liberté et la paix, deviennent des enjeux secondaires. Compter sur l’humanité des puissants de ce monde dans une telle situation relève de l’aveuglement. En conséquence, nous ne voulons perdre ni notre temps ni notre souffle en demandant à ces puissances d’intervenir.
Notre appel : s’organiser – protester – désobéir
Notre appel s’adresse à toutes celles et ceux qui partagent notre rêve d’un autre monde et sont disposé.e.s à se battre pour le réaliser. Nous appelons tou.te.s les révolutionnaires, toutes celles qui se considèrent démocrates, antifascistes, féministes, tous ceux qui se battent pour un avenir écologique. Si ce n’est pas nous, personne ne le fera. En défendant ensemble la révolution du Rojava, ce sont tous nos espoirs que nous défendons. Voilà pourquoi, dans l’esprit de la libération de Kobanê, de la journée mondiale pour Kobanê et de la journée mondiale pour Afrin, nous appelons à :
* Organiser des comités de résistance dans nos villes et nos quartiers pour défendre la Révolution
* Nous rassembler et manifester dans la rue le 27 janvier afin d’envoyer un clair message de notre solidarité avec la révolution du Nord-Est de la Syrie et commémorer la résistance et libération de la ville de Kobanê.
* Imaginer et préparer des actions de désobéissance civile propres à interrompre la production et/ou l’exportation d’armement, ainsi que la vie quotidienne des partis politiques responsables des accords avec le régime turc, le 28 janvier. Révélons les identités de ceux qui tirent profit de la guerre, qui la financent et la mettent en œuvre.
Ensemble, nous allons faire des 27 et 28 janvier deux journées de résistance globale contre le fascisme turc.
Ensemble, nous allons briser l’apathie et la routine engourdissante de la guerre et de l’oppression en exprimant notre solidarité via de multiples formes d’action.
Ensemble, nous allons montrer que cette révolution n’est pas seule !
Coude à coude, tenons la ligne contre le fascisme !
Vive la solidarité internationale !
La révolution du Rojava vaincra ! Le fascisme sera écrasé !
Commune Internationaliste du Rojava
Fédération Démocratique du Nord-Est de la Syrie
03/01/2019