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[Calais] Dispersion massive : la stratégie de l’État français

Au cours de la dernière visite de Cazeneuve à Calais, celui-ci a annoncé avoir pour objectif de réduire le nombre de migrant-es présent-es à Calais à 2000 d’ici le mois de janvier. Au cours des deux dernières semaines, la mise en application de ce plan semble avoir largement commencé et leurs différentes tactiques pour rendre cela possible sont apparues de plus en plus claires.

Calais |

Expulsions (ou du moins menace d’expulsions) vers les pays d’origine.
Pour les communautés afghanes et soudanaises (il y a d’autres nationalités que la France expulse qui ne sont actuellement pas autour de Calais, mais peut-être à d’autres points de passage dans le Nord de la France, comme la communauté vietnamienne) il y a eu une augmentation de la pression par des menaces d’expulsions vers leurs pays d’origine.

Les personnes qui risquent le plus sont celles qui refusent de demander l’asile en France, parce qu’elles veulent se rendre au Royaume-Uni, et donc de donner leurs empreintes en France.

Dispersion massive vers les centres de rétention à travers le territoire.
Depuis le 20 octobre, environ 50 personnes par jour sont transférées dans les centres de rétention partout en France, après avoir été arrêtées au points de passage de la frontière (autour du port et du site de l’Eurotunnel) et dans le centre-ville de Calais (notamment près de la gare). À l’heure actuelle, on ne sait pas pour combien de temps cette opération va se poursuivre.

Un des principaux objectif de cette opération semble être de harceler le plus de personnes possible. La plupart des gens arrêtés sont libérés au bout de quelques jours et doivent ensuite faire un long voyage pour retourner à Calais, où ils pourront à nouveau essayer de franchir la frontière. Dans les centres de rétention, les personnes sont soumises à beaucoup de pressions pour qu’elles acceptent l’identification et donnent leurs empreintes digitales.

Cette dispersion s’organise à partir de l’aéroport de Marck, commune du calaisis.

Dispersion massive dans des centres d’hébergement temporaires à travers le territoire.
La dernière semaine d’octobre, environ 700 personnes ont été transférées, dans un spectacle médiatique, vers des centres d’hébergement temporaires situés dans diverses régions de France. Jusqu’à 300 personnes sont parties le 26 octobre, avec très peu de temps pour se préparer, 450 de plus le 30 octobre et encore 300 le 2 novembre. Cette opération n’avait pas été annoncée publiquement à l’avance.

Les personnes qui ont été emmenées sont des gens qui n’avait pas encore reçu un hébergement en France, certain-es demandeurs/euses d’asile en attente de réponse ou d’autres en procédure Dublin (qui normalement n’ont pas accès aux procédures d’hébergement), ainsi que des personnes qui n’avaient pas encore déposé de demande d’asile. Toutes ces personnes s’étaient inscrites sur une liste au centre Jules Ferry, disant qu’ils/elles voulaient un hébergement, et ont été informé-es de leur destination la nuit précédant leur départ, par des affichages dans la jungle.

Nous avons eu des nouvelles de beaucoup de personnes qui ne sont pas contentes de ce qu’il est arrivé, certaines devraient revenir à Calais. Les raisons sont d’une part le moment choisi et, d’autre part, le manque d’explication que les gens ont reçu. Par exemple, ils ne savent pas si leur procédure d’asile continuera à Calais ou si elle sera transférée plus près de leur hébergement. Et l’autre problème vraiment sérieux est le type de « logements » qui sont fournis.

Ce sont des centres d’hébergement temporaires, situés dans de très petits villages à travers la France. La plupart d’entre-eux sont incroyablement loin de la grande ville la plus proche. Certains logements sont des entrepôts avec énormément de lits à l’intérieur, d’autres sont des lieux normalement utilisés pour enfermer des personnes menacées d’expulsion et qui sont sous assignation à résidence. Dans un endroit, le toit du centre a été occupé (avant l’arrivée des personnes) par des fascistes qui protestaient contre l’arrivée des réfugié-es.

Pour être clair, ce n’est pas un geste de bonne volonté de la part du gouvernement. Ce qu’il fait, il aurait déjà dû l’avoir fait - à savoir fournir des logements aux demandeurs/euses d’asile - et il le fait très mal.

Construction d’un nouveau camp dans la jungle.
Le gouvernement a engagé la construction d’un nouveau camp, à l’intérieur de la zone existante de la jungle. Ce camp est prévu pour 1500 personnes. Considérant également l’engagement du gouvernement à créer 200 nouvelles places d’hébergement dans le centre d’accueil de jour Jules Ferry pour les femmes et les enfants, cela représente tous les 2000 migrant-es qui vont être toléré-es à Calais en janvier prochain.

Mais, que ce passe-t-il pour le reste de la jungle ? La suite logique, serait que les autres parties de la jungle, autonomes du centre Jules Ferry et du camp, vont être vidées. Si vraiment cela est le cas, ceci impliquera une grande expulsion de police, qui dépend il semble du « succès » de leurs autres opérations dont nous avons parlé ici.

Beaucoup d’informations sur le nouveau camp sont gardées secrètes, en terme de détails sur comment il va fonctionner. Quel contrôle il y aura ? Les gens devront-ils demander l’asile en France pour avoir une place ? Etc. Ce manque d’informations est sûrement dû d’une part a la volonté du gouvernement de ne pas être transparent sur ses intentions pour ce camp et, d’autre part, sur le fait que l’association La Vie Active, qui va gérer ce camp, ne sait pas vraiment ce qu’elle va faire.

Pour nous, il nous semble que ce camp va être le lieu de beaucoup de contrôle, comme dans la plupart des camps humanitaires « officiels » en Europe et ailleurs. Nous disons cela aussi en prenant en compte le comportement actuel de la police dans la jungle et celui de l’association La Vie Active dans le centre d’accueil de jour Jules Ferry. Nous pensons également qu’à un moment donné ce camp ne sera viable que pour ceux qui ne demandent pas l’asile en France, même si cela ne vaut pas pour tout de suite.

De quelque manière qu’il fonctionne, la construction du nouveau camp va commencer avec le déplacement forcé (par la force physique ou psychologique) d’environ 400 personnes. Il leur a été dit qu’ils devaient se déplacer d’ici le 1er novembre au soir. Il est difficile de savoir comment sera appliquée la force physique si les gens refusent.

Couper l’aide humanitaire et les solidarités dans la jungle.
Comme nous l’avons dit l’autre jour, la police applique un blocus des véhicules dans la jungle depuis le 25 octobre. Les véhicules d’associations officiellement reconnues ont été bloqués. Ils ont également essayé d’empêcher des soutiens de rentrer à pied. Lorsqu’on leur demande, les flics refusent de présenter un quelconque papier officiel sur la légalité de ces pratiques.

Ces pratiques réduisent l’accès au mouvement de solidarité qui soutient et vient passer du temps avec les habitant-es de la jungle. Mais c’est aussi une vieille méthode pour essayer de vider Calais : en empêchant l’aide humanitaire et l’acquisition de bien et de nourriture, les gens ne voudront pas rester à Calais.

L’objectif commun de toutes ces tactiques semble être de forcer (bien que le gouvernement dirait probablement « encourager ») les personnes présentes à Calais de demander l’asile en France. Nous condamnons absolument ceci.

Nous condamnons cette tentative de restreindre les choix des personnes et la restriction de leur autonomie d’aller et de venir là où ils/elles veulent.

On tire un voile humanitaire sur les yeux des gens. Ces nouveaux hébergements, dans la jungle ou ailleurs en France, ne sont pas bons. Ils sont là pour éviter au gouvernement un scandale sur la situation actuelle à Calais, et pour isoler et cibler plus facilement ceux/celles qui veulent vivre en dehors du système d’asile ou voyager vers la Grande-Bretagne. S’il s’agissait d’un geste sincère pour créer des situation décentes, il ne ressemblerait pas à cela. Il ne serait pas accompagné de la menace de détention, d’expulsion et de la violence de la police. Un logement décent est plus qu’un toit, surtout si le toit est occupé par des fascistes.

La motivation de tout cela est de vider Calais, par tous les moyens nécessaires.

La position de Cazeneuve sur Calais.

La position de La Cimade, une association de soutien au refugiés incacérés, dénonçant les arrestations de masse :

P.S.

Lu sur CalaisMigrantSolidarity, où sont publiées toutes les dernières actualités de Calais.

Notes

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