Mardi 1er octobre, Assa Traoré est convoqué au au commissariat suite à une plainte en diffamation des gendarmes responsables de la mort de son frère Adama Traoré.
Youcef Brakni. Elle est convoquée pour deux posts Facebook. A chaque 19 du mois depuis trois ans [Adama est mort le 19 juillet 2016, jour de son 24e anniversaire, NDLR], Assa publie sur la page Facebook « La vérité pour Adama » pour parler de son frère, rappeler un moment de vie, un souvenir. Elle termine toujours par demander la mise en examen des trois gendarmes responsables de la mort d’Adama, en citant les trois noms. Assa est convoquée en tant que directrice de publication de la page Facebook. Ce qui est intéressant, c’est qu’on avait cité leurs noms à plusieurs reprises, mais que la plainte ne concerne que deux posts Facebook, des posts où Assa parle à la première personne et non pas des communiqués politiques. C’est donc bien Assa qui est visée, c’est la famille, la fratrie, qui est visée.
Ces trois gendarmes – que la famille d’Adama accuse d’être responsables de sa mort – ont-ils eu affaire à la justice de quelques manières que ce soit depuis le décès du jeune homme en juillet 2016 ?
En 2018, ils ont été entendu en tant que témoins assistés pour savoir s’ils avaient eu la possibilité ou non de pouvoir emmener Adama à l’hôpital (donc sur les faits suivants son interpellation). Rien sur les violences. Les gendarmes ne sont pas du tout inquiétés, ils continuent à vivre leurs vies et leurs carrières tranquillement. Ils étaient sur le point de clore l’enquête, après l’expertise de synthèse qui affirmait qu’Adama était mort après avoir couru 400 mètres en 18 minutes. Heureusement, on a monté un collège d’experts pour écarter toutes les raisons inventées de la mort d’Adama. Du coup, l’enquête est relancée. C’est flagrant à quel point ils ne veulent pas qu’on leur demande des comptes. comme pour Adama. Les gendarmes dans tout ça ? Ils n’ont absolument rien à voir, c’est à peine s’ils l’ont touché… A les écouter, il est mort tout seul. Les experts ont clairement dit que, rencontre avec les gendarmes ou pas, il allait mourir le 19 juillet 2016. Il y a un truc mystique, quasi prophétique. Heureusement qu’il y a les premières déclarations des gendarmes où ils racontent qu’ils se sont assis à trois sur lui !
A contrario, combien de frères d’Adama ont été incarcérés depuis ?
En tout, cinq frères ont été condamnés, quatre incarcérés. Deux ont été remis en liberté. Reste en prison Yacouba et Bagui. Ce dernier attend son procès. Rappelons que 60 gendarmes, dont la brigade responsable de la mort d’Adama, ont porté plainte contre lui pour tentative d’assassinat. Comment comprenez-vous cet acharnement ?
Les gendarmes et l’Etat établissent, eux aussi, une stratégie de défense : tout faire pour que les rôles soient inversés. Il faut donc criminaliser, salir dans l’opinion publique les proches de la victime.
La force du Comité Adama, c’est l’opinion publique. Il nous fallait gagner politiquement l’opinion politique pour ensuite aller au combat judiciairement, c’est comme ça que ça se passe malheureusement. Les gendarmes et l’Etat établissent, eux aussi, une stratégie de défense : tout faire pour que les rôles soient inversés. Il faut donc criminaliser, salir dans l’opinion publique les proches de la victime. La famille Traoré devient responsable de tout ce qui lui arrive, on la fait passer pour une famille de délinquants. Cet acharnement a pour but de justifier implicitement et a posteriori la mort d’Adama Traoré. « Regardez qui ils sont, finalement, ils l’ont bien cherché. » Maintenant c’est pareil avec Assa. Elle est la soeur d’une victime, elle n’est pas le bourreau ! Tout le truc est là. C’est vicieux.