“Négro-Rhygass” est critiqué notamment pour son nom et son logo qui représente une personne “africaine” dans l’iconographie caricaturale coloniale.
Les jupes de raphia et la peau nue sont devenus en Europe un symbole de "non-civilisation" et de "décadence. [...] Ceci est aussi vrai pour l’os dans les cheveux, qui nourrit l’imaginaire colonial et accuse les noirEs de cannibalisme et de superstition. [1]
Quand ces mots et ces images sont maintenus au nom de la “tradition”, c’est la tradition coloniale raciste qui est légitimée. Aux personnes noires, qui peuvent tout à fait se réjouir des carnavals ou des Gugge (ndlt : “fanfares carnavalesques”), on signale qu’iels sont surtout les bienvenues quand on a le droit de rire de leur discrimination et de leur déshumanisation. Moins avec eux, que d’eux.
La manifestation était autorisée en tant que “cortège” et non en tant que défilé politique, ce qui, à priori, signifiait que les pancartes en seraient absentes. Néanmoins, quelques messages politiques ont été brandis et photographiés. On pouvait notamment y lire : “ne touche pas à nos biens culturels” et “alors tant pis, je suis un raciste”. La pratique decriée du blackface était bien-sûr à l’honneur.
Portant des “88” sur leur t-shirts ou vêtus d’habits signés du label nazi “H84U”, plusieurs nazis ont été identifiés lors de ce cortège. Des membres du Parti Nationaliste Suisse ont également été reconnus. Ces derniers ont d’ailleurs profité de l’occasion pour organiser un “défilé des sales”, intervention choquante qui n’a pas été interrompue et dont on peut trouver la vidéo ici.
Presque mille “Mohrenköpfe” (ndlt : “têtes de nègres”) ont été distribuées durant la marche. Ce geste faisait référence à un débat qui a eu lieu l’année passée autour de l’appellation raciste de ce dessert. C’est aussi pour ce nom qu’est critiquée la clique carnevalière “Gugge Mohrenkopf”, dont les costumes sont nommés pour le prix des costumes les plus cliché-racistes :
Des camarades ont réussi à s’organiser et ont riposté à cette manifestation éminemment politique. Ils portaient des banderoles où l’on pouvait lire “la culture dépend du respect” ou “casser les traditions racistes”. Nombre de leurs banderoles et pancartes ont été détruites par les fans de l’imagerie coloniale. À un moment où se seraient confrontés les 50 à 100 contre-manifestantEs et la foule des carnavaliers, quelques-uns de ces derniers courent vers les anti-racistes et leur gueulent : “rentrez chez vous !”, “sales connards”, “je te casse la gueule”. Les contre-manifestantEs semblent avoir gardé leur calme face à tant de ridicule. Néanmoins, après la manifestations, iels se font repérer dans un bar camarade et se font agresser : “C’est vous les sales nègres d’avant ?” “On va vous niquer”. Plus tard, la tension est encore monté d’un cran. La police arrive et se pose devant le bar ; la soirée se termine tendue...
Les mots « N* »- et « M* »- sont des termes qui ont été utilisés au nom de la "théorie des races" pour catégoriser des personnes en terme de races. Les Noirs étaient classifiés comme des "N*" ou "M*", parfois catégorisés à la frontières avec les animaux et souvent humilés comme "sauvages" ou "pas civilisés" ; contrairement aux colons blancs, qui étaient compris comme émancipés, progressistes et civilisés. L’exploitation, la déshumanisation et l’annihilation de cultures ont été légimitées par la "théorie des races". Celle-ci continue à influencer les sociétés d’aujourd’hui, notamment à travers des discriminations et des inégalités. Comme des nouvelles études de la Comission fédérale contre le racisme et du Service de lutte contre le racisme le démontrent, ceci est aussi vrai pour la Suisse.