L’artiste n’a pas trop apprécié, il a l’air de manquer d’humour. Il a d’ailleurs tout de suite remis les choses à leur place en déclarant s’en foutre puisqu’il avait de toute façon deux répliques de cette œuvre, au cas où, rappelant bien par là qui a la maîtrise des ressources et du pouvoir. Il en a également profité pour conseiller au groupe de réfugié.es d’utiliser son temps et son énergie à se battre pour des causes sérieuses, comme s’il.les n’avaient rien d’autre de mieux à faire que de le ridiculiser. Crever la gueule ouverte sur les trottoirs d’Athènes, par exemple ? Sombre con !
T’avais été tellement sympa de laisser ces réfugié.es accéder à cette manifestation culturelle de renom, de leur donner une visibilité, de partager ce moment avec ell.eux, de les utiliser comme caution morale et politique de ton travail artistique, de te construire ta carrière d’artiste engagé sur leur dos (littéralement)... T’avais pas imaginé qu’il.les puissent avoir quelque chose à dire, ell.eux-mêmes, sur ell.eux-mêmes. Qu’il.les osent prendre la parole ? Sans (te) demander ? T’as même pas compris que c’est ell.eux, les vrai.es génies qui ont donné un sens à cette pierre, en la faisant disparaître, ... comme les millions de personnes qui cherchent refuge en Europe.
Ci-dessous la traduction de leur texte :
Tu es venu chercher ta pierre, mais ta pierre a été volée.
Ton projet est une réplique d’une vieille grosse pierre de l’Agora, et il demande à des groupes d’Athènes, d’interagir avec cette pierre. Tu es venu en Grèce pour rendre l’art visible, en offrant gracieusement d’acheter la participation d’Autres, invisibles et exotisé.es. Nous sommes flatté.es.
Ta pierre est censée nous donner une voix, pour parler de nos histoires. Mais les pierres ne peuvent pas parler ! Nous oui !
On a volé ta pierre et on ne la rendra pas.
Peut être qu’elle attend, sans papiers, au fond d’une prison sur l’île de Samos.
Peut être qu’elle a coulé au fond de la Méditerranée pendant que les gardes-côtes de l’UE se tournaient les pouces.
Peut être qu’elle a été déportée en Turquie après avoir fait appel deux fois contre la décision.
Peut être qu’elle est sur un vol pour la Suède avec un faux passeport valant 2000 euros en poche.
Peut être qu’elle s’est suicidée dans le centre de détention de Moria, désespérant d’être libre.
Peut être qu’elle fait la queue devant les bureaux de Katehaki, son audition ayant encore été repoussée.
Peut être qu’elle vend son corps à des étrangers à Pedion Tou Areos.
Peut être qu’elle a reçu le statut de réfugié.e et qu’elle dort quand même dans la rue.
Tu nous a demandé de performer de fausses funérailles pour ta pierre. On en a eu plus que notre lot, de funérailles. On va utiliser notre énergie autrement. Shukran.
Tu as essayé de nous instrumentaliser avec ton don de 500 euro. Mais on ne peut pas jouer d’un instrument avec un geste vide. Nous dansons sur notre propre musique.
Les gouvernements et les ONGs ont tiré nos ficelles, prenant des décisions pour nous, depuis bien trop longtemps. Mais nous coupons ces ficelles, nous dansons seul.es, parlant plus fort que toutes les pierres.
Nous te souhaitons un joyeux Documenta14. Nous allons célébrer Rockumenta.
Salutations
LGBTQI+ refugees in Greece