Migrations - Frontières Appel international

[Thessalonique] Camp No Border en Juillet, le programme est sorti

Aujourd’hui, le néolibéralisme est établi à travers la planète et il est évident que, de pair avec le nationalisme et le patriarcat, les relations capitalistes se sont intensifiées. Construites non seulement physiquement, des clôtures et des frontières se construisent aussi au cœur même des relations sociales. Cependant, les mouvements et les luttes transnationales des migrants produisent constamment de nouvelles fissures dans le système, de nouveaux seuils et des voies vers un monde inexploré.

Plus spécifiquement, les accords transnationaux et mondiaux libéralisent davantage les marchés « libres » et la levée des restrictions tarifaires assurent davantage de droits de propriété aux riches. Dans le même temps l’ancien contrat social de l’Etat-providence se délite et l’état néolibéral revendique le rôle de manager-associé des sociétés, gardant pour lui-même uniquement l’armée et de la police afin de conserver une partie de son pouvoir administratif et législatif. L’oppression de genre, le racisme et le fascisme sont remobilisés pour le contrôle des populations.

Cependant, avant et pendant le processus de cette récente « crise », les luttes sociales sous forme d’émeutes, de révoltes, de campagnes et de mouvements ont remis sérieusement tout cela en question… Les principaux exemples en sont les émeutes dans les banlieues françaises en Novembre et Décembre 2005, la commune d’Oaxaca en 2006, les émeutes de Décembre 2008 en Grèce, le printemps arabe qui s’est magnifiquement propagé en 2011, le mouvement des Indignés en Espagne en 2011, les émeutes de Londres en 2011, le « Occupy » aux Etats-Unis en 2011 et 2012, le soulèvement au parc Gezi à Istanbul en Juin 2013, le printemps du Brésil en 2013, les soulèvements en Bosnie et d’autres États des Balkans au cours des années 2013-2014.

La réponse du néolibéralisme à la récente crise structurelle, qui interprétée par certains comme une crise de suraccumulation, par d’autres en raison de la désobéissance civile, ou comme l’explosion tant attendue du « travail abstrait » dans une économie totalement monétarisée, cette réponse consiste à étendre, à intensifier les stratégies d’accaparement des terres et de pillage des ressources et des moyens de production et de reproduction de sociétés entières.

Les programmes d’austérité dans les pays de l’Europe du Sud, la guerre, l’intolérance religieuse et l’intensification de l’oppression des femmes dans les pays du printemps arabe font partie de cette même stratégie. Ainsi, des populations entières sont contraintes d’abandonner leurs maisons. Ces personnes, privées de leur espace naturel et social, migrent, traversent les frontières, les clôtures, les barbelés, les rivières, les mers, les mines et les patrouilles de police. Elles sont également confrontées à l’exploitation par les trafiquants, elles sont détenues dans des camps de concentration, puis sont obligées de chercher un emploi (généralement sur le marché noir, souvent non rémunéré), ceci dans des conditions extrêmement précaires. La plupart finissent chômeurs et forment une sorte de main-d’œuvre de réserve, ou sont poussés de force vers la prostitution, les réseaux de trafic, la contrebande d’organes.

Alors que de plus en plus de gens ont besoin de se déplacer, de plus en plus de clôtures se construisent. Depuis sa propre crise, la Forteresse Europe renaît de ses cendres en utilisant des procédures et des politiques de contrôle, d’emprisonnement, de refoulement, « d’illégalisation » et de pénalisation des populations en mouvement. La police et les opérations militaires sont intensifiées, et l’OTAN fait partie du paysage, avec les discriminations entre immigrants et réfugiés, les camps de concentration, les « hot spots » et les centres de refoulement (rétention), pivots de la « gestion » des personnes migrantes.

Les migrants en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient vers l’Europe ont, en pratique, contesté et combattu les frontières et les politiques nationales et supranationales. Au cours des derniers mois, des centaines de milliers de personnes ont traversé les frontières, et les mouvements de solidarité et d’émancipation sont en plein essor. Le mouvement des migrants avec toute son inventivité et son ingéniosité prouve que les désirs, les relations sociales et les rêves ne peuvent pas être emprisonnés. Leur puissance va au-delà des frontières et des clôtures.

Il montre également que les motifs de migration se trouvent la plupart du temps à l’intersection des questions complexes de genre, des questions ethniques, culturelles, de discrimination et d’oppression religieuse ou de classe. Les populations forcées au mouvement développent des stratégies de survie, elles activent leurs capacités subjectives, se coordonnent, développent des relations sociales avec d’autres personnes qui se déplacent et, en même temps, créent des réseaux sociaux avec ceux qu’elles laissent derrière elles.

Par conséquent, nous pensons que nous devrions comprendre mais aussi aller au-delà d’une perception de l’Etat, du capital, du patriarcat et du racisme comme dominant les sujets humains, et donc aussi des immigrants comme des victimes soumises aux besoins, à la charité, à la compassion et au secours.

Au cours des derniers mois, les immigrants et les personnes en solidarité avec eux se sont réunis à l’intérieur et au-delà des champs kaléidoscopiques ouverts par la crise. Nous croyons que les réunions et les luttes doivent être encouragées et doivent acquérir des structures stables et durables, et réinventer la joie et le charme de la camaraderie et du partage.

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il est essentiel que nous organisions un camp international No Border, cet été à Thessalonique.

En ce qui concerne le choix de cette ville spécifique, Thessalonique se trouve au cœur des conflits en matière de contrôle et de « gestion » de l’immigration et des libertés de mouvement, en raison de sa position géographique dans le nord de la Grèce, en bordure de l’Albanie, de Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) et de la Bulgarie, avec de nombreux camps de détention et centres de refoulement (rétention) dans son périmètre proche. Dans le nord de la Grèce, ainsi que dans la région des Balkans, des initiatives et des réseaux de solidarité ont émergé au cours des derniers mois, lequels peuvent se développer et être renforcée par l’organisation d’un camp No Border ici. Enfin, nous pensons que la nécessité d’une coordination des différents collectifs politiques locaux et les infrastructures de ces mouvements font de Thessalonique un choix approprié et fiable pour l’organisation d’un camp No Border global et transnational.

Basé sur les principes énoncés ci-dessus, la présente invitation est articulée comme suit :

a- modalités pratiques d’organisation
b- les objectifs
c- les groupes de travail
d- la structure
e- les thèmes et les sujets de la rencontre

Α. Organisation

Notre objectif est de réaliser le camp No Border avec des structures auto-organisées et des procédures horizontales et de démocratie directe. Nous sommes clairement opposés aux relations multiformes des systèmes de pouvoir, de discrimination et de répression.
Le No Border Camp est une occasion importante d’exprimer l’opposition et la résistance au racisme, aux privilèges de classe, au patriarcat, au sexisme, à la xénophobie, à l’homophobie, au fanatisme religieux. Nous considérons qu’il est important de promouvoir des processus d’information et de communication sans intermédiaire, de dissocier ainsi pleinement notre travail des logiques de l’État et autres institutions officielles, partis politiques, médias globaux et locaux dominant.

B. Objectifs. Nous visons à :

1) Renforcer les groupes de migrants déjà existants, à leur donner un rôle central qui aura valeur d’exemple pour l’organisation des migrants piégés dans les frontières de l’Etat grec ou d’autres. Faire ressortir les demandes des migrants pour l’ouverture des frontières, l’obtention de papiers, de l’asile, de droits et pour la suppression immédiate des centres de détention et de refoulement (rétention).
2) Connecter les luttes des migrants de Calais à Idomeni.
3) Créer de nouvelles structures auto-organisées et stables pour le soutien et la solidarité avec le migrants, mettre en relation celles déjà existantes.
4) Au cours des derniers mois, contre la mise à bas intentionnelle et systématique des politiques sociales, de nombreux réseaux de solidarité horizontaux ont été créés dans divers pays, villes et quartiers, afin que la solidarité spontanée ne se transforme pas en charité ou en bénévolat, afin de mettre fin à l’exploitation par les ONG et les Etats des phénomènes de solidarité : Nous considérons que les solidarités doivent acquérir des caractéristiques politiques concrètes.
5) Fortifier les réseaux de solidarité des Balkans et européens qui se sont formées au cours des derniers mois dans le cadre de l’évolution permanente d’une « gestion » notamment militarisée de la migration.
6) Répondre à la rhétorique raciste et nationaliste émergeante.
7) Réunir les luttes des travailleurs locaux et des migrants.
8) Dans l’esprit de "toute personne qui ne veut pas parler de capitalisme devrait aussi garder le silence sur le fascisme", quelqu’un parlant contre la forteresse Europe doit lui opposer non seulement le racisme mais aussi le système qui la cultive, la renforce et l’utilise : il / elle doit lutter contre le capitalisme à travers des structures auto-organisées et des réseaux horizontaux : la question que l’on appelle « migration » doit être reliée à d’autres aspects du système de domination du monde : guerre globale au sein de la crise, genre, classes, handicap, discrimination culturelle, etc. C’est la raison pour laquelle nous
pensons que le camp No Border doit inclure en plus des mobilisations, des réunions, de la création de structures -
l’organisation d’un rassemblement auto-organisé, anti capitaliste, anti patriarcale et anti raciste mettant l’accent sur la migration.

C. Groupes de travail

Pour répondre aux objectifs du camp No Border, nous suggérons la création de plusieurs équipes de discussion :
1. Equipe Infrastructure technique
2. Cuisine / équipe de cuisine
3. Equipe des traducteurs
4. Equipe Presse, Internet et contre-information
5. Equipe de gestion économique
6. Equipe juridique
7. Equipe médicale
8. Equipe réseau / contact / accueil

D. Structure

Le No Border Camp pourrait avoir lieu du 15-24 Juillet à Thessalonique. Pour l’organisation et l’infrastructure des discussions, nous utiliserons le campus de l’université qui est situé dans le centre-ville.
Nous suggérons que la structuration du No Border Camp contienne trois parties :

A) Campagne de préparation
-Création de réunionslocales de préparation et de co-organisation du camp No Border
-Intensification et coordination des actions de solidarité avec les migrants, les actions contre les frontières, les centres de détention et la rhétorique nationaliste
-Publication d’un bulletin multilingue d’information
-Mise en réseau, contacts et coordination des équipes de travail
-Publicité pour le camp No Border (affiches, médias sociaux, site web)

B) Des actions de solidarité avec les migrants durant le camp No Border
-Actions aux frontières
-Actions aux points chauds, centres de détention et centres de refoulement (rétention)
-Rassemblements / manifestations au centre-ville

(Plus d’informations seront données au cours des mois à venir)

C) Rassemblement international (discussions, ateliers) au cours du camp No Border (Voir la description ci-dessous)

E. Domaines Thématiques (discussions, ateliers)

A. Mouvement (transport) autonomie
A1. Populations en mouvement, nomadisme et géographie internationale de l’immigration (le concept de frontière, régions limitrophes, terres interstitielles, hétérotopie et altérité)
A2. « Autonomie », « Exodus », « Nomadisme », « Diaspora », « Voyage ». L’immigration internationale contre les concepts néolibéraux de laissez-faire qui considèrent l’immigration comme le produit de choix personnels conformes aux lois de l’offre et de la demande. Concept d’« interventionnisme » qui considère l’immigration comme un phénomène dans lequel l’Etat doit intervenir pour réguler son flux et son étendue.
A3. Communs mobiles. Stratégies et pratiques pour la survie, la lutte, la solidarité, le réseautage, la communication, l’entraide et la communion des populations en mouvement.
A4. Structures de solidarité, squats-sociaux de lutte, connexion entre les luttes des habitants et celles des immigrés
B. Νouvelles enclosures intersectionnelles
B1. Les nouvelles politiques de l’enceinte, les déplacements forcés, la dépossession et l’accaparement des moyens de production et de reproduction, la permanence de l’accumulation dite primitive
B2. Aspects de classe de l’immigration, classes dangereuses, main-d’œuvre pas cher, surplus réservé (armée du chômage)
B3. L’émergence de la rhétorique et de la pratique nationaliste-raciste-fasciste, la peur des politiques et le sectarisme (comités racistes des résidents, le rôle de l’Église et des médias)
B4. Aspects genrés de l’immigration (les femmes, les populations lgbt, le sexisme, la violence sexuelle, la grossesse)
B5. Aspects de l’âge de l’immigration (enfants et personnes âgées)
B6. Du handicap et de l’Immigration
B7. La confiscation culturelle des populations mobiles
B8. L’esclavage, le deal et le trafic, le trafic d’organes humains
C. Politiques d’Etat et d’Hyper-Etat pour les populations en mouvement
C1. Le rôle de l’État
C2. Citoyenneté, droits, asile
C3. Le rôle de la philanthropie, le bénévolat et le Parti des ONG
C4. Crise, immigration et nouvelles politiques gouvernementales. Comment le soi-disant doctrine de « choc des civilisations » et le « régime d’exclusion permanente » deviennent de plus en plus fréquents dans la manipulation des populations
C5. Guerre, la géopolitique et les politiques néocolonialistes
C6. La forteresse Europe et les camps de détention de réfugiés. État et police. Les politiques intergouvernementales, les politiques de contrôle, les politiques de refoulement, la criminalisation et l’« illégalisation » des populations mobiles (opérations de l’OTAN, divisions entre les réfugiés et les immigrants, les « hot spots », les centres de refoulement (rétention)).

Invitation
Les groupes radicaux, anti-capitalistes et anti-racistes, les collectifs et les individus qui sont d’accord avec le cadre proposé et qui sont intéressés à participer au No Border Camp sont invités à :

A) nous informer à temps du nombre de participants.
B) participer à l’un des groupes de travail [voir C.]
Ceux qui souhaitent faire une présentation à la discussion / aux ateliers sont invités à nous informer sur le sujet qu’ils proposent [voir E.] et envoyer leurs propositions sous forme de résumé (250 mots maximum) jusqu’au 1 Juin 2016. Nous sommes bien évidement ouverts à de nouvelles suggestions de sujets.

Envoyez-nous vos suggestions à l’adresse e-mail : contact@noborder2016.com

Plus d’infos : www.noborder2016.com

En solidarité
No Border Camp 2016 Assemblée d’organisation Thessalonique 31/03/2016

P.S.

Pour voir le programme, en anglais, c’est par ici.

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