Nous, connaissances, amies, amis, ou proches de Cesare ou encore simples soutiens attachés à la dignité humaine, qui pour certain.e.s connaissons, ou avons connu ou aimé d’autres personnes issues de la même Histoire, soumis.es à la même vindicte à perpétuité, voulons dire nos inquiétudes, notre angoisse, notre déchirement, notre écœurement.
Nous savons en effet quel sort est réservé à celles et ceux qu’aujourd’hui encore, on prétend arracher à leurs proches, à leurs amies et amis, à leurs vies, à leurs enfants et petits enfants, au nom d’une justice tout sauf réparatrice. Et qui aurait bien tort de se gargariser de rajouter seulement de la souffrance nouvelle à la souffrance d’antan. Non, ce sort, qui est déjà celui de Cesare, n’a rien de juste, il n’a rien de digne, ni de décent, ni d’humain.
Quelles qu’en soient les justifications, il n’est pas acceptable qu’un être humain soit maintenu à plus de 500 kilomètres de sa famille la plus proche, sachant que faire le trajet devient pour celle-ci chaque jour plus impossible.
Il n’est pas acceptable qu’au motif d’une dangerosité fantasmée 40 années après l’Histoire à laquelle elle se rattache, Cesare soit maintenu dans l’isolement à même le béton et sans lumière naturelle directe, dans un environnement qui n’est pas adapté à sa situation, qui le soumet à un constant sentiment d’insécurité et ne lui permet aucune interaction sociale, ni aucune activité en commun, (par ailleurs inexistantes à Rossano en dehors de la prière). Cela fera bientôt 8 mois qu’il est isolé de fait à Rossano, ajoutés aux 21 mois précédents à Oristano, (où il était déjà à l’isolement au prétexte du régime AS2 assigné sans base légale) depuis qu’il a été livré à l’Italie en janvier 2019.
Aujourd’hui, un nouveau rejet opposé à sa demande légale de transfert promet de perpétuer encore cette situation intenable… jusqu’à quand l’être humain est-il compressible ? Jusqu’où survit-on à un tel traitement ? Faut-il choisir de laisser cette situation dégrader sa santé physique et morale à petit feu, ou, au risque d’en hâter l’issue, recourir à la seule option qui soit en son pouvoir, à savoir la grève de la faim et des soins, sachant que l’absence de traitement de son hépatite peut rapidement lui être fatale ? Quelle que soit la force de persuasion que nous exercions pour l’en dissuader, ce seul choix binaire qui le tiraille depuis de longs mois maintenant, entre "crever à petit feu" ou risquer de hâter la fin de ce calvaire pour le pire comme le meilleur, est inacceptable.
L’institution carcérale est responsable des détenu.e.s. La société est responsable des personnes qu’elle juge « devoir » lui soumettre, en fonction de critères souvent très discutables. La liberté leur est retirée en fonction de ces mêmes critères. Mais leurs droits, à la santé, au maintien du lien familial, à une prise en charge sanitaire digne de ce nom, au maintien d’activités et d’échanges sociaux vitaux, à une défense qui puisse s’exercer sans entraves, doivent au minimum être respectés en contrepartie. Si ces droits ne peuvent pas être assurés, et il ne le sont pas, il faut les libérer. Les livrer à un tel sort n’est digne ni de notre siècle, ni de notre civilisation, ni de notre Humanité.
Des ami.e.s de Cesare Battisti
Historique
À 17 ans, en rébellion contre sa famille et le vieux PC (Parti Communiste), auquel elle adhère, et dans un contexte politique très tendu avec les lois fascistes issues de la seconde guerre mondiale encore en exercice, Cesare Battisti opte pour l’illégalisme. Il reverse alors au mouvement les fonds récoltés lors de ses braquages (réappropriations prolétaires, comme on dit alors). Il est arrêté en 1974. C’est 2 ans de prison plus tard environ qu’il décide de rejoindre la lutte armée suite à son incarcération et aux rencontres qu’elle occasionne. À sa sortie en 1977, Il rejoint donc les PAC (Prolétaires armés pour le Communisme), dont les opérations entraînent en 78 la mort de 4 personnes désignées par différents mouvements comme des assassins, et/ou des tortionnaires. Il décidera en 2019 de valider en package la reconstitution sur laquelle a été basé son jugement par contumace, ne pouvant compter sur un nouveau procès pour éventuellement faire le tri, et dans l’espoir resté vain que cela entraîne l’Italie à admettre ses propres responsabilités dans ce pan de l’Histoire qui a vu tomber plus de 400 personnes de tous bords. En 81, pourtant, quand les PAC le font évader de prison à près de 27 ans, il ne croit déjà plus en la lutte armée, et rejoint la France, puis le Mexique, ou il écrit son premier roman, rompant ainsi avec cette courte période de sa vie (qui n’aura en effet pas duré plus de 3 ou 4 ans). Il se consacre dés lors entièrement à l’écriture tout au long d’une cavale alternée qui dure près de quarante ans, entre ses enfants à élever puis perdus, l’angoisse de la traque et celle de la page blanche, de multiples publications et projets culturels, les périodes d’emprisonnement, les asiles accordés puis repris, les fuites, et autres tentatives toujours vaines de mener tant bien que mal “une vie normale”. Il est arrêté une dernière fois en 2019 en Bolivie, et au prix d’une manœuvre trouble (comme il l’explique ici), livré à l’Italie. Il y est incarcéré dans la prison d’Oristano, à 65 ans et près de quarante ans après les faits, sous un régime de haute sécurité, et maintenu à l’isolement jusqu’à son transfert en Calabre en septembre 2020. Un isolement inhumain qui se perpétue dans les faits, puisque pour des raisons politiques de sécurité personnelle, il ne peut en aucun cas se mêler à la population carcérale qui l’entoure.
Par ailleurs, ses frères et sœurs, déjà âgés, ne peuvent l’y visiter qu’à grand peine, résidant à plus d’un millier de km...
Publié par 1Mot2Cesare, sur Thechangebook.org