Voilà l’instigateur de la lutte que j’ai commencé. Je n’aurais jamais pensé arriver à ce point, j’ai toujours trouvé le mélodrame ridicule, j’aime davantage la comédie, mais c’est ainsi. Après tout ne sommes-nous pas le pays du mélodrame ? Il faut donc finir en beauté. Si j’y pense, il y a cependant quelque chose d’ironique : dans l’Occident du progrès démocratique je suis le seul couillon qui meurt car on l’empêche de lire et d’étudier ce qu’il veut, des journaux anarchistes, des revues historiques et scientifiques, sans oublier les bandes dessinées que j’aime tant.
Vous reconnaîtrez que la chose est paradoxale et aussi un peu drôle, je n’arrive pas à vivre ainsi, je n’y arrive vraiment pas, et j’espère que ceux qui m’aiment me comprennent. Je n’arrive pas à me plier devant cette non-vie, c’est plus fort que moi, peut-être parce que je suis un anarchiste têtu des Abruzzes. Je ne suis bien sûr pas un martyre, les martyres me procurent un certain dégoût. Oui, je suis un terroriste, j’ai tiré sur un homme et j’ai revendiqué avec orgueil ce geste, même si, laissezmoi le dire, cette définition fait un peu rire dans la bouche des représentants d’États ayant sur la conscience des guerres et des millions de morts, et qui parfois, comme l’un de nos ministres, s’enrichissent avec le commerce d’armes. Mais que voulez-vous, ainsi va le monde, du moins tant que l’anarchie n’aura pas triomphé et que le vrai socialisme, celui anti-autoritaire et antiétatique, verra finalement la lumière. Ce n’est pas demain la veille direz-vous, et moi aussi, pour l’instant les seules lueurs de lumière que je vois ce sont les gestes de rébellion de mes frères et mes sœurs révolutionnaires partout dans le monde, et ce n’est vraiment pas rien, car ils sont menés avec le cœur, la passion et le courage, bien qu’ils puissent sembler chétifs et farfelus.
Cela dit, je voulais expliquer le sens de mon acharnement contre le régime 41 bis. Je pense que quelques juristes l’ont plus ou moins perçu, mais ils sont très peu à l’avoir véritablement compris : le 41 bis est une métastase qui risque de menacer l’état de droit, et de fait il est déjà en train de le faire, un cancer qui dans une démocratie un brin plus totalitaire – et avec le gouvernement Meloni nous y sommes presque – pourra être utilisé pour réprimer, faire taire par la terreur toute forme de dissidence politique et toute sorte d’extrémisme hypothétique. Le tribunal qui décide de la condamnation à la muselière moyenâgeuse du 41 bis ressemble énormément au tribunal spécial fasciste, les dynamiques sont identiques : je pourrais sortir de ce cercle dantesque uniquement si je reniais mon credo politique, mon anarchisme, seulement si je livrais quelques compagnons ou compagnonnes. On commence toujours par les Roms, les communistes, les radicaux, les voyous, les subversives et puis par les gauches plus ou moins révolutionnaires.
Comment aurais-je pu ne pas m’opposer à tout cela, certes d’une manière désespérée, et pour un anarchiste, justement parce que nous n’avons pas une organisation, la parole donnée est tout, voilà pourquoi j’irais jusqu’au bout. Pour conclure, comme l’a dit si je me souviens bien l’anarchiste Emile Henry avant qu’on ne lui tranche la tête : quand le spectacle ne me plaira plus j’aurais aussi le droit de le quitter, et de sortir en claquant la porte. Voilà ce que je ferais dans les prochains jours, j’espère avec dignité et sérénité, autant que possible.
Une grande accolade à Domenico qui dans le 41bis de Sassari a commencé la grève de la faim dans l’espoir de pouvoir à nouveau embrasser ses enfants et ses proches, nourrissant mon grand espoir que d’autres damnés du 41bis brisent la résignation et rejoignent la lutte contre ce régime qui fait de la constitution et du soi-disant – pour ce qu’il vaut – état de droit un vieux papier.
Abolition du régime du 41bis.
Abolition de la perpétuité incompressible.
Solidarité avec tous les prisonniers anarchistes, communistes et révolutionnaires dans le monde.
Merci aux frères et aux sœurs pour tout ce que vous avez fait, je vous aime et pardonnez mon obstination illogique.
Jamais à genoux, toujours pour l’anarchie.
Vive la vie, à bas la mort.
Alfredo Cospito