Luttes indépendantistes - impérialisme Palestine

Déclaration + lettre ouverte du syndicat des professeur.es et employé.es de l’Université de Birzeit

De la mer au Jourdain : textes pour une Palestine libre. Face à l’offensive médiatique relativisant la gravité du massacre en cours à Gaza, Renversé propose à ses lecteurs et lectrices de découvrir des articles ou interviews de militant.es et de groupes luttant contre l’apartheid israélien, sur place ou ailleurs. Le premier article de cette série est une traduction que nous avons faite, un peu rapidement, d’un communiqué du Syndicat des professeur.es et employé.es de l’Université de Birzeit publié le 11 octobre dernier. Nous joignons également en bas de l’article une lettre ouverte de l’Université de Birzeit aux institutions académiques
internationales.

Palestine |

La déclaration suivante a été publiée par le Syndicat des professeur.es et employé.es de l’Université de Birzeit [1] en réponse au génocide en cours à Gaza perpétré par l’État d’Israël

L’année 2023 restera dans l’histoire comme l’année où les Palestinien.nes se sont dressé.es avec bravoure face au fascisme colonial, pour défendre leurs maisons, leur humanité et leurs vies. Les Palestinien.nes, en tant que peuple, ont enduré plus d’un siècle de violence coloniale. Nous avons tout de même prospéré et nous continuerons à le faire. Nous ne parlons pas de notre droit à la résistance, il ne s’agit pas d’un droit, mais d’une façon d’être et d’un moyen de survie.

Le sionisme, l’État colonisateur et l’ensemble du système colonial issu de cette idéologie fasciste ne peuvent plus se cacher sous le masque de l’humanisme. En Palestine, en 2023, nous ne revendiquons pas notre droit à raconter. Notre capacité à raconter ne nous a jamais échappé, et la résistance dans toutes ses formes se passe de l’approbation préalable des codes figés du droit international.

Les opprimé.es n’ont pas à revendiquer l’autorité sur leur propre oppression ; ce sont les événements historiques en cours - notre histoire - qui nous confèrent cette autorité. Nous ne considérons pas qu’il est de notre devoir d’exposer la barbarie sanglante du sionisme ; leurs actions en tant qu’État fasciste et armée sanguinaires sont plus que suffisantes pour accomplir cette tâche. Il est de notre devoir par contre de nous saisir de ce moment non pas en tant que victimes, mais en tant que peuple qui se souviendra, survivra et résistera.
Notre histoire relatera cet épisode non seulement comme un témoignage de la brutalité coloniale, mais aussi comme un témoignage de notre détermination à vivre et à résister à cette brutalité. Nous restons attaché.es à notre terre et à notre humanité en tant qu’Arabes palestinien.nes et il n’est pas nécessaire de prouver notre humanité à ceux qui ont perdu la leur.

Il pourrait néanmoins être utile de nous rappeler, ainsi qu’aux autres, les crimes qui ont été et sont actuellement commis en Palestine - des crimes qui ont commencé avec l’imposition violente du sionisme sur la terre et le peuple de Palestine. Cette liste est longue et ne peut être résumée rapidement, mais pour celles et ceux qui ont choisi de se tenir aux côtés des opprimés, en solidarité avec notre lutte, nous vous demandons de garder ces points à l’esprit lorsque vous parlez de liberté et de libération - la tête haute, comme toujours, guidé.es par le devoir envers nos martyrs et par la justesse de notre cause. En dressant cette liste, nous nous rendons compte que des termes tels que "crimes de guerre", "génocide", "apartheid", "criminalité" et "inhumanité" sont inadaptés et insuffisants pour décrire ce que l’État d’Israël a fait et continue de faire :

  • Une puissance coloniale ne peut revendiquer le droit à l’autodéfense contre le peuple soumis à son occupation. Il n’y a pas d’équivalence morale entre le colonisateur et le colonisé - même si les médias tentent de prétendre le contraire ;
  • Conformément à leur modus operandi, les militaires israéliens, dans leur guerre contre Gaza, ont directement ciblé notre peuple en bombardant des maisons, des hôpitaux, des orphelinats, des terrains de jeu, des écoles, des Universités, des mosquées, des églises et des espaces publics, tuant délibérément autant de Palestinien.nes que possible, bombardant même les morts dans les cimetières. Couper et cibler les conduites d’eau, les centrales électriques, les services d’urgence et autres installations civiles essentielles c’est l’action d’une puissance génocidaire, rendue encore plus agressive par le cynisme des discours sionistes sur la "pureté des armes" [2] : cette pureté ne se réfère manifestement qu’à la capacité de leurs armes à être utilisées en tout temps et contre tous les Palestinien.nes.
  • La violence de la couverture médiatique sioniste (reprise largement à travers le monde) persiste à blâmer les opprimé.es pour les crimes de l’oppresseur. L’ironie de la prétention sioniste au statut de victime se révèle à travers le génocide commis par l’armée israélienne, qui poursuit son objectif de vider la Palestine des Palestinien.nes. Ces crimes ne sont pas nouveaux et font partie intégrante du projet sioniste. Aujourd’hui encore, les massacres et l’exil forcé des réfugié.es palestinien.nes se poursuivent et le monde entier assiste à la scène ;
  • Le racisme génocidaire flagrant du discours politique israélien : l’appel obscène, pornographique, à la mise à mort des Arabes lancé par les politiciens sionistes de tous les bords est du fascisme et ne peut être compris autrement que comme un soutien à la poursuite de la violence génocidaire et au fascisme colonial des occupants, inhérents à l’histoire de l’idéologie sioniste ;
  • La transformation de la bande de Gaza en prison et la condamnation criminelle à l’isolement, depuis maintenant seize ans, d’une population entière via le blocus et le siège sur Gaza ;
  • La criminalisation de la résistance, y compris l’auto-criminalisation du droit de résister. Tout le sang versé est imputé aux opprimé.es et les crimes de l’invasion coloniale sont systématiquement ignorés ;
  • L’injustifiable crime de silence et de complicité perpétré par les pays du monde entier - y compris les régimes arabes et musulmans soumis au pouvoir écrasant des Etats Unis – qui, au pire, soutiennent ouvertement le génocide ou, au mieux, se font les témoins muets des crimes des colons ;
  • La complicité américaine évidente dans le massacre d’un peuple entier. Les sionistes et les américains, avec la complicité des régimes arabes, ont perpétré des crimes contre le peuple palestinien qui montrent ce qu’est le fascisme au 21e siècle ;
  • Le crime historique continu que constitue le déni total du droit politique de la nation palestinienne à l’existence, à la résistance, au retour et à l’autodétermination.

Nous, Palestinien.nes, avons droit à la liberté. Il ne s’agit pas d’un droit inscrit dans les mots approximatifs des textes juridiques, c’est notre dignité humaine qui nous pousse à lutter pour la liberté. La résistance palestinienne a été criminalisée depuis le début de l’invasion coloniale de la Palestine. Maintenant que notre résistance a utilisé des tactiques de guérilla, nous sommes devenus les oppresseurs ! Quel est l’objectif de l’armée israélienne ? Incapable de contrer les résistants, l’aviation bombarde Gaza assiégée, visant tout et rien à la fois ! Essaient-ils, en vain, de poursuivre la guerre génocidaire commencée dès l’arrivée des sionistes sur notre terre ? D’achever l’effacement de 1948 ?

Compte tenu de tout ce que nous savons et de tout ce que nous avons vu, nous devons agir et choisir la justice et l’humanité et lutter contre l’oppression coloniale. Nous sommes tous.tes des Palestinien.nes désormais, et nous devons tous.tes agir immédiatement contre les vrais criminels et nous lever face au monstre colonial et à sa barbarie. Le sionisme est un projet de colonisation génocidaire qui repose sur une mythologie fausse et se nourrit d’une violence sans fin à l’encontre du peuple autochtone de Palestine - il doit être considéré et traité comme tel. Les discours sur la liberté - politique, académique ou sociale - tombent dans l’oreille d’un sourd tant que les vrais criminels ne sont pas nommés et traités comme tels.

Nous, en Palestine occupée - et tous.tes les Palestinien.nes - ne nous faisons pas d’illusions sur les rêves poétiques du triomphe de la plume sur l’épée. L’épée a trop profondément entamé notre chair aux mains d’un ennemi à qui la communauté internationale hypocrite et l’histoire impériale ont accordé le monopole à la fois de l’épée (celle qui tue) et de la plume (celle qui raconte les tueries). En tant qu’intellectuel.les et universitaires travaillant en Palestine occupée, nous devons utiliser nos mots, même s’ils semblent futiles en ces temps décisifs. Nous avons foi dans les esprits courageux de notre peuple, dans notre résistance et dans le triomphe de la liberté, ainsi que dans nos droits inaliénables. Nous proclamons qu’en cette période historique critique et urgente, nous vaincrons - la justice vaincra. Nous ne sommes pas des victimes passives ; nous avons été assassiné.es, mutilé.es et exilé.es par un État colonial mû par une idéologie haineuse et violente, mais nous ne nous laisserons pas réduire au silence. Notre résistance nous montre la voie, nous restons inébranlables et nous triompherons.

11 octobre 2023

Syndicat des professeur.es et des employé.es de l’université de Birzeit, Palestine occupée

Version anglaise

Lettre ouverte de l’Université de Birzeit aux institutions académiques internationales (23.10.23) : Ne restons pas silencieux face au génocide

Nous, à l’Université de Birzeit, exhortons les institutions académiques internationales à prendre des mesures concrètes pour mettre fin à la guerre génocidaire contre le peuple palestinien et au colonialisme israélien.

Au cours du seizième jour de bombardements brutaux et vicieux d’Israël sur la bande de Gaza - qui est assiégée par Israël depuis 17 ans - plus de 4650 Palestiniens sont morts, dont le tiers sont des enfants, et plus de 14 000 sont blessés. Ces actes criminels ont entraîné également le déplacement forcé de plus d’un demi-million de Palestiniens et l’appel à déplacer un autre million du nord de la bande de Gaza, la destruction de 60 000 unités résidentielles, et le bombardement délibéré des hôpitaux, des écoles et des universités.

Les récentes déclarations du gouvernement israélien qualifiant les Palestiniens comme des "bêtes humaines" à affamer et à prendre en otage par un blocus total de la nourriture, de l’eau, de l’électricité et du carburant rendent visible l’idéologie raciste fondatrice d’Israël, qui opère en toute impunité et avec la complicité de la communauté internationale. Cette guerre visant à l’élimination des Palestiniens a commencé en 1948 et elle continue de s’intensifier, sans règles humaines ni règles éthiques, aggravant une situation de vie déjà insupportable pour les Palestiniens.

L’université de Birzeit fait appel à la communauté académique internationale, aux syndicats et aux étudiants pour qu’ils remplissent leur devoir intellectuel et académique de recherche de la vérité, à garder une distance critique par rapport à la propagande parrainée par l’État Israélien et à demander des comptes aux auteurs du génocide et à leurs complices.

Nous considérons les universités israéliennes également responsables de cette situation car elles ont joué un rôle indispensable dans le régime d’oppression coloniale et d’apartheid, et elles ont été complices de graves violations des droits de l’homme, y compris le développement d’armements, de doctrines militaires et de justifications juridiques pour le ciblage massif et indiscriminé des Palestiniens. Ces institutions académiques doivent être bannies par la communauté académique internationale.

L’Université de Birzeit exhorte la communauté internationale à intervenir immédiatement pour mettre fin à cette agression barbare et pour protéger les Palestiniens de l’escalade dramatique des crimes de guerre israéliens, des crimes contre l’humanité et du nettoyage ethnique dans l’ensemble de la Palestine. L’impunité accordée par la communauté internationale aux forces d’occupation israéliennes doit cesser dès aujourd’hui.

Notes

[1L’Université de Birzeit (BZU ; arabe : جامعة بيرزيت) est une Université publique située en Cisjordanie, Palestine

[2Le code de pureté des armes est l’une des valeurs énoncées dans la doctrine éthique officielle des Forces de défense israéliennes, The Spirit of the IDF (L’esprit des Forces de défense israéliennes). Elle stipule que : « Le soldat n’utilisera son armement et sa puissance que pour l’accomplissement de la mission et uniquement dans la mesure requise ; il conservera son humanité même au combat. Le soldat n’utilisera pas ses armes et son pouvoir pour nuire aux non-combattants ou aux prisonniers de guerre, et fera tout ce qui est en son pouvoir pour éviter de porter atteinte à leur vie, à leur corps, à leur honneur et à leurs biens. »

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