Un article trouvé sur lanticapitaliste.org
Ravis de leur succès, ils et elles ont fêté cela au champagne. Pourtant, bien qu’il s’agisse d’une merveilleuse réussite, leur victoire soulève de nombreuses questions importantes. Comment ces travailleurEs ont-ils et elles réussi ? Que se passera-t-il ensuite pour ces travailleurEs ? Sera-t-il désormais plus facile de syndiquer d’autres entrepôts Amazon et, à terme, l’ensemble de l’entreprise ? Cette victoire représente-t-elle le début d’une nouvelle ère pour les travailleurEs américains ?
Une victoire substantielle pour les salariéEs.
L’action des salariéEs du site de Staten Island était animée par Chris Smalls, un travailleur d’Amazon qui avait été licencié après avoir mené un débrayage sur le site le 30 mars 2020 en raison de l’incapacité de l’entreprise à fournir des informations et une protection aux travailleurEs pendant la pandémie de Covid. Small et un groupe de collègues ont formé un syndicat indépendant, l’Amazon Labor Union, puis se sont organisés en discutant directement des problèmes de l’entreprise avec les autres employéEs, blancs, noirs et latinos. La direction d’Amazon a, elle, organisé une petite armée de superviseurs, d’avocats et de cadres de l’entreprise pour tenter de faire échouer cet effort, en essayant à la fois d’intimider les travailleurs et de les convaincre. Mais lorsque le National Labor Relations Board des États-Unis (agence gouvernementale chargée de superviser les élections syndicales) a annoncé les résultats de l’élection de représentation le 1er avril, il était clair que les salariéEs avaient choisi d’avoir un syndicat par un vote de 2 654 contre 2 131 (sur un total de 8 325 travailleurEs qui avaient le droit de voter). Il s’agit d’une victoire substantielle (55 %-45 %), une victoire sur un mastodonte.
Small et un groupe de collègues ont formé un syndicat indépendant, l’Amazon Labor Union, puis se sont organisés en discutant directement des problèmes de l’entreprise avec les autres employéEs, blancs, noirs et latinos.
Amazon, fondée par Jeff Bezos en 1994, alors principalement comme vendeur de livres électroniques, est devenue l’une des plus grandes entreprises du pays, un conglomérat qui possède la chaîne d’épicerie Whole Foods ainsi que les films Amazon Prime. En 2021, son chiffre d’affaires total s’est élevé à 469 milliards de dollars et son bénéfice net à 33,36 milliards de dollars, ce qui en fait la deuxième plus grande entreprise US après Walmart. Amazon compte environ 1,1 million d’employéEs, dont beaucoup sont des magasinierEs. Aux États-Unis, l’entreprise possède plus de 100 « fulfillment centers », comme elle appelle ses entrepôts et ses installations de distribution. L’implantation d’un syndicat chez Amazon aujourd’hui est, d’une certaine façon, équivalente aux actions des travailleurEs pour s’organiser dans les entreprises automobiles General Motors, Ford et Chrysler dans les années 1930 : un effort pour donner aux salariéEs un levier pour lutter contre l’une des entreprises les plus riches et les plus puissantes du pays.
Un syndicat venu d’en bas
Il semble y avoir là une leçon à tirer pour le mouvement syndical étatsunien. Au cours des dernières années, les Teamsters, l’Union des travailleurs de l’alimentation et du commerce, et l’Union des détaillants, grossistes et grands magasins, c’est-à-dire certains des plus grands syndicats du pays avec des millions de dollars dans leurs trésoreries et employant des centaines de membres, ont tenté d’organiser les établissements d’Amazon et ont échoué. Dans l’entrepôt de Staten Island, les travailleurEs se sont organisés eux-mêmes et elles-mêmes, ont collecté des fonds par le biais d’un site GoFundMe, ont voté pour un syndicat qu’ils et elles avaient créé eux-mêmes et qui est dirigé par des collègues qu’ils et elles connaissent et respectent – tout comme les ouvrierEs de l’automobile dans les années 1930. La question est de savoir si ces travailleurEs vont maintenant s’affilier à l’un des grands syndicats bureaucratiques pour obtenir le soutien nécessaire à l’obtention d’un premier contrat collectif.
Dans l’entrepôt de Staten Island, les travailleurEs se sont organisés eux-mêmes et elles-mêmes, ont collecté des fonds par le biais d’un site GoFundMe, ont voté pour un syndicat qu’ils et elles avaient créé eux-mêmes et qui est dirigé par des collègues qu’ils et elles connaissent et respectent – tout comme les ouvrierEs de l’automobile dans les années 1930.
Les revendications du syndicat Amazon Labor Union comprennent une augmentation des salaires de 18,25 à 30 dollars de l’heure, une plus grande sécurité de l’emploi pour empêcher l’entreprise de les licencier, le droit d’avoir leurs téléphones portables sur le lieu de travail et des navettes pour les travailleurEs ayant de longs trajets à effectuer. Maintenant que les travailleurEs ont obtenu la reconnaissance syndicale, ils et elles devront obtenir d’Amazon un premier contrat syndical. La loi exige des entreprises qu’elles négocient de bonne foi, mais elles retardent ou sabotent souvent les négociations dans l’espoir d’épuiser le syndicat et de s’en débarrasser à terme.
Les travailleurEs d’Amazon devront-ils et elles faire grève pour obtenir un contrat ? Et seront-ils et elles prêts à le faire ? Que signifie cette victoire pour l’avenir du mouvement ouvrier ? Nous ne le savons pas encore, mais peut-être est-ce le début d’une nouvelle période pour le mouvement ouvrier étatsunien, basée sur l’organisation de la base par les travailleurEs eux-mêmes et elles-mêmes.
Un article de Dan La Botz. Traduction Henri Wilno