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Pourquoi « Il n’est pas encore tombé » ? Les leçons de la révolution soudanaise

Les soulèvements des Soudanais.es contre toutes les formes de mesures d’austérité au cours des 10 années qui ont précédé le soulèvement de décembre 2018 confirment que le manque de justice économique était, et est toujours, le principal moteur de la révolution soudanaise.

Le peuple soudanais a entamé son 5e jour de protestation non violente contre le coup d’État militaire dirigé par le général Burhan et son 4e jour de désobéissance civile. Demain (samedi 30 octobre), une manifestation de masse à l’échelle nationale est prévue et plus de 60 manifestations ou rassemblements ont lieu à travers le monde. En Suisse, les Soudanais.es organisent une manifestation à la Place des Nations à Genève (devant la Chaise) pour dénoncer le coup d’État militaire odieux au Soudan et les violations massives des droits de l’homme par l’armée et les milices des forces rapides contre les civils, qui ont conduit à la chute de martyrs et à des dizaines de blessé-e-s. Un grand nombre de militant-e-s et de politicien-ne-s ont égallement été arrêté-e-s.

Venez nombreux et nombreuses

Samedi 30 octobre 2021
De 13h00 à 17h00

Pourquoi « Il n’est pas encore tombé » ? Les leçons de la révolution soudanaise

27 octobre 2021, Par Muzan Alneel

Début décembre 2018, des manifestations ont éclaté dans tout le Soudan contre la dictature d’Omar el-Béchir. Une semaine après le début du sit-in qui exigeait son départ en avril 2019, Omar el-Béchir a été déposé - après presque 30 ans de règne. Cependant, les révolutionnaires soudanais.es n’ont pas cessé leurs sit-in : elles et ils ont continué à se rassembler devant le commandement général (quartier général des forces armées soudanaises), affirmant leur engagement à continuer de protester jusqu’à ce que toutes leurs demandes soient satisfaites et que les changements qu’ils et elles souhaitent se réalisent. Le 3 juin 2019, la 29e nuit du Ramadan, les forces de sécurité soudanaises ont brutalement et simultanément dispersé tous les sit-ins, commettant un massacre.

Un accord de "partage du pouvoir" a ensuite été signé entre le Conseil militaire (composé de l’ancien conseil de sécurité d’el-Béchir, qui dirige le pays depuis la chute d’el-Béchir) et la coalition de l’opposition (les Forces de la déclaration de la liberté et du changement - FFC). Selon l’accord, le gouvernement civil-militaire doit diriger le Soudan pendant une période de transition de trois ans.

Au cours des deux années qui ont suivi l’annonce du gouvernement de transition, le Soudan a connu divers changements politiques et économiques, notamment la signature d’accords de paix avec différents mouvements armés du pays, le retrait du Soudan de la liste américaine des États soutenant le terrorisme, ainsi que la ratification de certaines lois et la modification d’autres. Dans le même temps, les manifestations n’ont jamais cessé : elles ont eu lieu au moins deux fois par mois au cours de cette période.

L’un des chants entendus lors des manifestations en cours au Soudan, et qui est devenu un élément prépondérant de la vie quotidienne, est l’appel "Il n’est pas encore tombé" : une phrase qui fait suite à l’appel du soulèvement de décembre 2018 "Just fall" - en référence au régime dictatorial. La phrase "Il n’est pas encore tombé" exprime clairement le rejet par les manifestant.e.s de la situation actuelle dans le pays, et leur volonté de continuer à protester. D’autres chants incluent "Qu’il soit tombé ou non, nous restons ici" et "Il n’est pas encore tombé, le régime est toujours militaire".

Pour comprendre la signification de ces chants, il faut d’abord comprendre pourquoi les Soudanais.es pensent que le régime n’a pas encore été renversé. Il faut comprendre pourquoi les Soudanais.es se sont soulevé.es en premier lieu, et ce qu’ils et elles voulaient renverser lorsqu’ils et elles ont scandé "Just fall" ; comprendre la réalité actuelle du gouvernement soudanais et son évolution par rapport aux objectifs du soulèvement ; et si nous recherchons la justice économique et sociale pour le Soudan, réfléchir aux moyens par lesquels le soulèvement soudanais peut (et doit) continuer à atteindre ses objectifs face à la contre-révolution en cours.

Cet article vise à enrichir la conversation révolutionnaire internationale sur les leçons que l’on peut tirer de la révolution soudanaise. Apprendre de ces leçons peut nous aider à atteindre les objectifs de la révolution et peut également enrichir les luttes mondiales pour un monde plus juste.

Pourquoi les Soudanais.es se sont-elles et ils soulevé.e.s ?

Début décembre 2018, des manifestations de colère ont éclaté dans différentes villes soudanaises. La situation économique morose, avec des gens contraints de faire la queue pour obtenir du pain et du carburant, avait allumé une humeur générale de colère. La ville d’Atbara a été le théâtre de la plus importante manifestation, organisée par des étudiant.e.s de l’école industrielle d’Atbara protestant contre le fait que les sandwichs ta’amiya (le petit-déjeuner le plus couramment consommé par les Soudanais.es appauvri.e.s) étaient devenus inabordables en raison de l’augmentation du prix du pain. Les étudiant.e.s ont marché jusqu’au siège du parti au pouvoir, le Parti du Congrès national (NCP) [1], et ont brûlé le bâtiment. Des photos du siège du NCP en feu ont rapidement circulé parmi les Soudanais.es. Le bâtiment était identique aux autres sièges du NCP dans tout le pays, avec leurs dépenses somptueuses, colorées en vert et situées de manière provocante au milieu d’un environnement pauvre et sous-développé. Cette image a fait naître l’espoir et la possibilité de renverser le gouvernement est soudain apparue plus réaliste, malgré l’arsenal des services de sécurité et leur répression des manifestant.e.s.

Les manifestations se sont étendues à d’autres villes et le Soudan est alors entré dans un cycle de protestation auto-entretenu : l’État s’est livré à des meurtres, des violences, des arrestations, des coupures de médias sociaux et différentes formes de restriction et de couvre-feu, ce qui a incité à de nouvelles protestations. Dans le même temps, la violence économique s’est poursuivie, sous la forme d’une inflation soutenue, d’un manque de services et de la suppression des subventions publiques, ce qui s’est traduit par un chant de protestation : "Gouvernement de famine, gouvernement d’appauvrissement, tombez simplement".

Bien que la colère des manifestant.e.s ait émergé en 2018, les problèmes économiques qui l’ont catalysée remontent à bien plus loin, résultant de politiques économiques ayant une longue histoire. Certaines de ces politiques ont été mises en œuvre par le régime du Salut national d’Omar el-Béchir, tandis que d’autres ont été mises en place sous les régimes précédents. Depuis le coup d’État du 30 juin 1989, le gouvernement du Salut a adopté des politiques de libéralisation et de privatisation, y compris le retrait des services publics. L’origine islamique du parti au pouvoir l’ayant conduit à adopter une position d’opposition aux "grandes puissances" (principalement les États-Unis et l’Union européenne), il a mis en œuvre des politiques économiques néolibérales sans pouvoir bénéficier de l’aide que les institutions financières mondiales auraient pu offrir. La libéralisation a donné du pouvoir au Front national islamique - l’ancêtre du NCP de Bashir - dont les cadres ont fourni, et donc profité, des services publics que l’État avait abandonnés, comme l’éducation et la santé. En conséquence, le régime a pu rediriger les revenus du trésor public vers les poches des cadres de son parti.

L’histoire du gouvernement du Salut a été marquée par une série de politiques économiques ratées et de décisions à courte vue, notamment la vente d’actifs publics, l’abandon de la prestation de services et l’ouverture de la porte à la privatisation des soins de santé et de l’éducation. Ces politiques ont provoqué des manifestations de masse tout au long des années 1990. Vers la fin de cette décennie, poussé par l’embargo américain de 1998 sur le pays, le régime s’est tourné vers les entreprises chinoises pour qu’elles deviennent des partenaires dans les opérations de forage pétrolier dans le pays. Dans le même temps, le régime s’est efforcé de réintégrer le système financier mondial. Il a entamé des négociations avec une série d’administrations américaines pour lever l’embargo économique. Dans le cadre de ce processus, le Soudan a accepté d’entamer des négociations avec le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) pour mettre fin à la guerre civile au Sud-Soudan, la plus longue de l’histoire du continent [2].

L’accord de paix global qui a mis fin à la guerre a marqué le début d’une période pendant laquelle les fonds publics et les subventions au développement ont été canalisés vers la construction, les entreprises contractantes, les services pétroliers et les projets connexes, tant soudanais qu’étrangers. Les forages pétroliers se sont multipliés dans le sud du pays et des canalisations ont permis de pomper le pétrole jusqu’à Port-Soudan, sur la mer Rouge. Un boom économique s’est produit, qui s’est manifesté par la stabilité de la monnaie et une prolifération de projets de construction, notamment de routes et d’infrastructures (toujours entachés de scandales de corruption et de disparition de fonds publics). Cependant, ce boom ne s’est pas accompagné d’un développement de la fourniture de services de base, d’équipements publics ou de projets de développement, et il n’y a eu aucune tentative sérieuse d’établir des projets de développement ou de services dans le Sud, ou de fournir un plan national pour la justice économique et sociale.

Ce traitement des régions soudanaises - par lequel le gouvernement a épuisé leurs ressources mais s’est abstenu de s’engager dans des activités de développement et de fourniture de services - n’était pas nouveau. Avant l’indépendance en 1956, les services d’éducation et de santé avaient toujours été centralisés à Khartoum (la capitale de l’administration centralisée) et dans ses environs. Le réseau routier du Soudan reflétait ce centre de gravité : il convergeait vers la capitale politique, et pratiquement aucune route interurbaine ne passait pas par Khartoum. Les réseaux électriques et les autres services n’étaient pas différents. Après l’indépendance, les gouvernements n’ont pas modifié l’approche coloniale qui donnait la priorité à la sécurisation de la frontière sud de l’Égypte, des sources du Nil et des exportations agricoles bon marché du Soudan, tout en réduisant les services publics au minimum et en les limitant aux régions administrant les richesses plutôt qu’à celles qui les produisent.

Il n’est donc pas surprenant que la population du Sud, ou toute autre population soudanaise d’ailleurs, ait choisi l’indépendance vis-à-vis de l’autorité coloniale de Khartoum. En janvier 2011, alors que la période de transition de cinq ans prévue par l’accord de paix global touchait à sa fin, la population du Sud-Soudan a voté en faveur de la séparation.

Après la déclaration d’indépendance du Sud-Soudan, il est devenu évident que le gouvernement de Khartoum n’était pas préparé à cette nouvelle réalité. La perte de son contrôle sur le pétrole sudiste a entraîné un effondrement économique. En 2012, la monnaie nationale s’est dépréciée de moitié en un an. En réaction, le gouvernement s’est immédiatement tourné vers des mesures d’austérité et a annoncé la levée des subventions aux carburants. Des manifestations ont éclaté contre cette décision, principalement dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur. Inspirées par le printemps arabe, des marches hebdomadaires ont eu lieu, coordonnées par les réseaux de médias sociaux. Les manifestations ont été accueillies par des violences et des arrestations et, en deux mois, elles ont cessé. L’année suivante, en 2013, cherchant à empêcher la poursuite de l’effondrement économique, le gouvernement a annoncé la levée des subventions aux carburants pour la deuxième fois. Cette fois, cependant, il ne l’a fait qu’après l’annonce des vacances scolaires - pour limiter les protestations des étudiant.e.s. Les manifestations qui ont éclaté cette fois se sont déroulées à la périphérie de la capitale et ont été accueillies avec un niveau de violence différent : des balles réelles ont été tirées sur les manifestant.e.s dans la capitale en septembre 2013, où plus de 100 personnes ont été martyrisées en trois jours. Ces violences ont été perpétrées par les Janjawids [3], milices semi-gouvernementales connues pour leurs massacres génocidaires au Darfour, dont la formation et la pérennité ont été en partie aidées par les généraux et les services de sécurité nationale soudanais.

Face à ces protestations contre ses politiques d’austérité, le gouvernement a procédé à la recherche d’alliances politiques pour maintenir son pouvoir. En janvier 2014, conformément à une proposition de Princeton Lyman, l’ancien envoyé spécial des États-Unis au Soudan, el-Béchir a appelé à un dialogue national. Sa proposition envisageait une alliance entre le régime et l’opposition, selon laquelle cette dernière renoncerait à ses tentatives de renverser le régime en échange d’un partage du pouvoir. Dans la politique soudanaise, cette approche est connue sous le nom d’"atterrissage en douceur".

La proposition de Lyman a échoué et l’effondrement économique s’est poursuivi. En réaction, le gouvernement a continué à se tourner vers les capitaux du Golfe, dont le besoin de terres arables coïncidait avec le besoin de soutien économique du régime soudanais. La subordination du Soudan aux gouvernements du Golfe a conduit au transfert de vastes zones de terres soudanaises, vidées de leurs populations indigènes, au capital du Golfe, et s’est étendue à son implication dans la guerre émiratie et saoudienne au Yémen.

Les protestations anti-gouvernementales se sont poursuivies pendant cette période. Il s’agissait notamment de protestations contre l’accaparement des terres, d’une grève de deux jours en 2016 contre la levée des subventions sur les médicaments, et d’une grève des journalistes en 2017 contre la confiscation des journaux dans les imprimeries, et bien d’autres.

Les soulèvements des Soudanais.es contre toutes les formes de mesures d’austérité au cours des 10 années qui ont précédé le soulèvement de décembre 2018 confirment que le manque de justice économique était, et est toujours, le principal moteur de la révolution soudanaise. Les Soudanais.es se sont révoltés contre les privatisations, le retrait des subventions publiques, le manque de services et l’augmentation du prix du pain. Ce sont ces politiques qui, le 19 décembre 2018, ont fait descendre les élèves de l’école industrielle d’Atbara dans la rue.

Comment peut-on lire la réalité actuelle du Soudan ?

Les Soudanais.es sont descendu.e.s dans la rue dans différentes villes soudanaises sous le slogan “Just fall” - un rejet total de toute forme de compromis avec le régime en place. En juillet 2018, l’Association des professionnels soudanais (SPA) a été créée en tant que syndicat, étant composée de syndicats parallèles (principalement dans les secteurs des cols blancs), proclamant son opposition aux syndicats officiels contrôlés par le régime. En août 2018, cette assemblée a appelé à une marche vers le parlement, prévue le 25 décembre 2018, pour réclamer une augmentation du salaire minimum. Lorsque les protestations ont éclaté début décembre, puis se sont intensifiées, la SPA a changé la destination de sa marche vers le palais présidentiel et a adopté l’appel au renversement du régime. En janvier 2019, dans la Déclaration de la liberté et du changement, l’APS a énoncé ses exigences et a exhorté le peuple soudanais à adopter et à employer diverses méthodes de lutte pacifique pour les réaliser. Parmi ces exigences figurait la démission immédiate d’el-Béchir et de son régime, ainsi que la formation d’un gouvernement de transition, qui serait chargé de neuf tâches englobant des réformes économiques, politiques et juridiques. La déclaration a été signée par le SPA et quatre autres organismes représentant les principales alliances de l’opposition soudanaise. Ils ont ensuite publié la déclaration et invité les autres à la signer également.

L’hostilité du peuple soudanais à l’égard des partis politiques existants était à la fois logique et justifiée

Si le SPA a été largement accepté par les manifestant.e.s, qui étaient impatient.e.s d’avoir de nouveaux.lles dirigeant.e.s, certains des autres signataires de la déclaration, notamment les partis politiques existants, étaient moins populaires. L’hostilité du peuple soudanais à l’égard des partis politiques existants était à la fois logique et justifiée : tout au long de l’histoire du pays, ces partis n’ont cessé de se compromettre et de s’allier avec les régimes autocratiques auxquels ils prétendaient s’opposer, et ils ont échoué à plusieurs reprises à atteindre leurs objectifs, bien qu’ils aient justifié leurs compromis comme étant la voie à suivre pour y parvenir. Dans le même temps, la voie du développement centralisé et disproportionné du Soudan a créé un terrible fossé entre les centres d’administration des richesses du pays et les régions, en termes d’éducation, de participation politique et de pouvoir politique. Les partis soudanais représentent donc les élites créées par une telle réalité : ce sont des partis de l’agriculture et du commerce, aux côtés des partis des effendi [4] éduqués. Bien que certains partis, comme le Parti communiste soudanais (SCP), aient théoriquement proposé des approches promouvant les intérêts des classes ouvrières, leur effet n’a guère différé de celui des partis capitalistes et de leurs élites politiques.

Dans ce contexte, on comprend pourquoi les manifestant.e.s ont préféré d’autres formes d’organisation, des comités de résistance de quartier aux organisations professionnelles. La popularité de ces organisations est le résultat de l’aliénation de l’organisation idéologique, au profit de l’organisation géographique ou professionnelle. Ce discours a naturellement conduit à des appels à la formation d’un gouvernement “technocratique”, éloigné de la politique (que le peuple perçoit désormais comme corrompue). L’absence de vision révolutionnaire chez les manifestant.e.s est le résultat de l’absence de tout parti révolutionnaire capable de théoriser la révolution et d’introduire un contre-discours.

Dès sa publication, plus de 20 organes syndicaux et factionnaires ont signé la Déclaration de la liberté et du changement, le 1er janvier 2019. D’autres signatures ont été recueillies au cours des semaines suivantes, atteignant plus de 100 organes. Néanmoins, la prise de décision du FFC est restée liée aux votes des quatre premiers organes (le SPA et les principales coalitions de partis d’opposition) [5]. Le SPA n’a donc pas joué le rôle révolutionnaire attendu, à savoir libérer la prise de décision politique des mains de l’élite. Sa composition et son approche, étant faite d’individus en col blanc poursuivant leurs intérêts dominants et leurs choix de classe. Là encore, c’était le résultat de l’absence d’un parti révolutionnaire organisé, capable de fournir une analyse solide au public.

Dans les mois qui ont suivi janvier 2019, les marches de protestation se sont poursuivies dans les villes et villages soudanais, exigeant la chute du régime, avec une présence prépondérante de femmes et de filles soudanaises. Cette présence indiquait, une fois de plus, le rôle essentiel du facteur économique dans l’instigation du soulèvement, les mesures d’austérité ayant aggravé les conditions déjà difficiles des femmes, que ce soit en raison de la diminution des possibilités d’emploi ou des conséquences négatives du désengagement de l’État dans la prestation de services.

La SPA a appelé à la formation de comités de résistance de quartier, s’inspirant de l’expérience antérieure des comités populaires qui avaient été formés lors des manifestations de 2013. Ces comités sont devenus les principaux héros du soulèvement, menant un travail impressionnant d’organisation des protestations sur le terrain. Juste avant d’annoncer la grève d’un jour en mars 2019, la SPA avait appelé à la formation de comités de grève, ou comités de résistance, au sein d’institutions spécifiques. Cependant, la portée des actions de ces comités est restée limitée à la résistance sur le terrain : un consensus public implicite avait été atteint selon lequel les comités devaient travailler au niveau de la rue pour renverser le régime, tandis que la direction politique devait se consacrer à la préparation d’un nouveau gouvernement et aux dispositions à prendre pour les suites de la chute du régime d’Al-Bachir.

Le 6 avril 2019, des personnes de tout le Soudan ont défilé jusqu’aux enceintes respectives du commandement général de l’armée, où elles ont annoncé le début des sit-in du commandement général, qui ont conduit à la chute d’al-Bashir le 13 avril 2019. Cela a signalé une nouvelle phase dans le soulèvement. Des réunions ont ensuite eu lieu entre le FFC et le comité de sécurité d’el-Béchir, qui avait déposé l’ancien président par un coup d’État et dirigeait désormais le pays, en s’appelant le Conseil militaire. Ces réunions étaient censées discuter de la passation du pouvoir par le Conseil militaire, mais dans les jours qui ont suivi, elles se sont rapidement transformées en réunions de “négociations”. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) ont soutenu le gouvernement du Conseil militaire par leur couverture médiatique et ont cherché à blanchir l’image des membres du Conseil. Le Conseil a intégré dans son camp les chefs des forces armées, les chefs des services de sécurité et le ministre de l’intérieur de Bachir, ainsi que les Forces de soutien rapide (le nouveau nom donné aux Janjawids).

Sans surprise, les manifestant.e.s ont rejeté le pouvoir du Conseil militaire, mais les négociations se sont poursuivies entre le FFC et le Conseil militaire, les gouvernements du Golfe soutenant le Conseil militaire par des subventions et une couverture médiatique. Les ambassadeurs des pays occidentaux ont soutenu une “transition pacifique par la négociation”, encouragée par les centres de conseil européens et américains. Parallèlement, les manifestant.e.s ont attribué le pouvoir détenu par les négociateurs du FFC à leur propre engagement dans les sit-in et autres formes de résistance et de protestation. Elles et ils ont organisé des marches dans et à travers les villes et ont fermé les rues chaque fois que le Conseil militaire était lent à négocier ou insistait sur des conditions qu’ils et elles refusaient. Cependant, pendant la période des négociations, les sit-ins ont fait face à des répressions répétées de la part des forces de sécurité. Le 13 mai 2019, huitième jour du Ramadan, les forces de sécurité ont attaqué le sit-in du Commandement général à Khartoum, dans ce qui sera connu comme le premier massacre de la révolution.

Le massacre du 8 Ramadan a déclenché une vague de colère dans les rues

Le massacre du 8 Ramadan a déclenché une vague de colère dans les rues et a suscité le rejet total du Conseil militaire par les manifestant.e.s. Les chants “100% civil” se sont élevés contre les propositions de négociation de l’époque qui proposaient un gouvernement conjoint entre les dirigeants militaires et civils. Des appels ont également été lancés en faveur d’une grève politique générale, afin de contraindre les militaires à céder le pouvoir. Les dirigeants politiques du FFC ont tardé à répondre aux appels à la grève, certains s’y étant même publiquement opposés. La crainte de la rue que les partis élitistes cèdent une fois de plus à leur addiction au compromis et à leur peur du changement radical s’est ainsi confirmée. Cela a coïncidé avec des rencontres entre les dirigeant.e.s des partis du FFC et des représentant.e.s des gouvernements européens et américains, ainsi qu’avec des visites répétées aux Émirats arabes unis. Le refus des manifestant.e.s de ces manœuvres internationales louches s’est reflété dans leurs chants et leurs chansons, ainsi que dans leurs efforts pour assurer la responsabilité des représentant.e.s de la direction politique par le biais des places de sit-in et de leurs plateformes. À l’époque, grâce à sa position anti-négociations, le PCS a réussi à obtenir une confiance considérable de la part du public, du moins en comparaison avec le reste du FFC. Cependant, le PCS n’a pas pu échapper à son essence élitiste et à ses politiques non révolutionnaires, préférant finalement préserver l’alliance de l’opposition plutôt que de se ranger du côté de la révolution et de la protéger des compromis.

L’appel de la SPA à une grève politique a été officiellement lancé après des semaines durant lesquelles les organisations de base avaient fait pression pour une grève. Une fois la grève annoncée par le SPA, ces organisations ont publié des déclarations indiquant qu’elles étaient prêtes à faire la grève [6], et elles ont fait connaître la grève prévue dans leurs discours sur les places de sit-in. La grève politique a représenté une intensification de la confrontation entre les manifestant.e.s et le Conseil militaire. Le Conseil a arrêté les grévistes et a menacé de les licencier et de les remplacer, tandis que le soutien financier et médiatique du Golfe au Conseil augmentait. La grève a finalement eu lieu les 28 et 29 mai 2019, paralysant complètement le pays, y compris ses aéroports, ses ports maritimes, ses institutions et ses marchés.

La grève du 28-29 mai 2019 - Des révolutionnaires dans la rue lèvent des pancartes de grève devant les voitures des Forces de soutien rapide à Khartoum, texte sur papier : “Es-tu en grève ou es-tu Ummah #CivilianRule” (Parti Ummah, l’un des plus grands partis, qui a annoncé son refus de la grève).

Une semaine plus tard, en juin 2019, le Conseil militaire a répondu à la grève par une série de massacres. Les services de sécurité ont attaqué simultanément les sit-in à travers 14 villes soudanaises. Les témoignages des survivant.e.s documentent des scènes brutales de viol, de torture et de meurtre. Dans certains cas, les corps des mort.e.s et des vivante.s ont été attachés, lestés de pierres et jetés dans le Nil. Les massacres ont fait plus de 100 martyrs et des centaines de blessé.e.s et de victimes de viols, tandis que la recherche des disparu.e.s se poursuit.

...En juin 2019, le Conseil militaire a répondu à la grève par une série de massacres.

Le Conseil militaire a ensuite annoncé qu’il se retirait de toutes les négociations et qu’il organiserait des élections dans six mois ; il a également coupé l’internet dans tout le pays, afin d’assurer un black-out médiatique (bien que les Soudanais.es de la diaspora aient contribué à rapporter le massacre). Cela n’a pas arrêté les comités de résistance de quartier, qui ont organisé une marche pour rejeter le régime militaire. Plus de sept millions de Soudanais.es, femmes et hommes, sont descendu.e.s dans les rues des camps de déplacé.e.s, des villes et des villages le 30 juin 2019, pour réclamer un régime civil. Grâce à la marche du 30 juin et au soutien populaire international à la révolution soudanaise, les militaires ont reculé par rapport aux positions qu’ils avaient précédemment annoncées sur la tenue d’élections et le rejet des négociations.

Néanmoins, l’armée a continué à bénéficier d’un soutien international généreux. Les gouvernements émirati et saoudien ont annoncé des subventions et des prêts pour soutenir le Conseil militaire. De même, l’Union africaine a envoyé ses propres médiateurs pour appeler au dialogue entre les dirigeant.e.s de l’opposition et le Conseil militaire, qui avait dirigé le massacre. La coordination interétatique des investissements et des intérêts a émergé grâce aux réunions dites des “Amis du Soudan”, qui ont débuté à Washington en mai 2019. Les participants comprenaient les États-Unis, l’Allemagne, l’UE, le Qatar, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Éthiopie [7]. Ce groupe a soutenu une approche de partage du pouvoir entre les dirigeant.e.s civils et le Conseil militaire. Leur objectif était d’assurer un régime qui préserve leurs investissements en cours et de profiter du moment du changement pour ouvrir des opportunités d’investissement qui avaient été précédemment fermées soit en raison de l’embargo économique américain sur le Soudan, soit en raison de l’échec d’Al-Bashir à s’engager dans une libéralisation totale. En substance, la position de ces États à l’égard du Soudan n’était pas différente de celle qu’ils avaient à l’égard d’autres mouvements de changement dans la région, que ce soit en Égypte, en Tunisie, en Algérie ou ailleurs.

La pression extérieure officielle a donc été exercée pour renforcer les approches politiques et économiques contre lesquelles les Soudanais.es s’étaient révolté.e.s. Mais en l’absence d’un parti révolutionnaire, le discours directeur dans la rue s’est réduit à justifier un partenariat avec les militaires pour épargner le sang et mettre fin à la violence. De même, l’accès du public aux détails des négociations et des accords se limitait à des fuites occasionnelles, au lieu de déclarations publiques officielles, et les dirigeants politiques (le FFC) rencontraient les ambassadeurs, délégué.e.s et médiateur.trices étranger.e.s plus qu’ils et elles ne s’adressaient au public. L’absence d’une direction révolutionnaire a donc eu pour conséquence de gâcher le fruit de la résilience des révolutionnaires face au Conseil militaire, et leur défi à l’oppression post-massacre. Des appels à la formation d’un gouvernement technocratique qualifié ont circulé, mettant de côté les partis politiques traîtres. Des acteurs opportunistes parmi les partis composant le FFC ont promu de tels discours pour faire obstacle à l’analyse de leurs positions compromises ou des intérêts de leurs alliés internationaux.

Sans surprise, (...) le gouvernement actuel est donc l'expression des contre-révolutions tant économiques que politiques.

Sans surprise, ce climat a produit le gouvernement actuel, qui est un partenariat militaire et civil parrainé par les EAU et l’Arabie saoudite, financé par la communauté internationale et composé d’anciens employés d’organisations de développement. Ce gouvernement est donc l’expression des contre-révolutions tant économiques que politiques. Dans l’un de ses premiers discours publics, le premier ministre des Finances de la transition a mentionné que l’objectif économique de la révolution soudanaise était de sortir le Soudan de la crise de la dette [8], ce qui représente un changement et une distorsion complets des objectifs de la révolution, qui étaient de fournir une justice économique à la majorité appauvrie des Soudanais.es et d’annuler les mesures d’austérité. Le remboursement de la dette est ainsi devenu la principale justification des plans visant à augmenter les subventions, à laisser flotter la monnaie et à introduire des investissements étrangers, d’une manière qui ne diffère pas des politiques menées par Al-Bashir au cours des dernières années. La seule différence entre le premier et le second est le soutien international accordé au gouvernement actuel. Le gouvernement de transition a affirmé que le retour sur le marché international et le bien-être matériel imaginé que cela apporterait dépendaient de ces décisions.

Une partie de ce développement contre-révolutionnaire est la normalisation du gouvernement de transition avec l’occupation sioniste, sous la pression des Etats-Unis et d’Emirati, qui a semé la confusion dans l’opinion publique soudanaise. Cette confusion découle de l’utilisation par le gouvernement Al-Bashir de la cause palestinienne pour mobiliser les masses autour d’un discours djihadiste, et du fait que la gauche soudanaise n’a pas réussi à articuler progressivement sa position sur la cause palestinienne, considérant qu’il s’agissait d’une question concernant uniquement les islamistes. Bien que le SCP ait rejeté la normalisation, il n’a pas eu tendance à promouvoir la cause palestinienne. Par exemple, sa déclaration condamnant la rencontre entre le lieutenant-général Abdel Fattah al-Burhan, président du Conseil de transition, et Benjamin Netanyahu, premier ministre de l’État israélien occupant, en février 2020, a choisi de se concentrer sur l’autorité d’al-Burhan, l’illégalité de la rencontre et sa violation de la constitution, plutôt que de présenter une perspective révolutionnaire sur la cause palestinienne.

Si le SCP tente d'offrir un discours qui rejette la libéralisation, il est incapable d'influencer les masses.

Les implications de l’absence d’un parti révolutionnaire sont encore une fois claires ici : cela a produit un vide en ce qui concerne le discours progressiste sur les questions politiques internes et externes. Elle a également permis au gouvernement de transition de présenter les subventions au développement et les exemptions de dettes comme des victoires économiques révolutionnaires - malgré l’impact de leurs conditions néolibérales écrasantes sur la vie de la plupart des Soudanais.es. Si le SCP tente d’offrir un discours qui rejette la libéralisation, il est incapable d’influencer les masses. Ces dernières ont perdu confiance dans le parti en raison de ses positions fluctuantes et de son insistance à s’allier avec des partis réactionnaires, dont le SCP critique simultanément les positions dans ses déclarations. Dans l’imaginaire public, ce type de stratégie a fait du parti un perturbateur qui parle beaucoup et résout peu, et qui manque de sérieux. Entre-temps, par le biais de leurs comités de coordination et de différentes alliances, les comités de résistance des quartiers ont publié des déclarations et des points de vue contre la libéralisation, mais ils manquent d’expérience politique et ont donné la priorité à la préservation du gouvernement de transition. Des slogans tels que “Oui à la réforme de la voie révolutionnaire, non au renversement du gouvernement civil” ont été exprimés par les comités de résistance, qui cherchent à s’assurer que les militaires ne cherchent pas à surfer sur la vague de protestation - comme cela s’est produit dans le scénario égyptien. Néanmoins, en raison de ses décisions contre-révolutionnaires dans le domaine économique et dans d’autres domaines, le soutien au gouvernement civil n’a cessé de diminuer.

Telle est donc la situation actuelle du gouvernement de transition. Les ancien.ne.s employé.e.s des institutions internationales et les dirigeant.e.s de l’élite politique, issus de l’ensemble du spectre civil et armé, sous la direction du Conseil militaire, ont mis en œuvre des intérêts d’investissement et des transferts de ressources qui profitent au capital du Golfe et au capital mondial. Comme son prédécesseur, les priorités du gouvernement de transition sont orientées vers les investisseurs capitalistes soudanais et étrangers et il a renoncé à protéger la classe ouvrière soudanaise et la majorité appauvrie du peuple soudanais. La réalisation des objectifs de justice économique pour lesquels la révolution soudanaise s’est battue est donc clairement impossible à travers ce gouvernement de transition, car il représente des tendances contre-révolutionnaires. Ou, comme l’ont dit les masses soudanaises,

“il n’est pas encore tombé !”.

Les voies possibles pour la révolution soudanaise

La révolution doit se poursuivre afin de mettre un terme à la violence économique exercée contre les masses soudanaises appauvries. Pour cela, il faut tirer les leçons de la révolution soudanaise, tant de ses succès que de ses limites et de ses échecs. Un exemple des premiers est la pression publique que les comités de résistance ont exercée sur les institutions pour stopper la première loi budgétaire proposée par le gouvernement de transition, qui prévoyait de lever entièrement les subventions aux carburants. Après l’annonce de la loi en décembre 2019, les comités ont fait pression pour suspendre sa mise en œuvre, et ils ont appelé à une conférence économique pour discuter des politiques et des priorités économiques, qui a eu lieu en septembre 2020. Simultanément, ils ont également créé un réseau comprenant des travailleur.euse.s des ministères et des institutions gouvernementales, des économistes et des comités de résistance de quartier, dans le cadre de leur insistance sur une version plus démocratique de la prise de décision économique.

Les marches et campagnes consécutives réclamant justice pour les martyrs massacrés lors de la répression des sit-in indiquent également que les révolutionnaires soudanais ont tiré quelques leçons concernant les relations de pouvoir au Soudan. Certain.e.s acteur.e.s ont cherché à faire en sorte que le gouvernement de transition ne criminalise pas les dirigeants du Conseil militaire, afin de maintenir un environnement stable qui encourage les investissements. Les campagnes et les marches pour la justice sont des tentatives de faire pencher la balance en faveur des objectifs révolutionnaires.

Depuis août 2019, il y a des tentatives (de plus en plus sérieuses) de former des alliances organisées entre différents groupes de comités de résistance de quartier, d’organisations syndicales et de factions pour poursuivre les revendications contre les politiques économiques transitoires néfastes. Ces alliances ne se seraient pas développées sans les leçons tirées de l’histoire récente des décisions des dirigeant.e.s politiques élitistes et de leurs prédispositions. Parallèlement à l’organisation interne de la résistance, ces alliances constituent la voie la plus claire vers la création d’un front de principe contre les politiques contre-révolutionnaires. Cela pourrait conduire à la création d’un parti révolutionnaire ou d’une organisation qui joue partiellement ce rôle.

Le renversement des alliances contre-révolutionnaires mondiales transfrontalières ne peut être réalisé que par une résistance mondiale transfrontalière.

Toutefois, un tel scénario de bon augure, qui prévoit une révolution soudanaise durable jusqu’à ce que ses objectifs soient atteints, ne doit pas faire oublier les dangers qui sous-tendent les alliances mondiales contre-révolutionnaires. Le renversement des alliances contre-révolutionnaires mondiales transfrontalières ne peut être réalisé que par une résistance mondiale transfrontalière. Cela nécessite de consolider la solidarité mondiale et les canaux de communication avec les communautés qui ont été lésées par des politiques de libéralisation similaires à celles actuellement appliquées au Soudan. Cela nécessite également de soutenir toutes les formes de résistance aux régimes autocratiques, en particulier ceux qui s’engagent dans des interventions économiques directes au Soudan, avec des capitaux investis dans ses ressources, au premier rang desquels les pays du Golfe - qui sont responsables de la part du lion des interventions contre-révolutionnaires. Au fond, la solidarité transfrontalière n’est pas différente des campagnes de solidarité “nationales” : de la même manière que les populations affectées par l’extraction de l’or au Soudan font alliance avec celles affectées par les forages pétroliers dans le pays, alliées autour de leur demande commune de protéger leur environnement des effets des industries extractives, il est à la fois possible et impératif d’unir ses forces avec les intérêts communs des mineurs au Maroc, par exemple, qui exigent des conditions de travail sûres, et avec les activistes environnementaux qui luttent contre les impacts de l’exploitation minière en Afrique du Sud. Il est également possible et impératif de renforcer les liens et les actions communes entre les différents fronts anti-libéralisation de la région, y compris les manifestant.e.s au Liban et en Tunisie. Dans ce cadre, nous devons rejeter les politiques coloniales qui excluent les communautés indigènes, un défi que les Soudanais.es, dont les terres ont été accaparées au profit des pays du Golfe et des investissements israéliens, partagent avec les manifestant.e.s malien.ne.s qui luttent contre les interventions coloniales françaises, et avec les Palestinien.ne.s qui luttent contre l’occupation israélienne et ses laquais au sein de l’Autorité palestinienne, et d’autres gouvernements normalisateurs. Ce ne sont là que quelques exemples d’intérêts communs entre les peuples : ils font partie d’un programme de libération régional et mondial. La poursuite de ce programme exige une analyse économique qui englobe les intérêts de tous les organismes influents de la région.

La réalisation des objectifs de la révolution soudanaise passe donc par une classe ouvrière soudanaise organisée, qui a le plus grand intérêt à atteindre les objectifs de la révolution. Il faut également former une alliance stratégique avec tou.te.s ceux et celles qui sont engagé.e.s dans la résistance anti-impérialiste et qui partagent les mêmes objectifs, à l’intérieur des frontières du Soudan et au-delà. Ce n’est qu’à cette condition qu’il pourra “tomber”.

P.S.

Traduction adaptée du texte anglais : https://longreads.tni.org/why-it-hasnt-fallen-yet-lessons-from-the-sudanese-revolution

Autrice : Muzan Alneel https://twitter.com/MuzanAlneel

Traductions de l’appel à la manifestation
Die Soudanais und Soudanaises in der Schweiz organisieren eine Demonstration auf dem Place des Nations in Genf (vor der Chaise), um den odäischen Militärputsch in Sudan und die massiven Menschenrechtsverletzungen durch die Armee und die Milizen der Schnellen Kräfte gegen die Zivilbevölkerung anzuprangern führte zum Sturz von Märtyrern und Verwundeten.
Auch zahlreiche Militante und Politiker wurden festgenommen.

Kommt viele und viele

Samstag, 30. Oktober 2021
Von 13:00 bis 17:00
🔺👇🏾
The Sudanese community in Switzerland is organizing a public manifestation in protest of the military coup d’état in Sudan. We condemn this attempt to thwart the Sudanese peoples revolution. We reject the serious violations of human rights that are being committed against civilians by the national army and the Rapid Support Forces. The attacks by the security forces caused the death and injury of tens of civilians and led to the arrest of scores of politicians and prodemocracg activists.

The demonstration will be held at the Place des Nations in Geneva (Broken Chair)

Saturday, 30 October 2021 from 13:00 to 17:00 hours

*Glory to the martyrs of the revolution*
*Quick recovery to the injured and freedom to the detainees.*


إعلان هام

ينظم السودانيين في سويسرا بكافة مسمياتهم لوقفة احتجاجية امام الكرسي بساحة الأمم المتحدة بجنيف للتنديد بالانقلاب العسكري الاثم واجهاض ثورة الشعب ، ورفض الانتهاكات الجسيمة لحقوق الإنسان من أفراد الجيش وقوات الدعم السريع في مواجهة المدنيين العزل مما اسفر عن سقوط شهداء وعشرات المصابين والمعتقلين . .
كم تم اعتقال عدد كبير من الناشطين والسياسيين

وذلك يوم السبت الموافق 30/ Oct/ 2021

الساعة 13h00 _ 17h00
المجد والخلود لشهداء الثورة السودانية وعاجل الشفاء للجرحي والحرية للمعتقلين

# الحصة وطن
#الردة_مستحيلة

الإعلام الموحد

Agenda

Manifestation pour dénoncer le coup d’Etat militaire au Soudan

 samedi 30 octobre 2021  13h00 - 17h00
 samedi 30 octobre 2021
13h00 - 17h00
 Place des Nations,

 

Place des Nations 1
1202 Genève

Notes

[1Le régime au pouvoir a créé le NCP en 1998. Ses membres étaient issus du Front national islamique (FNI), qui a dirigé le gouvernement du Soudan du 30 juin 1989 jusqu’à la destitution du président al-Bashir le 11 avril 2019.

[2La guerre civile au Sud-Soudan a opposé le Nord au pouvoir aux Soudanais.es du Sud. Sous la bannière du SPLM, les sudistes réclamaient une plus grande gouvernance locale. Le premier round de la guerre a commencé en 1955 et a duré jusqu’en 1972. La guerre a éclaté à nouveau en 1983 et s’est terminée en 2005, avec la signature de l’accord de paix global (Naivasha).

[3La guerre au Darfour a commencé en 2003. Des mouvements insurgés qui s’étaient soulevés contre la persécution et la marginalisation de la population de la région ont combattu le gouvernement de Khartoum. Le gouvernement a armé certaines tribus darfouriennes pour combattre à sa place, appelées plus tard les milices Janjaweed. Les Nations unies ont estimé que 80’000 à 500’000 personnes ont été assassinées lors du génocide du Darfour, tandis que le président Omar al-Bashir a déclaré que le nombre de morts ne dépassait pas 10’000.

[4Le terme effendi était utilisé dans tout l’Empire ottoman pour désigner les fonctionnaires du gouvernement. Au Soudan, le terme effendi désigne les personnes instruites qui ont été employées par l’État après la fin de la colonisation anglo-égyptienne. Ces groupes bénéficiaient de privilèges et d’opportunités, et constituaient la majeure partie de la classe moyenne supérieure au Soudan. Ils étaient bien représentés politiquement et bénéficiaient du favoritisme des régimes successifs.

[5Les partis d’opposition qui ont signé la Déclaration de la liberté et du changement après sa publication étaient le SPA, les Forces du consensus national, les Forces de l’appel du Soudan et l’Assemblée unioniste de l’opposition.

[6À ce stade de la révolution soudanaise (avril-mai 2019), “briser la ligne” est devenu un péché capital. Les organisations de base étaient donc incapables de proposer des idées qui contredisaient la direction du hirak, qui, pour le public, était la SPA. Par conséquent, les partisans de la grève ont utilisé leurs déclarations pour annoncer qu’ils étaient prêts à faire la grève, dès que la “direction” l’appelait, et ont exhorté le SPA à lancer un tel appel.

[7Malgré son implication claire et constante dans la politique contre-révolutionnaire au Soudan - y compris la visite d’al-Burhan en Egypte juste avant le massacre - et sa participation occasionnelle aux réunions des Amis du Soudan, l’Egypte n’est pas un membre officiel de ce groupe. Cela peut être considéré à travers le prisme complexe du conflit égypto-éthiopien sur le leadership régional, et du souhait de l’Égypte d’agir comme le premier bras émirati dans la région.

[8Dr Ibrahim al-Badawi, ministre des Finances et de la Planification financière, lors d’une réunion de promotion d’une vision commune du secteur privé et du gouvernement de transition, organisée par la Fédération soudanaise des hommes d’affaires et des employeurs, qui s’est tenue au Sadaqa Hall le 7 décembre 2019.

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