Luttes indépendantistes - impérialisme

Une lutte pour la vie

La situation est critique pour la planète, mais aussi pour ceux qui la défendent. Les premiers grands écolos et révolutionnaires d’aujourd’hui sont les peuples qui résistent un peu partout contre l’extraction minière ou les projets d’utilisation des ressources naturelles, à commencer par la base : l’eau, par exemple. [1] Ces peuples résistent pour répondre à un intérêt on ne peut plus basique : se maintenir en vie. Ils sont ainsi aux premières lignes pour se confronter au « Grand Capital » et à l’éventail des techniques de répression que ce dernier a su inventer au cours de son histoire.
Cela ne date bien sûr pas d’hier, mais tant que cela dure, on ne l’écrira jamais assez : le Capitalisme se fiche bien si ses bénéfices ont pour conséquence la mort et la destruction de la nature, de l’humanité tout entière ou pour le moment « seulement » de certains groupes d’humains (pauvres et racialisés de préférence). Rien que pour cette raison, ce système n’est plus viable. Ces peuples en survie l’ont bien compris et sont le fer de lance de la résistance anticapitaliste pour la vie. Ils luttent pour l’autonomie de leur territoire, et ils se confrontent donc directement aux intérêts des grandes multinationales à caractère impérialiste et néocolonialiste pour ne pas dire fasciste. [2] Même si cette situation est évidemment mondialisée, la situation dans les Amériques, particulièrement riches en ressources naturelles, en est une bonne illustration. Et le Mexique, est un exemple encore plus frappant de ces contradictions. Historiquement terre de résistance, entre les projets des multinationales (« Mégaprojets » comme on les appelle) et les communautés indigènes, nous assistons à de véritables bras de fer.

Mexique |

Les peuples indigènes d’Amérique se soulèvent contre le « Grand Capital », analyse de la situation mexicaine

Si cela semble être de plus en plus le propre des peuples autochtones que d’assumer ce rôle de résistance, ce n’est de loin pas circonscrit au Mexique. On a pu voir ces dernières semaines les peuples autochtones du Canada s’unir et se soulever contre le nouveau projet de pipeline de l’entreprise « Transcanada », par exemple. Malgré l’invisibilité médiatique globale, le blocage fut intense puisque les marchandises et les traversées d’Est en Ouest (et inversement) furent bloquées. Et puis, évidemment il faut rappeler les récents et massifs mouvements sociaux au Chili, en Équateur, en Colombie. Un article récemment publié déplore que l’on est déjà à 44 leadeurs sociaux assassinés depuis le début de l’année 2020. ou au Brésil où dans chacun des cas, selon les particularités nationales, les peuples autochtones jouent un rôle de résistance (pour ne pas dire le principal rôle, en ce qui concerne l’Équateur et le Brésil). Même si l’œil du cyclone (tinté de racisme) des médias dominants préfère jeter son dévolu sur le « Coronavirus », n’oublions pas que ces luttes sont en activité et subissent toujours une répression terrifiante. [3]

Au Mexique, la situation est complexe et éparpillée, ne serait-ce que par la quantité des fronts à mener en même temps. Pour tout observateur extérieur ou militant local, surgit le sentiment de ne plus savoir où donner de la tête tellement les attaques sont nombreuses, généralisées et que les ennemis se démultiplient. Par ici le narcotrafic, par là les militaires officiels (et la nouvelle "Garde Nationale" on y reviendra) qui répriment en toute « légitimité », par là-bas des paramilitaires qui se démultiplient, etc. La complexité de la répression désoriente et c’est à coup sûr le but recherché. Pourtant tout est lié, lié à une politique néolibérale, et nous tenterons ici de faire un peu de lumière sur ce panorama nébuleux.

Le dangereux caractère réactionnaire d’AMLO/MORENA

Le parti MORENA Mouvement de régénération nationale ») au pouvoir depuis un peu plus d’un an aujourd’hui est le gouvernement le plus populaire depuis bien longtemps au Mexique. Ce pays était connu pour subir depuis plus d’un demi-siècle une « dictature oligarchique », notamment à travers le corrompu PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), issu de la Révolution du début du siècle passé. C’est pourquoi au moment de sa candidature, ce « nouveau » parti de « gauche » (fondé il y a un peu moins d’une dizaine d’années), avait nourri bon nombre d’illusions pour le peuple mexicain. Ce parti a pu surfer allègrement sur la vague du « changement ». C’est pour ça qu’il se présente comme la « 4T », à la suite de l’Indépendance (1810), la Réforme et la Constitution (1857-1861), puis la Révolution mexicaine (1910). Il s’autoproclame donc représentant d’une « 4e transformation » historique du pays (2019).
AMLO (Andrès Manuel Lopèz Obrador) Président et représentant du parti MORENA s’est présenté, lors des élections précédentes, comme une véritable alternative à la gauche, « anti-corruption », son discours était si bien ficelé et particulièrement progressiste [4] que son score a été l’un des plus unanimes dans l’histoire des élections mexicaines avec plus de 53% des voix, soit plus de 30 millions de mexicains qui ont voté pour lui (sans avoir eu besoin, semble-t-il, de truquer les scores). [5]

L’espoir fait vivre, et cet intelligent orateur (avec tout son parti) a su en berner plus d’un. Évidemment, la première conséquence regrettable est la division à la gauche que son élection a entrainé. En fonction du degré d’illusion qu’AMLO parvient encore à entretenir, cette division qui se creuse chaque jour un peu plus, est réelle et belle et bien inquiétante, puisque tous ceux qui le critiquent sont catégorisés de réactionnaires de droite (et il y en a évidemment pour lui donner raison). Pourtant, à qui veut bien le voir, son double discours et ses propres contradictions ne se sont pas fait attendre. [6]

La répression des mouvements sociaux

Après un an de législature, l’addition est salée. On pouvait lire il y a quelques jours la lettre d’Amnesty international au Président AMLO pour lui demander audience, afin de lui faire part de son inquiétude quant à la « crise des droits humains » que traverse le pays. On pouvait notamment y lire : « Au lieu de fuir ses responsabilités et d’attaquer les personnes et les organisations qui mettent en lumière la crise à laquelle est confronté le Mexique, nous appelons le Président à se rapprocher de la société civile afin de trouver des solutions à cette grave situation et à faire des droits humains l’axe central du reste de son mandat présidentiel. » Pour qui veut bien ouvrir les yeux, la répression sociale est donc bien présente. Analysons ensemble de plus près certains faits allant dans ce sens.

La création de la garde nationale

La création de la GN (Garde Nationale), ce nouveau corps armé hybride (entre la police fédérale et les militaires) a fait couler beaucoup d’encre. Et pour cause, qui aurait pu penser que l’une des premières mesures (le 26 mars 2019) d’un gouvernement « de gauche » serait de créer un nouveau corps de répression. L’argument officiel était une volonté de « combattre le narcotrafic », sauf que son plus grand déploiement est dans le Chiapas, État à la frontière Sud avec le Guatemala. La GN sert donc dans les faits à contrôler et réprimer la migration centre et sud-américaine, comme Trump le souhaitait. [7] Il est d’ailleurs de notoriété publique que le Chiapas ne fait pas partie des États contrôlés par le narcotrafic.

La GN sert donc dans les faits à contrôler et réprimer la migration centre et sud-américaine, comme Trump le souhaitait.

En revanche, il y a bel et bien la présence d’une autorité autonome parallèle à l’État, celle des zapatistes. On y reviendra plus bas, il est de plus en plus clair que la stratégie d’AMLO consiste à mettre l’EZLN dans le même panier que le narcotrafic, et de faire passer ces indigènes soulevés en 1994 et luttant pour leur dignité et autonomie, pour une force « anti-démocratique », conservatrice, pratiquement de droite. Dans ce sens, on ne peut s’empêcher de penser qu’il prépare l’opinion publique à une future répression. [8]

Le combat des femmes

Comme l’Histoire le prouve, les premiers à payer l’addition sont les plus pauvres, et plus pauvre qu’un pauvre, c’est une femme pauvre. Et au Mexique, on peux rajouter indigène, comme dirait la Comandanta zapatiste Esther. À quelques jours de la grève générale des femmes appelée dans tout le Mexique, les 8 et 9 mars (le 8 étant un dimanche, pour des raisons évidentes la grève a été convoquée pour le 9), il est bon de se souvenir de la répression qu’ont subi les groupements féministes un peu partout dans le pays l’année passée, particulièrement dans la capitale.

Comme l’Histoire le prouve, les premiers à payer l’addition sont les plus pauvres, et plus pauvre qu’un pauvre, c’est une femme pauvre.

Les mouvements de femmes prennent de la puissance dans le monde entier, mais ici, le mouvement est particulier, probablement motivé par les féminicides dont les chiffres ne baissent pas, bien au contraire. Même la UNAM, la grande université publique de la ville de Mexico, a été bloquée plusieurs semaines. En novembre dernier, les manifestations étaient intenses et la répression aussi bien physique que médiatique (l’attention et les débats n’étaient portés qu’aux dégâts matériels que les féministes avaient causés) a été toute aussi intense.
La dernière en date des attaques contre les mouvements féministes est la déclaration d’AMLO tentant de diviser le mouvement de grève. Quelques jours après une déclaration où le Président se déclarait presque plus féministe que les féministes, (dans ses fameux « 10 points contre les féminicides », le jour de la Saint Valentin) il n’a pas hésité à annoncer que la grève était une attaque de la droite contre son gouvernement. [9] Et puis comme si ça ne suffisait pas il s’autoproclame « non-machiste », [10] puisqu’il est « de gauche » et ne fait pas partie des conservateurs qui « eux sont de vrais machistes ».

La répression des parents des 43

Pour ceux qui avaient encore des doutes, le dimanche 16 février passé, il y a eu une brutale répression contre les parents des 43 étudiants de l’École Normale Rurale d’Ayotzinapa disparus en septembre 2014. S’il y avait une seule affaire qui était devenue ultra populaire (on se souviendra des manifestations massives pour réclamer la justice et la vérité) et qui illustrait on ne peut mieux à quel point l’État mexicain était corrompu, c’était bien celle-ci : voir à ce sujet les deux « grands » documentaires produits par Netfix l’année passée, pour les cinq ans de la disparition des étudiants, qui sont un point de départ pour comprendre cet événement.
Le Président avait commencé à reprendre le « dossier des 43 » en leur « donnant l’avion », [11] comme on dit ici, mais sans rien n’entreprendre de très concret pour relancer l’enquête bâclée (pour ne pas dire plus) par le gouvernement d’Enrique Peña Nieto. Enquête qui n’a jamais satisfait ni les scientifiques (qui ont montrés les faiblesses de la version étatique), ni les parents des victimes. L’évidente manipulation de l’enquête n’a rien fait d’autre que de protéger tous les coupables (étatiques et militaires) et responsables de la disparition forcée des 43 jeunes étudiants.
Puis, en novembre 2019, AMLO s’est aventuré à déclarer que ce n’était pas un « crime d’État », se rapprochant dangereusement des discours de ses prédécesseurs du PRI. [12]

la police [...] a été envoyée contre les familles qui manifestaient une fois de plus pour « la vérité » sur les disparus

Mais c’est dernièrement, à la mi-février 2020 surtout, que sa politique de faux semblants a éclaté au grand jour puisque la police chiapanèque (de l’État du Chiapas) a été envoyée contre les familles qui manifestaient une fois de plus pour « la vérité » sur les disparus. Bien qu’AMLO ait par la suite « condamné officiellement cette répression », cela s’est tout de même soldé par 6 blessés graves, dont deux mères des 43. [13] Quelques jours plus tard, ces derniers étaient reçus, en soutien à leur combat, par les zapatistes, à San Cristobal de Las Casas. Il est permis de douter qu’il s’agit là d’une simple coïncidence.

Samir Flores et les journées de mobilisation des 20, 21 et 22 février

En février 2019, Samir Flores Soberanes, activiste environnemental fut assassiné alors qu’il luttait dans l’État de Morelos, avec sa communauté d’Amilcingo, contre une grande centrale thermoélectrique plus connue sous le nom de PIM (Projet intégral Morelos, mégaprojet qui consiste entre autres à rajouter à la centrale, un gazoduc et aqueduc).
Une mobilisation internationale (suivie un peu partout sur le continent et jusqu’en Europe) fut organisée les 20, 21 et 22 février derniers, un an après l’assassinat du défenseur, intitulée « Nous sommes toutes et tous Samir ». Cette campagne de mobilisation fut impulsée par le CNI, Congrès National Indigène (dont Samir faisait parti), et l’EZLN Armée Zapatiste de Libération Nationale », ou mouvement zapatiste) en décembre passé, durant leur « Assemblée pour la défense du territoire et de la Terre mère ».

Samir Flores est devenu un symbole important de la lutte, car il est le premier militant social assassiné sous le gouvernement MORENA

Le but était bien sûr d’exiger une fois encore la justice et une véritable enquête pour identifier les coupables et responsables de l’assassinat (l’impunité étant la porte ouverte, comme on le sait, à une escalade de violences), [14] de rendre visible les luttes pour la défense du territoire et de la Terre mère qui ont lieu un peu partout et sont trop souvent tues médiatiquement, mais aussi de lutter contre l’oubli des résistants assassinés (on parle d’amnésie collective…). Enfin, il s’agissait aussi symboliquement de ne pas permettre aux assassins de Samir de « gagner » en acceptant de céder à la peur, et de faire entendre la voix de ceux qui osent dire ce qui est. [15]

En un an, Samir Flores est devenu un symbole important de la lutte (on en voudra pour preuve le buste placé sur la place « des Beaux-Arts » à la ville de Mexico durant la mobilisation), car il est le premier militant social assassiné sous le gouvernement MORENA, mais il représente aussi tous les autres, avant lui, qui font partie d’une « blessure collective » pour l’histoire du peuple mexicain. Le sociologue et militant R. Romero a rappelé à juste titre qu’une dizaine de jours avant l’assassinat de Samir Flores, le futur Président AMLO avait rétorqué aux militants anti PIM « pour moi vous n’êtes rien que des conservateurs » lors d’une conférence de presse organisée par le gouvernement et pendant laquelle avait été pointé du doigt les investissements étrangers nécessaires au mégaprojet. Dans ce même article de R. Romero est dévoilée une des stratégies discursives d’AMLO qui consiste à invisibiliser les logiques d’exploitation : « Dans le discours d’AMLO, les exploitants et détenteurs du capital, auparavant parties prenantes de la mafia au pouvoir, sont dorénavant protégés par la popularité du Président. » Face à une telle politique nous dit l’auteur : redoubler de vigilance et surtout d’imagination pour les militants de gauche, dont le cap n’est pas facile à tenir.

Les morts du CNI et des défenseurs de la « Terre mère »

Samir n’est malheureusement que la « première » victime d’une longue série, dont on peut légitimement craindre qu’elle se prolonge. [16] Depuis un an, le CNI est en ligne de mire de la répression. Et si dans certains cas, la responsabilité d’AMLO peut être édulcorée derrière les groupements paramilitaires (qui œuvrent bizarrement dans son sens), certains faits nous démontrent que l’État n’est pas en reste en ce qui concerne la répression des cadres du CNI, on peut citer un exemple parmi d’autres : les quatre récentes arrestations des membres du CNI qui ont eu lieu le lendemain de leur participation à la manifestation dans la capitale, en mémoire de Samir Flores, le dimanche 23 février. Et en parallèle, la même chose au Chiapas : d’autres délégués du CNI incarcérés, tabassés et menacés, par l’État et les paramilitaires dont les rôles se confondent toujours.
Le CNI au Mexique pourrait être vu comme un équivalent moderne des soviets russes du début du siècle passé. Ce rassemblement en Congrès de peuples organisés (à des degrés différents d’échelle et d’autonomie) à travers tout le Mexique, représente un contre-pouvoir organisé et grandissant face à l’État moderne et au gouvernement officiel. La plupart de ses membres sont très engagés contre les projets extractivistes à l’œuvre dans tout le pays.

Il est vrai que la résistance des peuples indigènes du Mexique donne une forte leçon de respect de la digne souveraineté des peuples.

Le CNI mériterait un article à lui tout seul, mais pour comprendre son important rôle et à la fois sous-estimé, il faut prendre en compte que plus de 20% de la population mexicaine est considérée comme indigène (soit une population de plus de 25 millions d’âmes), mais que la culture raciste et néocolonialiste du Mexique leur nie toujours un certain nombre de droits. Historiquement, ces peuples gardent une tradition d’auto-organisation forte, notamment à travers leurs « us et coutumes » qui sont comme des lois locales, qu’ils appliquent en assemblée populaire. Cette culture indigène, avec le temps, s’est confondue avec la culture mexicaine générale puisque beaucoup de quartiers bénéficient d’une assemblée populaire. [17]
Il est vrai que la résistance des peuples indigènes du Mexique (mais pas seulement) donne une forte leçon de respect de la digne souveraineté des peuples. Notamment face à l’idéologie « néocolonialiste », ou impérialiste, dans laquel la culture globale capitaliste baigne profondément, puisque sous couvert de « développement » les gouvernements se permettent d’imposer brutalement ce qui leur convient aux « pauvres arriérés ruraux conservateurs » qu’il faut éduquer au « progrès ».

Le discours anti-zapatiste

La place des Zapatistes, au Chiapas donne l’impression d’une épine dans le pied du gouvernement supposée de « gauche » d’AMLO (comme des gouvernements précédents). Son discours anti-zapatiste, comme nous l’avons vu plus haut, est sans cesse présent. Évidemment, puisque les zapatistes font partie de ceux qui s’opposent à ses mégaprojets de « développement », ça n’est pas de son goût. Le Président a même été jusqu’à traiter les zapatistes de conservateurs de gauche. [18] C’est sans nul doute un révélateur de l’importance que ce mouvement autonome détient. Face à cela, on a pu voir, en décembre dernier, la force d’organisation et de mobilisation (locale, nationale et même internationale) des zapatistes dans leur fameux « combo pour la vie ». [19] Et malgré le contexte, ils n’ont pas hésité à donner une place centrale aux arts (avec les festivals de danse et de cinéma) qui occupent un véritable rôle dans leur résistance, voir pour la résistance mondiale. La deuxième “rencontre des femmes qui luttent” fut un des événements importants également de décembre 2019, on a pu y voir plusieurs courants du féminismes réunit dans un endroit enfin “safe”, puisque les territoires zapatistes peuvent se venter d’être les seuls endroits du Mexique (voir du monde) où il y a ZÉRO féminicides.
Si les zapatistes ne sont qu’une des multiples composantes du CNI, il est clair que le poids historique dont bénéficie ce mouvement, en fait un des moteurs principaux du regroupement. Et la lutte contre les mégaprojets, est sans cesse alimentée par l’autonomie grandissante de l’EZLN dans le Chiapas. Rappelons que y’a six mois, ils déclaraient l’ouverture de 11 nouveaux centres autonomes. Eux-mêmes en sont très conscient, une grande urgence : s’organier ! Et appeler à s’organiser partout. Ils ne font que de répéter dans chaque discours : organisez-vous ! Et vous quoi ?

Renverser l’opinion publique est clairement une stratégie pour préparer une future répression.

C’est peut-être pour encourager cela que les femmes zapatistes viennent d’annoncer qu’elles allaient aussi s’unir à la grève nationale le lundi 9 mars.
Il est limpide que ça dérange le gouvernement. Cependant, plus subtile (et dangereux) que ces prédécesseurs AMLO adopte une autre attitude. Renverser l’opinion publique [20] est clairement une stratégie pour préparer une future répression (que la répression soit d’AMLO directement ou d’un futur gouvernement cela ne change pas grand chose).

En conclusion : la lutte continue

Malgré son discours de gauche le nouveau gouvernement mexicain continue la répression contre tous ceux qui le dérangent : les féministes, les membres du CNI, les zapatistes ou toutes formes de résistance populaire « en bas à gauche », pour emprunter une expression zapatiste. Dernière les beaux discours "progressistes" la situation est véritablement inquiétante et l’antagonisme est toujours le même : les riches capitalistes qui veulent toujours plus de bénéfices, et qui n’hésitent pas pour cela à diffuser la peur, contre les pauvres en résistance pour leur survie. Pour autant, la conscience de tout cela, et surtout le chemin de résistance est emprunté par bon nombre d’âmes qui préfèrent penser qu’il vaut mieux "mourrir debout que de vivre à genoux". Alors ensemble oeuvrons à cela : "Samir vive, la lucha sigue" ("Vive Samir, la lutte continue !")

Notes

[1On sait maintenant, pour ne citer qu’un exemple que des entreprises comme Coca Cola, viennent privatiser l’eau pour la revendre à ceux qui habitent ces terres depuis des centaines d’années (et sans parler de la pollution que cela implique et qui fait son lot de victimes également) : https://www.publicsenat.fr/article/societe/mexique-un-pays-colonise-par-coca-cola-75712 « Au Chiapas, la compagnie extrait chaque jour plus de 750 000 litres d’eau. » : https://www.lemondemoderne.media/mexique-coca-environnement/

[2Pour éviter toute mauvaise interprétation, on comprendra ici par « fasciste » un synonyme un peu plus fort d’autoritarisme « anti-démocratique ».

[3Sans parler du taux de mortalité de ces luttes, qui accumulées entre elles, est sans nul doute plus importante que ce nouveau virus.

[4Sans s’étaler dans la thématique, AMLO n’est est pas à sa première candidature, sa propre histoire « militante » (AMLO est passé par le parti des travailleurs) sort du schéma habituel des précédents Présidents, mais il est également passé par le PRI et le PRD (Parti de la Révolution Démocratique). Durant cette élection, ce dernier a en effet eu l’intelligence de s’être entouré des plus grands intellectuels mexicains « de gauche » pour le conseiller et le former (lui et ses cadres).

[5« Le candidat avec le plus de vote de l’histoire du Mexique » : https://www.forbes.com.mx/computo-final-amlo-se-lleva-30-11-millones-de-votos-53-19/

[6L’une des dernières contradictions en date est son apparition médiatique pour les 84 ans d’un syndicat institutionnel, entouré principalement d’anciens politiciens du PRI, alors que son discours ne cesse de vouloir se distancier et se présenter comme « différent » des autres : https://www.proceso.com.mx/619027/rodeado-de-priistas-amlo-conmemora-los-84-anos-de-la-ctm?fbclid=IwAR1-icmTtWShHLutuMN9wFYx2WEefiaiEHsCs5uJ8jZeUyW3rm4j4l7_T58

[7On se souviendra des menaces de Trump d’augmenter les taxes de 5% sur les marchandises mexicaines qui arriveraient aux États-Unis, si AMLO ne fermait pas la frontière Sud du pays pour empêcher le flux migratoire au Nord, puis de l’accord effectivement celé et cédé par AMLO immédiatement après, en juin 2019 :
https://blogs.mediapart.fr/bleneta/blog/140619/trump-et-amlo-la-force-sans-raison-ni-droit

[8On en voudra pour preuve ses différentes déclarations allant dans ce sens. Dans son premier discours de 2020, par exemple, AMLO insinua de manière subtile – derrière son discours pacifiste – que l’EZLN sont des conservateurs et que les « extrêmes se rejoignent » (à visionner de 27:15 min. à 35:00 min.) : https://www.youtube.com/watch?v=YgGYNh4g0gE&t=2773s

[9Il formule encore une fois cette opposition conservateurs/progressistes, allant même à se comparer à Allende. Et propose aux femmes de faire « bien attention » à ne pas se faire manipuler par les opportunistes de droite :
https://www.youtube.com/watch?v=704uXSEXy8g

[10Pour préciser sans rentrer dans le débat, la société étant tellement profondément machiste que c’est bien le comble pour un Président (et la preuve du peu de conscience qu’il a du phénomène), que de déclarer (entouré uniquement d’hommes blancs), qu’il n’est pas machiste parce que « de gauche ». Nous pouvons légitimement douter de l’un et de l’autre.

[11« Donner l’avion » est la traduction d’une expression mexicaine « dar el avion », qui n’a pas vraiment d’équivalence en français (à part peut-être « langue de bois »). Elle signifie donner/ou dire dans l’immédiat à une personne ce qu’elle attend pour la « calmer », sans pour autant aller jusqu’au bout par la suite. (Comme on pourrait donner à un enfant un jouet pour le distraire et qu’il se calme, s’il fait un caprice, par exemple.) C’est donc une expression pour révéler une technique hypocrite et infantilisante.

[12Le 24 novembre 2019, il dit qu’il s’engage encore une fois à découvrir la vérité, que si c’était un crime d’État ce serait « très difficile de savoir », mais ici ce n’est pas le cas, puisque lui-même, comme Chef de l’État, souhaite éviter toute injustice : https://www.youtube.com/watch?v=-lovlo-HJx8

[13Un autre article sur la répression où on peut lire que les policiers avaient parfaitement conscience de qui ils réprimaient puisqu’un d’eux aurait dit de façon proprement scandaleuse : « ¡Váyanse de Chiapas hijos de la chingada, acá no se perdieron sus hijos. Búsquenlos en otro lado ! » Soit : « Allez-vous en du Chiapas, fils de chien, ici vous n’avez pas perdu vos fils. Allez les chercher ailleurs ! » :
https://www.chiapasparalelo.com/noticias/chiapas/2020/02/vayanse-de-chiapas-hijos-de-la-chingada/

[14Rappelons aussi que quelques jours après les faits (20 février 2019) les preuves principales de balistique ont été « perdues » par le gouvernement, sans qu’il n’y ait non plus de coupable : https://www.youtube.com/watch?v=mOPjv31hdK4

[15Ici une vidéo de la chaine « RompevientoTV », sur YouTube qui fait un travail de contre-information sur la manifestation dans la ville de México durant les « journées Samir » :

Marchan para exigir justicia por el asesinato de Samir Flores

Il convient aussi de préciser ici que la « pression » est bien réelle et actuelle puisque la femme de Samir reçoit encore toujours des menaces, de mort, de torture ou de disparition (en augmentation avec les dernières journées de mobilisation) : « On va t’enlever les dents si tu ne baisse pas ce bordel. » : https://www.youtube.com/watch?v=rTwBErriDFc et https://www.eluniversal.com.mx/nacion/te-vamos-quitar-los-dientes-si-no-le-bajas-tu-desmadre-un-ano-de-la-muerte-de-samir-siguen

[16Le compañero nahua Samir Flores Soberanes, d’Amilcingo, Morelos ; Le compañero mephaa Julián Cortés Flores, de la Maison de justice de San Luis Acatlán, Guerrero ; Le compañero tzotzil Ignacio Pérez Girón de la municipalité d’Aldama, Chiapas ; Les compañeros nahua José Lucio Bartolo Faustino, Modesto Verales Sebastián, Bartolo Hilario Morales et Isaías Xanteco Ahuejote, organisés au sein du Conseil indigène et populaire, Guerrero – Emiliano Zapata (CIPOGEZ) ; Les compañeros nahua Juan Monroy et José Luis Rosales, d’Ayotitlán, Jalisco ; Le compañero nahua Feliciano Corona Cirino, de Santa María Ostula, Michoacán. « Tous les compañeros ont été assassinés parce qu’ils s’opposaient à la guerre par laquelle le gouvernement prétend s’accaparer de nos terres, de nos montagnes et de nos eaux, et renforcer la dépossession qui menace notre existence en tant que peuples originaires. » : http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2020/01/08/declaration-de-la-4e-assemblee-nationale-du-cni-cig/

[17Même s’il faut chaque jour nuancer un peu plus cette observation, puisque comme partout on assiste aussi à un individualisme grandissant.

[18Accompagnée de la fameuse et douteuse phrase des « extrêmes qui se rejoignent » : https://www.jornada.com.mx/ultimas/politica/2020/01/05/amlo-descalifica-a-opositores-a-tren-maya-6479.html et https://www.youtube.com/watch?v=YgGYNh4g0gE&t=2773s (voir à 31:30 min.)

[19Article intéressant, en français annonçant l’événement : https://www.revue-ballast.fr/nouvelles-zapatistes-notre-lutte-est-pour-la-vie-2/

[20Car les zapatistes ont longtemps bénéficié d’une popularité importante dans tout le pays, ce qui a tendance à changer au cours des dernières années pour un certain nombre de raisons, et AMLO en profite.

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