#Keskibrule ?
LE PATRIARCAT BLANC CAPITALISTE HETERO-CIS NORMÉ !!
Le 7 mars 2020, nous prenons la rue car nous en avons marre !
Marre de se faire décrédibiliser. Marre de devoir répondre à des injonctions paradoxales. Marre de se faire psychiatriser lorsque l’on se rebelle. Marre de l’inaction des autorités face à nos demandes de changement. Marre de ne pas pouvoir exprimer nos identités de genre. Marre de mourir en raison de ces même identités qui sont les nôtres. Marre de se faire expliquer la vie par des mecs cis -dyadiques . Marre de se faire couper la parole. Marre de ne pas pouvoir porter son foulard. Marre que le consentement ne soit pas un acquis.
Le 7 mars 2020, nous prenons la rue pour que le système qui nous oppresse et qui oppresse nos copain·e·x·s brûle.
#Keskibrule ? Le système cishétéropatriarcal, le harcèlement, les standards de beauté irréalistes, le validisme, le racisme systémique, l’antisémitisme, les violences policières, les violeurs, les violences gynécologiques, les blagues de merde, l’islamophobie ambiante, les politiques migratoires restrictives et racistes… Ceci est malheureusement une liste non-exhaustive.
Nous rêvons d’un autre monde pour nous, nos copain·e·x·s et toutes les personnes qui sont opprimées par un système qui exclut et tue. Nous sommes les grains de sables qui enrayent la machine, nous ne nous laisserons pas polir, nous ne nous tairons pas, nous sommes nombreux·se·x·s, nous sommes fort·e·x·s, nous sommes vènère·x·s.
Le 7 mars, à 19h, Place de la Navigation, nous prenons la rue, demain nous prendrons tout !
NOS REVENDICATIONS
Nous voulons vivre dans un monde où chacun·e·x serait libre d’exprimer son genre, son orientation sexuelle, ses goûts, sa religion, sans qu’iel ne soit exclu.e.x, violenté·e·x, emprisonné·e·x ou tué·e·x. Nous ne voulons plus vivre dans des cases réductrices et aliénantes. Nous voulons un monde sans frontières, sans police et où les entreprises scélérates et néo-coloniales, responsables de la dégradation écologique et sociale, seraient démantelées. Un monde où les extracteurs de matières premières, les faiseurs de misères, les gestionnaires, les capitalistes seraient anéantis. Nous ne voulons plus de l’agro-industrie polluante et mortifère, nous voulons une production alimentaire paysanne, solidaire et accessible à tou·te·x·s. Nous voulons un monde libre où une vie digne serait garantie pour tou·te·x·s, où la justice aurait un véritable sens et ne serait pas un cerbère au seul service de l’élite. Nous voulons des logements dignes à prix abordables et un accès aux soins médicaux de qualité pour tou·te·x·s. Nous exigeons l’arrêt des procédures inutiles pratiquées sur les enfants intersexes. Nous voulons des transitions facilitées, basées sur l’autodétermination et non le regard intrusif du corps médical et de l’État. Nous voulons reprendre le contrôle sur nos jouissances et utiliser nos corps comme bon nous semble, y compris pour gagner de l’argent avec si cela nous chante. Nous voulons nous réapproprier les arts, la littérature, le théâtre, la musique, la scène, l’humour et rire entre nous et non pas que l’on rit de nous. Nous voulons ramener la joie dans nos vies, le partage et l’amour révolutionnaire.
Le système raciste, cissexiste, classiste et validiste
Le système oppressif soutenu et maintenu par l’État et ses institutions s’articule autour de trois grands axes : la classe, le genre et la race. Les trois sont imbriqués et se nourrissent mutuellement. Si d’un côté on parle d’oppressions intersectionnelles, c’est à dire d’oppressions à la croisée de plusieurs de ces axes, on doit également parler de résistances intersectionnelles. Ainsi, un féminisme réellement révolutionnaire, pour être cohérent, doit considérer toutes les formes d’oppressions et lutter de manière globale contre celles-ci. Nous rejetons un féminisme qui ne s’adresserait qu’à une élite bénéficiant de privilèges (typiquement des femmes cis hétéras blanches issues des classes supérieure ou moyenne) mais revendiquons au contraire un FÉMINISME DE LA TOTALITÉ.
Ne tombons pas dans le piège institué par le système capitaliste blanc, cissexiste et raciste qui divise les luttes afin de maintenir l’ordre établi au profit de quelques un·e·x.s.
Si certaines personnes sont opprimées par ce système, cela signifie que d’autres en tirent des privilèges, notamment les personnes blanches, valides, cis et hétéras.
Le groupe qui organise la marche nocturne du 7 mars 2020 est en majorité composé de personnes blanches. Nous nous engageons à checker nos privilèges et nous souhaitons par ce texte soutenir l’anti-racisme politique tel que proposé par des groupes de personnes concernées par les oppressions racistes. Nous voulons amplifier les voix et les analyses anti-racistes sans prétendre parler à leurs places .
Par ailleurs, c’est à cause d’une société qui calcule la valeur des individu·e·x selon le seul aspect productiviste que les personnes vivant avec un handicap, neuro-atypie ou neurodivergence sont stigmatisées. Nous voulons un changement de paradigme. Nous refusons que la valeur des personnes soit conditionnée par ce qu’elles peuvent produire par le travail productif ou reproductif en négligeant la valeur du temps dédié à l’apprentissage et au partage des arts, à la formation, au travail militant, à l’aide au(x) proche.x.(s), aux loisirs, à la solidarité ou au temps pour soi. Toute vie a de la valeur en soi et chacun·e·x mérite des conditions d’existence dignes et satisfaisantes.
Les institutions et comment elles nous oppressent
L’ampleur des oppressions systémiques nécessiterait un livre entier, nous donnons ici quelques exemples illustrant les contextes judiciaire, policier, carcéral, administratif, financier et médical Suisse.
Les institutions sont les fondements du système capitaliste, raciste, patriarcal, blanc et hétéro-cis normé. Elles sont des outils qui façonnent, défendent et instaurent les politiques publiques, les lois, ordonnances et règlements, les services sociaux, la prison, la justice, l’école, le corps médical et tous les autres systèmes disciplinaires régis par l’État.
Justice
Les institutions ont été construites par une élite blanche et bourgeoise, composée majoritairement d’hommes blancs, cisgenres, hétéros et valides. Le monde qu’ils ont construit est à leur image : excluant, misogyne et raciste. Par exemple, les féminicides sont traités comme des fait divers par la presse et comme des meurtres passionnels par la justice . Alors que plus de 90% des femmes assassinées le sont par leur conjoint ou ex-conjoint, le système judiciaire n’analyse pas ces violences de manière systémique et est donc incapable de rendre justice ou même de diminuer le nombre de ces meurtres sexistes. Les féminicides sont la forme de violence de genre la plus extrême d’un continuum qui tisse notre quotidien à tou·te·x·s. Les hommes cis violents ne sont pas des cas exceptionnels ou isolés, des « fous » , leur comportement s’inscrit au contraire dans la norme enseignée qui les avantage dans tous les espaces de la société.
Lorsque l’on sait qu’une femme doit en moyenne porter plainte 3 fois pour que la police la prenne au sérieux, on ne peut que s’alarmer.
Concernant les autres violences sexuelles et les viols, il est très difficile d’être entendu·e·x·s par les institutions judiciaires et la police. La parole des victimes est systématiquement remise en question, lorsqu’elles ne sont pas culpabilisées (en 2020 on demande encore ce que portait une femme lors de son agression ou si elle avait bu). De plus, la définition du viol dans la loi est centrée sur les organes génitaux et non l’absence de consentement. Il revient à la victime de prouver les faits. Depuis quelques années, la parole s’est libérée sur les réseaux sociaux, mais rien n’a changé au niveau institutionnel. Il faut continuer le combat pour que le système cesse de protéger les agresseurs et les tueurs. En attendant de vivre dans un monde égalitaire, qui ne serait sûrement pas exempt de violences interindividuelles, nous voulons qu’il soit reconnu que les femmes et les minorités de genre subissent une violence différenciée et spécifique.
Paradoxalement, on parle beaucoup plus du harcèlement de rue, parfois en en faisant le seul et unique problème. Des mesures disciplinaires ont été prises ça et là, comme par exemple à Lausanne où une application en lien direct avec la police a été mise en place pour dénoncer le harcèlement de rue. On peut s’interroger sur le succès de cette mesure et la rapidité avec laquelle elle est entrée en vigueur. En réalité, il s’agit d’un outil de contrôle des populations les plus précaires, qui occupent l’espace public, à savoir les homme racisés .
À terme, on peut imaginer que la police aura accès à une cartographie visibilisant les endroits où l’harcèlement de rue est le plus fréquemment dénoncé. La police pourra dès lors renforcer sa présence dans l’espace public dans ces zones. Or, à cause des biais racistes, on sait que les personnes blanches ont tendance à percevoir les personnes racisées, en particulier les hommes noirs et arabes, comme des menaces et donc on se demande qui dénoncera qui avec ce système. Ainsi, le harcèlement sexuel au travail, à l’école, dans la famille ou ailleurs restera invisible, tandis que le harcèlement de rue sera sur-représenté. On observe donc que l’Etat instrumentalise les thèses féministes à des fins racistes pour renforcer le contrôle des corps non-blancs dans l’espace public. Les réponses politiques au harcèlement sont toujours plus répressives et carcérales. Sous couvert de féminisme, ce sont des solutions individuelles et punitives plutôt qu’éducatives qui sont proposées, renforçant encore plus le pouvoir de l’État et participant à l’incarcération massive des hommes racisés.
Les discours dominants opposent les hommes précaires et racisés aux mouvements féministes en pointant systématiquement du doigt ce type de populations plutôt que les voyous en costard qui sont sensés nous inspirer une confiance absolue. Lorsque nous abordons des thématiques comme le harcèlement nous reproduisons des stéréotypes racistes et classistes. Nous refusons ce genre d’amalgame dans nos luttes.
L’administration publique
Pour toutes les interactions avec l’administration publique il faut un bac +5 option langue de bois. Dit autrement, il faut un capital social et des connaissances poussées de l’administration ainsi que des compétences linguistiques pour pouvoir remplir une déclaration d’impôt ou une demande de permis de séjour, obtenir une exonération de taxes, un subside, avoir accès à des conseils juridiques ou encore avoir recours à l’aide sociale. L’administration de la précarité est le fonds de commerce de l’État. Les riches et les nantis obtiennent de plus en plus d’avantages tandis que les plus précaires se voient couper les aides les unes après les autres. Sachant que les femmes et les minorités de genre sont les plus touchées par la précarité, l’emploi à temps partiel et les retraites incomplètes, il est nécessaire d’adopter une analyse féministe sur la justice sociale.
Toutes les institutions fonctionnent selon les mêmes logiques excluantes, c’est-à-dire qu’elles sont au service d’une poignée de personnes ; les autres n’ont qu’à se taire et se satisfaire des miettes. Nous voulons la justice sociale, la redistribution des richesses et l’abolition des cadeaux fiscaux qui détruisent la solidarité.
De plus, nous en avons assez que ce soit toujours les plus vulnérables et les plus précaires qui se retrouvent derrière les barreaux alors que les nantis n’ont rien à craindre malgré les détournements massifs et les magouilles. Tu peux te retrouver en prison pour une amende impayée mais si une banque perd des millions, l’État ira à sa rescousse. Puisque l’État est au service des classes dominantes, la justice aussi est au service du capital, qui lui-même est construit sur l’exploitation des personnes racisées (travail non déclaré, travaux pénibles, travail gratuit dans les prisons etc.), des femmes et des minorités de genre (travail de reproduction et de soin etc.). La prison est la forme la plus aboutie de l’injustice raciste et classiste. Elle n’est pas et ne sera jamais une solution, puisqu’elle participe à la précarisation des personnes ciblées par l’appareil répressif de l’État. Elle s’érige en menace contre toute forme d’économie parallèle ou de révolte et ce faisant nous force à accepter une exploitation de plus en plus violente. Nous nous indignons contre ce cercle vicieux et nous voulons construire une société solidaire et équitable. Nous exprimons notre solidarité aux prisonnier·ère·x·s et détenu·e·x·s du monde entier.
Frontières
La Suisse, bien au chaud au milieu de l’Europe, prétend qu’elle n’a pas participé à la colonisation, or il n’y a rien de plus faux. La Suisse est la plaque tournante de la spéculation des matières premières, elle déroule le tapis rouge aux transnationales néo-coloniales et aux patrons du CAC 40 qui ruinent le Sud global et soumettent leurs populations à des traitements inhumains.
La Suisse, bien que n’ayant pas d’accès à la Méditerranée, a une responsabilité directe dans les drames qui ont lieu dans ces eaux. Elle valide les camps de concentrations appelés par euphémisme "camps de migrants" en Grèce, Italie, Hongrie, Lybie ou Turquie, où sont entassées des dizaines de milliers de personnes, des femmes et des enfants qui ont fui leur pays et qui ne sont coupables que de chercher un avenir meilleur. La Suisse soutient et participe au programme militaire conjoint d’externalisation des frontières européennes. Dans ce cadre, des accords sont passés pour imposer aux pays limitrophes de retenir des personnes afin qu’elles n’entrent pas sur le territoire politique européen. De plus, de par les accords qu’elle a passé avec l’Europe, la Suisse se rend coupable de renvoyer des personnes dans des pays incapables d’assurer leur sécurité, voire même dans les pays qu’elles ont voulu fuir, sans aucune considération pour leur sort.
De plus, la Suisse compte sur son territoire des prisons spécifiquement conçues pour les personnes en exil : les centres de détention fédéraux qui enferment les personnes en raison de leur seul statut administratif. La suisse enferme à tour de bras dans l’indifférence générale. La Suisse - et Genève - laisse des enfants et des ados à la rue, malade·x·s et démuni·e·x·s, espérant les pousser à bout, les priver de toute perspective d’avenir jusqu’à ce qu’iels partent, cassé·e·x·s ou les pieds devant.
En tant que féministes, nous nous élevons contre ces pratiques, nous voulons abolir les frontières, la police et toutes les prisons. Elles enferment le peuple pour nous discipliner, nous effrayer, nous casser et nous monter les un·e·x·s contre les autre·x·s. Nous nous dressons contre cette logique de la division.
Les violences médicales
Le corps médical et psychiatrique n’est pas en reste pour imposer ses normes sur les corps et les esprits. Une fois de plus, ce sont les femmes, les minorités de genre et les personnes racisées et hors de la norme valide et neurotypique qui en font le plus les frais.
Par exemple, les femmes et les minorités de genre sont plus facilement diagnostiquées avec un trouble de la personnalité lorsqu’elle ne se soumettent pas à la norme, ou lorsqu’elle ne se soumettent pas tout court. Le corps médical imposera un diagnostic psychiatrique plutôt que de reconnaître l’impact du harcèlement et des violences de genre . Les attaques cissexistes permanentes dégradent la santé mentale, les viols et les agressions sont des traumatismes. Au lieu de mettre au centre du soin l’expérience des victimes, on leur demande de se justifier. Une personne trans ou non-binaire devra justifier et prouver son identité à travers le diagnostic d’un tiers non-concerné et dans un rapport de pouvoir. Pire, lorsqu’une personne ne rentre pas dans les normes cishétéro et patriarcale, qui normalisent les violences de genre, elle est catégorisée comme folle. De même, les expériences de la maternité et de l’avortement sont prises en otage par le corps médical. Les personnes avec un utérus ne sont pas écoutées, elles sont culpabilisées lorsqu’elles souhaitent terminer une grossesse et soumises à des tests intrusifs et sans explication, voire sans leur consentement. Les positions pour accoucher ont été réfléchies pour améliorer le confort du/de la gynécologue et non de la personne qui accouche. On pratique encore, en 2020, le "point du mari", opération qui consiste à recoudre le vagin de sorte à ce qu’il soit plus étroit qu’avant. Cette intervention n’est que rarement discutée avec la personne qui la subit et provoque des douleurs pérennes. Sans oublier les enfants intersexes, dont les mutilations sont pratiquées dès le plus jeune âge sans leur consentement.
Les femmes et les minorités de genre racisées subissent encore plus des discriminations. Prise entre deux faisceaux de stéréotypes, iels ne sont pas écoutées. Par exemple, concernant la gestion de la douleur, il a été démontré qu’il existe un biais raciste selon lequel les personnes racisées seraient accusées de jouer la comédie et d’exagérer lorsqu’elles expriment de la douleur. À cause de ce cliché, le corps médical se rend coupable de ne pas toujours offrir les soins adéquats, parfois en engageant le pronostic vital.
Les féministes ont toujours revendiqué le respect du corps, nous revendiquons une médecine communautaire bienveillante et à l’écoute des patient·e·x·s, où ces dernière·x·e·s seraient considéré·e·x·s comme les expert·e·x·s de leur propre corps et seraient pleinement inclus·e·x·s dans le processus de soin.
Dispositif législatif
Concernant le dispositif législatif, la Suisse ne cesse de se vanter de son système de démocratie directe. Il reste que les lois sont votées par un parlement majoritairement composé par l’extrême droite au niveau fédéral. Nous ne nous reconnaissons pas dans cette élite politique. Les lois soutiennent le système raciste, classiste et cissexiste et créent des institutions qui violentent les gen.te.x.s qui sortent des normes. Par exemple, les identités des personnes transgenres et non-binaires ne sont que très difficilement reconnu·e·x·s par les institutions. Les transitions de genre sont conditionnées par des examens psychiatriques et médicaux obligatoires, le système de genre binaire imposé par la société et validé par les institutions ne reconnait pas les genres non-binaires et les personnes intersexes. Encore aujourd’hui, l’État refuse d’ajouter une case dans ses formulaires pour les personnes qui ne se retrouvent pas exclusivement dans les genres masculin ou féminin. Ce sont des changements faciles à mettre en œuvre et qui l’ont déjà été dans d’autres pays (Allemagne, Argentine, Australie, Inde, Népal, Polynésie) et qui démontrent justement une volonté de l’État suisse d’invisibiliser les personnes transgenres, intersexes et/ou non binaires.
Nous revendiquons que la diversité des genres soit reconnue et célébrée comme une richesse. Nous voulons que les jeunes et les moins jeunes accèdent rapidement à la transition et ce sur la seule auto-détermination. Nous voulons que l’hormonothérapie et les chirurgies liées à la transition soient couvertes pleinement par l’assurance de base. Nous voulons que les critères de beauté soient déconstruits. Le futur est non-binaire, nous le crions haut et fort ! C’est pourquoi, bien que nous soutenions le texte de loi de la votation du 9 février qui étend à l’homophobie la condamnation du discours de haine dans l’espace public, nous trouvons que le texte ne va pas assez loin car il n’inclut ni la transphobie, ni l’intersexophobie, ni l’enbyphobie . De plus, nous soulignons qu’une telle loi n’est pas suffisante pour protéger les personnes non-hétéras. D’une part, seul le discours de haine dans l’espace public est pris en compte et pas le harcèlement (au travail, à l’école ou l’accès au logement par exemple). De plus, pour saisir la justice cela coûte en énergie, en temps, en ressources et en argent. Seules les personnes disposant d’une certaine forme de capital financier, social et linguistique pourront prétendre à invoquer cette loi. Par ailleurs, il faut encore que le corps judiciaire (avocat·e·x·s, juge·x·s, police) soit formé pour appliquer cette loi. Il suffit de voir l’inefficacité de la loi déjà existante sur les discriminations racistes ou la loi sur l’égalité au travail pour s’en convaincre. Car au fond, si les institutions et les personnes qui les représentent sont majoritairement blanches et hétéras et que leur positionnements politiques ne sont pas remis en question, il leur est facile de nier le caractère raciste ou homophobe d’un comportement.
Nous ne pouvons donc pas avoir confiance dans les lois ni dans la justice pour résoudre nos problèmes. De nombreuses oppressions ont été ou restent légales. Alors que certaines lois plus ou moins progressistes passent, d’autres, liberticides, entrent en vigueur et renforcent un système fondamentalement raciste. En effet, dans le canton de Genève, des lois islamophobes passent sous couvert de laïcité et prétendument dans l’intérêt de la libération des femmes. Ainsi, depuis 2019 il n’est plus permis aux personnes travaillant pour la fonction publique de porter le foulard.
Ce sont donc majoritairement des personnes qui font du travail de soin, qui travaillent auprès des enfants, à l’hôpital, dans les EMS et les foyers qui seront sommées de faire un choix intolérable si elles veulent continuer à travailler, à contribuer à la société et à prendre en charge leurs besoins et ceux de leur famille. De plus, les personnes portant le foulard sont exclues de la fonction administrative et représentative. La laïcité est devenue un étendard pour justifier les propos islamophobes. En effet, sa définition première, la séparation formelle de l’Église et de l’État devait justement garantir à tou·te·x·s la liberté religieuse dans la cité et non stigmatiser une population - les personnes voilées - et les exclure de la sphère publique. Le fondement du féminisme est de pouvoir s’auto-déterminer. Le dévoilement comme condition à l’émancipation est une réminiscence douloureuse de ce qu’il se passait durant la colonisation dans les pays du Maghreb sous le joug de la France. Il fallait alors que les colons prennent de force ce que les colonisée·x·s leur refusaient, en résistance. Le dévoilement forcé est une violence coloniale et raciste qui ne devrait en aucun cas perdurer en 2020. Aucun gouvernement ne devrait dire à une femme comment elle devrait ou ne devrait pas s’habiller. De plus, dans le climat islamophobe actuel, une telle loi n’est pas anodine. Elle vient renforcer les imaginaires racistes qui présupposent que les personnes musulmanes ont quelque chose à cacher et/ou qu’elles seraient, de par leur simple existence, une menace. Cela légitime par ailleurs les discriminations islamophobes dans le secteur privé. Or, le monopole de l’innocence est un privilège blanc qu’il nous faut identifier et déconstruire dans une perspective féministe.
D’ailleurs, les injonctions sur les corps des femmes et les minorités de genre sont paradoxales, puisque si d’un côté il est exigé que certaines se dévoilent, de l’autre l’État criminalise le travail du sexe. Qu’iels soient soi-disant trop soumises ou, au contraire, pas assez, les choix que font les femmes et les minorités de genre pour elleux-mêmes ne sont jamais les bons à en croire les institutions. L’auto-détermination des personnes qui ne sont pas des hommes cis est niée à partir du moment où leur sexualité échappe à la norme ou qu’iels en tirent du profit pour iels et iels seul·e·x·s. Le sexisme structurel refuse aux femmes et aux minorités de genre l’auto-détermination sur leur propre corps.
Ainsi, d’un côté il y a une injonction à la respectabilité et de l’autre, à la libération qui passerait obligatoirement par le dévoilement ; injonctions paradoxales entièrement reprises par le fémonationalisme, c’est à dire le féminisme cis blanc, bourgeois et nationaliste. Nous rejetons en bloc ces thèses et ses figures et nous nous solidarisons avec toutes les personnes qui en sont les cibles.
CONCLUSION
Nous constatons que les personnes qui subissent majoritairement les oppressions systémiques sont celles qui subissent également, le plus durement, les fausses solutions d’un féminisme cis blanc hétéro et excluant. Aussi, nous avons vu que les solutions législatives apportées par l’État et ses institutions ne sont pas satisfaisantes. Au contraire, elles renforcent les systèmes oppressifs. Nous voulons un féminisme solidaire de tou·te·x·s et qui ne soit pas la chasse gardée d’une poignée de féministes cis blanches et bourgeoises qui voudraient intégrer la table des nantis. Les mêmes tactiques de division sont utilisées depuis l’ère coloniale. Nous estimons de ce fait que les intérêts des groupes opprimés convergent et que c’est seulement au prix d’un réel effort de compréhension de la situation des un·e·x·s et des autre·x·s que nous pouvons nous organiser et faire bloc contre le système oppressif.
Dès lors, les questions de genre sont intrinsèquement liées aux questions de race et de classe. L’élite bourgeoise préserve ses intérêts économiques et sociaux en maintenant certaines personnes dans des conditions de vie insoutenables. Sans main-d’oeuvre bon marché, le système capitaliste s’écroule. La meilleur manière pour lui de trouver cette force de travail est d’aller chercher ici et ailleurs des travailleur.euse.x.s femmes et/ou racisé·e·x·s à qui sont refusées les conditions nécessaires pour négocier leurs places et qui doivent par conséquent subir un marché du travail de plus en plus aliénant et précaire.
Effectuer une analyse sur la base du genre, de la race et de la classe permet de donner une idée des rapports de pouvoir qui existent dans nos sociétés capitalistes. Ainsi, nous affirmons que celleux qui ne profitent pas du système sont nécessairement celleux qui en subissent l’injustice et la violence. De ce fait, en tant que féministes nous nous élevons contre toute forme de domination, de discrimination et de violence systémique que l’on soit directement concerné·e·x·s ou en solidarité.
Ce système est pourri à la racine, il doit disparaître.
Références :
Harcèlement et prison : http://solitudesintangibles.fr/metoo-doit-eviter-le-feminisme-carceral-alex-press/?fbclid=IwAR04nbt40RKP70t7PsUhNieKYt0bKS8lHmFBW-Zk8jnVxDj_jJf0equIYq4
FAITES DES VAGUES : https://www.facebook.com/faitesdesvagues/
LES FOULARDS VIOLETS : https://lesfoulardsviolets.org/
OUTRAGE COLLECTIF : https://outragecollectif.noblogs.org/
COLLECTIF AFRO SWISS : https://collectifafroswiss.wordpress.com/author/collectifafroswiss/
POST CIT : https://www.unige.ch/sciences-societe/incite/bienvenue/groupes-de-rech/postcit/