Migrations - Frontières MNA

Bilan post-occupation du Grütli

Le collectif lutte des MNA dresse un bilan alarmant de la situation des Mineurs Non Accompagnés (MNA) à Genève. Les promesses faites par la Ville et le canton suite aux 10 jours d’occupation du Grütli n’ont pas été honorées et le SPMI ne prend toujours pas ses responsabilités.

Genève |

Mise à jour

Les promesses

Le 17 janvier 2020, nous avons décidé de suspendre l’occupation après 10 jours passés au Grütli car des promesses offrant des solutions à nos principales revendications ont été formulées par la Ville et le canton de Genève.

Le Service de la Protection des Mineurs (SPMI) nous a tout d’abord promis de prendre en charge les 12 mineurs présents lors de l’occupation. On nous a garanti qu’ils auraient un endroit où dormir dès que nous quittions le Grütli ; idéalement un foyer et le cas échéant un hôtel. Parce que oui, à Genève, les mineurs sont laissés dans la rue, et une lutte telle que celle menée par le collectif lutte des MNA n’a pas alarmé l’opinion publique.

En août 2019, l’État promettait de donner aux MNA un document qui leur permettrait de se légitimer (lors de contrôle policier notamment). Suite à l’occupation, il a été question de mettre en place une carte d’identité municipale pour chaque mineur.

On nous a aussi promis 20 places réservées durant 30 nuits dans différents lieux pour les jeunes majeurs présents lors de l’occupation. Nos revendications portent, rappelons-le, sur les 18-25 ans également.

On nous a promis l’ouverture prochaine de nouvelles places d’hébergement pour les MNA, hors des hôtels et des lieux d’hébergement d’urgence.

De plus, nous avons obtenu la garantie que la Ville continuerait de faire pression sur le Conseil d’État et nous accompagnera lors des prochaines rencontres avec ces dernier.e.s.

Finalement, un courriel a été envoyé 3 jours après le début de l’occupation au Collectif des Assises (duquel le Collectif lutte des MNA fait partie) invitant à des rencontres régulières avec la délégation du Conseil d’État aux migrations. Il est intéressant de mentionner que Madame Anne-Emery TORRACINTA, conseillère d’Etat chargé du département de l’instruction publique de la formation et de la jeunesse, a rapidement exprimé, sans que personne ne la questionne à ce sujet, que ces avancées n’avaient rien à voir avec les mobilisations politiques actuelles. Elle se décrédibilise par ses propres moyens.

Par ailleurs, par voie de presse, Madame Anne-Emery TORRACINTA n’a évidemment pas reconnu que son discours était en violation avec la Convention des droits de l’enfant. Elle est cependant revenue sur la violence initiale de ses propos en indiquant notamment que la scolarisation devait être possible et prévue pour chaque personne mineure, et donc pour les MNA aussi.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Seuls 3 mineurs non accompagnés ont été logés en foyer, les autres sont placés provisoirement dans des hôtels.

Dès le lendemain de l’occupation, et ce jusqu’à aujourd’hui encore, aucun jeune n’avait accès à deux repas par jour, ni de quoi s’habiller avec des vêtements adaptés.

Durant plus de deux semaines, le collectif a dû se rendre pratiquement tous les jours devant le SPMI car les jeunes sont régulièrement jetés à la rue. Un après-midi, nous étions environ 5 soutiens à nous rendre au SPMI pour accompagner 3 mineurs qui venaient d’arriver à Genève. Le SPMI nous a reçu.e.s avec la police antiémeute dans le hall du SPMI, refusant que les jeunes soient accompagnés par une personne de confiance (ce à quoi ils ont pourtant droit).

De tous les jeunes ayant signalé des besoins médicaux spécifiques ou des maladies aucun n’a été pris en charge. Nous nous rendons quasi quotidiennement avec ces mineurs à l’hôpital, puis au SPMI parce qu’aucun suivi n’est assuré. Certains des jeunes ont pourtant des maladies dangereuses pour leur santé. À cela, le SPMI ne répond rien ou presque, lorsque l’institution s’exprime (par le biais d’un.e fonctionnaire) c’est surtout pour annoncer jeune “de dormir dans la rue”, car il n’y aurait soi-disant aucune solution de logement pour eux.

Depuis la fin de l’occupation, les nouveaux MNA qui arrivent à Genève ne sont pas pris en charge. Le SPMI leur propose soit de revenir quelques jours plus tard (parfois jusqu’à deux semaines), soit d’être placés au sleepin [1] sans solution pour se nourrir ou s’habiller de manière convenable lorsque la météo est peu clémente, et évidemment sans aucun suivi sanitaire, social ou éducatif.

Depuis la fin de l’occupation, chaque jour un jeune est sommé de quitter l’hôtel dans lequel il est placé et se retrouve à nouveau sans autre solution que de dormir dans la rue ou dans ces sleepins inadaptés. [2]

Le collectif a par ailleurs dû payer des nuits d’hôtel de plusieurs mineurs pour qu’ils ne dorment pas dans la rue alors que le SPMI jurait qu’il n’y avait plus de place dans ces mêmes hôtels.

Tous les jours, on apprend qu’un jeune s’est fait arrêter ou violenter par la police et mis en garde à vue, parfois durant 48 heures, et ce sans être nourri.

Tous les jours, on apprend qu’un jeune redirigé par le SPMI dans les accueils de nuit erre dans les rues de 7h à 20h sans manger et sans activité. En effet, les horaires de ces structures ne permettent pas d’avoir un espace où rester la journée. [3]

LE SPMI n’a pas pris ses responsabilités

En résumé, tous les jours qui ont suivi l’occupation plusieurs mineurs non accompagnés, se trouvant souvent dans des états de santé mentale et physique alarmants, se sont retrouvés sans logement ni nourriture et ont été maltraités par les autorités.

Dans l’urgence de chaque situation, nous avons cherché des solutions. Il nous a donc fallu :

payer des nuits d’hôtel, aller au SPMI pour obtenir des explications, trouver des lieux d’hébergement alternatifs, acheter à manger pour qu’ils aient trois repas par jour, aller aux urgences, retourner au SPMI pour exiger des solutions, chercher encore des lieux d’hébergement, retourner aux urgences, trouver du soutien, retourner au SPMI et rester devant parce qu’on nous interdisait d’entrer, contacter des médecins pour soigner les personnes malades, appeler le SPMI puisqu’on n’était plus bienvenu.es ni dedans ni dehors et contacter les journalistes et les autorités pour dénoncer la situation scandaleuse que l’on traversait. Tous les jours il a fallu négocier avec le SPMI pour que chaque jeune ait au moins accès au seul repas quotidien offert par le SPMI et pour que chaque jeune obtienne des bons pour aller chercher des habits chauds.

Voilà ce qui s’est passé plusieurs fois par jour depuis la fin de l’occupation. Aujourd’hui, la situation est toujours la même et c’est un scandale.

On se battra tant qu’il le faudra !
On exige de vraies solutions concrètes, rapides et durables.
On n’exige pas la lune, juste un logement sûr dans lequel les MNA peuvent rester jour et nuit, trois repas par jour, un accès à la scolarisation ou à la formation, un suivi socio-éducatif et une carte de légitimation.
On exige simplement une vie digne pour tout le monde !

Le collectif lutte des MNA

Notes

[1Ces lieux d’hébergement d’urgence pour personnes à la rue ne sont en aucun cas des espaces adaptés à des mineurs ni un espace vers lequel une institution est censée les rediriger alors que son mandat est de leur trouver un logement

[2Un jour le SPMI a placé deux jeunes à la rue leur indiquant que l’hôtelier ne voulait plus d’eux parce qu’ils avaient fumé une cigarette dans leur chambre... Quel adolescent.e fumeur n’a pas déjà fait une bêtise de ce type en foyer ? Est-ce légitime de mettre un mineur à la rue pour cette raison ? Rien ne l’est et encore moins une bêtise de ce genre. Par ailleurs les deux jeunes sont allés de leur propre chef s’excuser auprès du gérant qui a dit qu’il n’y avait aucun problème et qu’ils étaient bienvenus à l’hôtel... Le SPMI a mis plusieurs jours pour les reloger.

[3Un des jeunes avait un certificat médical qui stipulait que son état de santé exigeait un espace pour se reposer.

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