Urbanisme - luttes de territoire Occupation

Concerne : autogestion au 40 rue de la Coulouvrenière

Lettre ouverte à Swiss Life, propriétaire

Genève |

Messieurs les proprios,
Vous ne l’avez peut-être pas remarqué depuis votre siège zurichois, mais nous avons occupé les locaux du 40 rue de la Coulouvrenière du samedi 17 au dimanche 18 mars. Mais oui, rappelez-vous ! Un immeuble tout en marbre rose et vert, celui qui n’a jamais été que vide depuis sa construction en 1993... Si, si, vraiment ! Cherchez bien parmi les dossiers relatifs aux objets immobiliers sur lesquels vous spéculez, vous y trouverez celui-ci.

Ce bâtiment n’est visiblement pour vous qu’un tas de cailloux destiné à prendre de la valeur afin de mieux le revendre. Or, figurez vous qu’ici et partout ailleurs les gens peinent à se loger.
À la fin des années 80, cet immeuble et beaucoup d’autres du même acabit ont été construits en lieu et place de logements abordables. Depuis, la crise immobilière fait rage à Genève et nous devons toujours sacrifier plus de temps au travail pour payer des loyers insensés aux régies [1].
Alors oui, le fait que vous et vos copains vous engraissiez en vous refourguant ces immeubles les uns aux autres sans que rien ne s’y passe nous rend un peu fâché-e-x-s.
Bien sûr, vous n’êtes pas les seuls à avoir ce genre de pratiques révoltantes et nous ne manquerons pas d’embêter aussi vos semblables. Ces 200’000 m2 de bureaux vides finiront bien par servir.
Mais pour l’instant nous souhaitons vous faire part de nos projets pour cet endroit. Projets qui, contrairement aux vôtres, sont faits de vies et de rires qui résonnent entre des murs pleins d’affiches et de peinture.

Cet immeuble est de l’avis de tout-e-x-s particulièrement laid. Ce post-modernisme foireux nous rappelle la frénésie spéculatrice des eighties. Le marbre et les colonnes évoquent une opulence qui nous débecte. Nous ne ferons pas les fines bouches. Nous nous occuperons des mauvais architectes quand nous en aurons fini avec les promoteurs et les urbanistes. Avec un peu d’envie et en réglant ce problème de fenêtres sans gonds ni poignées, c’est sûr qu’il y a moyen d’y respirer.
Il va bien falloir s’en occuper de ce furoncle.

Nous y établirons donc des espaces ouverts et accessibles à tous-te-x-s, qui fonctionnent hors des lois du marché, sur des bases de solidarité, d’entraide, d’échange et d’autogestion.

Nous y construirons des salles de répet’ et un studio d’enregistrement, des ateliers et une salle de cinéma pour que la musique, l’art et la culture ne soient pas des marchandises. Des lieux d’autoformation, notamment autour des pratiques juridiques et de la santé, pour s’autonomiser et se libérer de l’oppression des spécialistes. Nous imaginons aussi une salle de conférence et de discussion pour apprendre les unes des autres et inviter des gens intéressant-e-x-s. Une immense cuisine pour faire et y manger à beaucoup et pour s’échanger des recettes. Une cantine populaire pour ne plus jamais manger seul-e-x-s et pour que l’argent ne soit pas une condition pour avoir le ventre plein. Un lieu de fête pour s’amuser loin des dynamiques capitalistes, racistes et sexistes qui font loi ailleurs. Une salle de sport pour les motivé-e-x-s, et pourquoi pas un skate parc intérieur. Un sleep-in pour accueillir nos ami-e-x-s de partout et des gens qui en ont besoin. Des salles de réunions pour s’organiser à plein. Une crèche pour permettre aux gens qui n’ont pas les moyens de débourser 22’000.- par année d’avoir d’autres activités que s’occuper de leur enfant et pour que nos enfants soient élevés dans un cadre bienveillant et exempt des modèles sexistes habituellement présents dans le millieu de l’éducation.
Nous y installerons aussi notre bibliothèque autogérée, pour nourrir nos imaginaires révolutionnaires et pour finalement détruire toutes les oppressions et le système que vous et vos amis capitalistes tentez de nous imposer.

Nous comprenons bien que vous ne comprenez pas, vous avez déjà fait preuve de votre insensibilité à tout ce qui ne remplit pas directement votre portefeuille. Quand vous ne spéculez pas sur de l’immobilier en vous foutant de l’impact social de vos magouilles, vous vous employez à miser sur la longueur de la vie des gens. Vous pouvez espérer que les nôtres soient courtes, car l’on n’a pas fini de vous emmerder.

Par ailleurs, l’état des lieux s’est bien passé et il ne vous manque qu’à nous remettre les clés du 40 rue de la Coulou. À cette fin, nous vous donnons rendez-vous dans la rue lors du défilé du premier mai.
Ne vous inquiétez pas, vous nous reconnaîtrez.

Bisous.

Prenons la ville.

PS : Si vous ne voulez pas attendre jusqu’au premier mai, voici notre mail : prenons-la-ville@riseup.net

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