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Covid-19 : le SEM met en danger les personnes en exil

La Suisse entière vit au rythme du coronavirus, les autorités annoncent tous les jours (ou presque) des nouvelles mesures pour freiner la propagation de ce virus et protéger la santé de la population, sauf que dans ce contexte si particulier, l’écart des inégalités dans ce pays continue de se creuser. Les invisibilisé-e-s restent complètement absent-e-s des discours du Conseil Fédéral et les politiques meurtrières concernant les personnes en exil continuent de suivre leur cours, presque comme si de rien n’était...

Pourquoi le SEM s’octroie le droit de ne pas respecter les mesures sanitaires ?
Alors que le coronavirus sévit en Suisse, les personnes dans le système de l’asile subissent un traitement différent du reste de la population. Le Conseil fédéral réduit au maximum les activités et déplacements de la population, mais le semi-confinement ne s’applique pas pour les personnes requérant-e-s d’asile ; les politiques fédérales et cantonales ont deux poids, deux mesures. Tour d’horizon de l’accueil des personnes en exil et des procédures d’asile dans ce contexte de crise sanitaire.

Suisse |

Par exemple, au foyer de Lagnon, un foyer de l’Hospice Général pour requérant-e-s d’asile à Bernex, cela fait maintenant plusieurs jours qu’une personne a été testée positive au Covid-19. Rien n’est mis en place dans ce foyer pour prévenir toute contagion pour les autres résident-e-s. Ce foyer accueille entre 60 et 100 personnes requérantes d’asile.
Le cas du foyer de Lagnon est significatif de tous les foyers de l’Hospice, aucune mesure particulière n’a été mise en place dans le foyer, pas de désinfectants mis à disposition des habitant-e-s. Difficile donc de prendre toutes les précautions que nous demande l’Etat, pourtant en charge de ces mêmes foyers. De plus, elles et ils n’ont reçu aucune explication particulière concernant les mesures prises pour lutter contre l’épidémie, pas de traduction, personne à qui poser des questions dans leur langue maternelle. Ce qui évidemment provoque un sentiment d’insécurité fort pour ces personnes laissées à elles-mêmes, dans ce contexte anxiogène de crise sanitaire.
C’est un exemple parmi bien d’autres où les installations ne permettent pas de pouvoir respecter les distances de sécurités ni les normes sanitaires ; il y a trop peu de cuisines et de salles de bains, les chambres sont trop fréquentées et dans certains foyers, les chambres peuvent cumuler jusqu’à 8 personnes.

De plus, certaines personnes (dont entre autres certain-e-s mineur-e-s non-accompagné-e-s) bénéficiaient des Colis du coeur (une association qui distribue des colis de nourriture et produits d’hygiène aux personnes en situation de précarité, dans le Canton), or, l’association, dès le début du semi-confinement, a dû suspendre ses activités. Rien n’a été mis en place pour remplacer ce service essentiel. Heureusement, depuis cette semaine, l’association s’est débrouillée pour reprendre la distribution de colis.

Les préoccupations sanitaires du Conseil fédéral, et notamment du SEM, ont l’air de s’arrêter aux portes des foyers et centres fédéraux. Il semblerait que pour le SEM, la santé des personnes en exil compte moins que celle des autres... En effet, sa priorité reste inchangée : expédier les procédures pour plus expulser et moins accueillir. Dans son communiqué du 22 mars, il annonce la suspension des auditions de requérant-e-s d’asile : enfin ! Sauf que cette suspension n’est effective qu’une seule semaine, le temps de mettre en place des vitres en plexiglas dans les salles d’entrevue, voilà tout. De nombreuses associations dans le domaine des migrations énoncent le non-respect des droits fondamentaux des personnes en exil en continuant à avancer comme si rien n’avait changé. Toutefois, et SOSF le rappelle dans son communiqué du 23 mars, “une audition d’asile réunit au moins 5 personnes (requérant d’asile, auditeur, juriste, interprète et procès-verbaliste) dans une petite salle, et cela pendant plusieurs heures.” Sans compter les déplacements souvent longs auxquels doivent se soumettre les requérant.e.s pour y assister ainsi que l’impossibilité pour les associations d’être présentes afin de s’assurer du respect des droits de la personne auditionnée.
Les interprètes, qui sont des travailleurs et travailleuses précaires payé.e.s à la mission et souvent issu.e.s de la migration, sont aussi mis.es en danger par la conduite du SEM. Iels sont dans l’impossibilité de refuser des heures de travail, et ce au détriment de leur santé.

La situation au sein des Centres Fédéraux, notamment à Boudry (NE), est préoccupante à plusieurs niveaux. Les quelques mesures mises en place l’ont été après le début de l’épidémie en Suisse, après le début du semi-confinement. La promiscuité est toujours la règle dans les structures du centre, les requérant.e.s étant logé.e.s dans des dortoirs de 6 à 12 places. Les personnes vulnérables et en mesure de confinement total sont logées dans la troisième aile récemment inaugurée. Le problème : le nombre de personnes concernées et le peu de place en chambre les fait les loger dans des couloirs. Ces personnes pointent à nouveau du doigt la promiscuité mais aussi le manque de suivi : interdiction de balade, accès très restreint à des achats (carte de téléphone, etc.), manque de nourriture. Les personnes qui passent en procédure élargie (plus de 30 jours), le plus souvent pour des questions de santé, sont transférées dans des centres cantonaux déjà surchargés dans lesquels la situation n’est pas plus favorable...

À l’heure où la majorité des services de l’Etat sont suspendus, les réceptions des administrations fermées, des procès et auditions au Pénal reportés, pourquoi alors maintenir à tout prix les auditions dans les procédures d’asile, augmentant de fait les chances des personnes concernées d’attraper le virus ?
Le maintien des procédures d’asile dans cette période de crise sanitaire restreint drastiquement la possibilité pour les requérant-e-s de faire recours aux décisions, et faire ainsi appliquer leurs droits, étant donné que de nombreuses permanences d’aide juridique, entre autres, ont dû être annulées. Il est donc d’autant plus difficile pour les personnes de s’informer, de comprendre les démarches très compliquées que nécessitent les procédures d’asile mais surtout l’impossibilité d’être défendues ce qui relève d’un droit pourtant fondamental.

Dans d’autres pays européens (France, Belgique, Allemagne, ...) pourtant, des mesures ont été prises pour mettre en suspens les procédures et notamment annuler les auditions durant cette période de crise, au Portugal les requérant.e.s sont au bénéfice d’un permis de séjour provisoire le temps de la crise sanitaire, prenons en exemple !

Pourquoi, alors, est-ce que le SEM s’octroie le droit de ne pas respecter les mesures sanitaires ?

Alors que tout s’arrête, les violences d’Etat, elles, continuent. Combattons-les sous toutes ses formes.

P.S.

#toujoursleseumcontrelesem

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