Des riches toujours plus riches et sans complexe
Parler d’une société capitaliste inégalitaire est de l’ordre de l’euphémisme. Alors même que les entreprises de construction dégagent près de 20 milliards de chiffre d’affaire par an, que les plus grands patrons gagnent 135 fois plus que leurs employés les moins payés, qu’un conseiller d’État touche un salaire annuel de 250’000 francs, certains doivent se battre contre la détérioration de leurs conditions de travail. Dans une société hiérarchisée, où ceux qui ont le pouvoir ont toujours aussi l’argent, ceux qui triment au bas de la pyramide ne doivent pas s’unir, afin que ceux qui sont assis en son sommet continuent de les exploiter. Alors même que la fonction publique manifestait, les députés genevois augmentaient de 25 % leurs indemnités, tout en menaçant de couper les subventions des lieux culturels. Et pour s’assurer que rien ne change, ils construisent des prisons plutôt dans des écoles.
Des conditions de travail aux conditions d’existence
Tous ces chiffres pourraient masquer la véritable question que posent ces luttes et qui les lie entre elles, celle des conditions de travail. Et quand le travail c’est 40 heures par semaine, les conditions de travail sont aussi les conditions d’existence. Lorsque les maçons exigent de ne plus trimer sous la pluie, les enseignants de ne pas voir le nombre de leurs élèves encore augmenter, que les assistants sociaux dénoncent le rôle policier qu’on veut leur faire jouer, ce n’est pas d’argent dont il est question mais de ce que réservent, chaque semaine, les journées entières passées à travailler. Qu’un fonctionnaire gagne plus qu’un maçon est inacceptable, mais ne fait pas de l’enseignant un fainéant. Les écarts salariaux n’ont jamais été qu’une arme des patrons et des gouvernants pour monter les travailleurs les uns contre les autres, tandis que les véritables ennemis ne se sont jamais aussi bien portés que dans les périodes de « crise économique ». Ce que construit un maçon a autant de valeur que ce qu’enseigne un professeur d’école. C’est pourquoi il est plus que temps de reposer l’égalité et la solidarité comme objectifs communs, pour que cesse la domination des hommes sur les femmes, pour que l’origine et la couleur de la peau ne servent plus à justifier des discriminations racistes. Luttons ensemble pour que personne ne puisse nous dicter nos conditions d’existence.
Les migrants qu’on cache sous terre pour mieux les ignorer
Toute l’année 2015 a été un moment fort de mobilisation. Des requérants d’asile ont lutté pendant plusieurs mois pour sortir des bunkers sous-terrains que leur réserve le canton de Genève comme hébergement. Lorsque l’État se permet de traiter ses fonctionnaires comme il l’a fait cet automne, imaginez les conditions de vie réservées à des migrants qu’il peut renvoyer à souhait s’ils ont l’impudence de se plaindre. N’oublions pas que les plus précarisés seront les premières victimes des coupes budgétaires.
Tout en bas de la hiérarchie sociale, il y a les requérants d’asile. C’est à eux que l’on réserve le pire de cette société, les plus misérables conditions, les plus méprisables humiliations. Et ce sont eux qui seront également désignés comme le bouc émissaire de tous les problèmes sociaux, des dettes étatiques à la pénurie de logement, de l’insécurité à la perte des soi-disant valeurs nationales. On leur reprochera même le chômage, alors qu’ils n’ont pas le droit de travailler, à moins de faire partie des rares élus qui gagnent moins de 4 francs de l’heure dans un emploi de « solidarité ». Quelle plus belle victoire pour ceux qui marchent sur nos têtes que de voir les pauvres s’entre-étriper ? Qu’ils doivent s’amuser de voir d’anciens migrants devenus maçons construire des prisons pour les requérants d’asile d’aujourd’hui ; des assistants sociaux, cantonnés à un rôle de contrôle et de sanction et submergés par le nombre des dossiers à leur charge, devenir des auxiliaires du travail policier.
Seule la lutte paye ?
Le Conseil d’État et les députés genevois se sont moqués des revendications des fonctionnaires en même temps que les patrons envoyaient paître les syndicats. Jamais ceux qu’on laisse dominer ce monde n’ont semblé aussi arrogants. On sait aussi que seule la mobilisation peut faire pencher la balance. Que la paix du travail a toujours été et sera éternellement la plus grande défaite des travailleurs face au patronat. Mais au moins est-il possible de lutter sans risquer la prison ou la mort.
Khaled s’est lui aussi mis en lutte cet été avec le mouvement No Bunkers. Il a fait partie des centaines de requérants d’asile qui ont protesté contre les conditions de vie qui leur étaient imposées par l’un des pays les plus riches de la planète. Parqués sous terre comme des animaux sans que personne ne puisse leur rendre visite, alimentés avec de la nourriture périmée, gardés par des hommes en uniforme, voilà ce que réserve cette société aux individus les plus fragilisés et les moins armés pour se défendre. Khaled a été à toutes les réunions entre la délégation du Conseil d’État et les représentants du mouvement. Aujourd’hui, il est en prison parce que la Suisse lui refuse l’asile et dans l’attente de devenir une des 8590 personnes renvoyées chaque année. Le Conseil d’État se venge sur ceux qui ont osé relever la tête face à ses ses politiques humiliantes. Plus que jamais, et parce que seule la solidarité peut faire plier ceux qui croient nous gouverner, exigeons sa remise en liberté. Face aux humiliations patronales et étatiques, solidarité entre maçons, fonctionnaires et migrants !
Liberté pour Khaled !
Maçons et fonctionnaires, vos ennemis ce sont l’État et les patrons, pas les migrants !
Ne les laissons pas encore dégrader nos conditions d’existence !
Empêchons-les d’enfermer, d’humilier et de renvoyer les plus faibles !
Collectif SansRetour, sansretour@riseup.net