Alors qu’est érigée au centre de Vevey l’immense structure métallique de la prochaine Fête des Vignerons, s’apprêtant à accueillir plusieurs centaines de milliers de personnes durant l’été 2019, nous profitons de la venue du printemps pour repenser, et politiser enfin l’impact d’une telle manifestation sur nos vies et celles des habitant-x-es de Vevey.
Le sujet peut paraître complexe de par l’immense potentiel affectif qu’il véhicule et les rigidités politiques au nom de « la tradition » et de la « culture » qui tendent à faire de la Fête des Vignerons une évidence incontestable. Pourtant, nous refusons de penser son existence comme d’une fatalité et dont la critique se résumerait à des détails techniques. Si nous nous exprimons aujourd’hui, c’est que nous souhaitons résister aux rouleaux compresseurs que connaissent depuis des années les villes en expansion. Sous couvert de politiques de développement urbain dynamiques, c’est la marchandisation systématique des espaces publics, du patrimoine culturel et des biens communs qui est en jeux.
Notre constat est amer, mais pas complètement naïf : la Fête des Vignerons est au sommet d’un long processus de gentrification et de transformation sociale que connaît la ville de Vevey. Le phénomène n’est pas nouveau, il est continu, étendu dans le temps et invisibilisé par les pouvoirs publics. À Vevey le mouvement est malheureusement très peu discuté ou ouvertement théorisé. Pourtant, les exemples de la disparition des derniers lieux non-marchands et non-institutionnels ne manquent pas : bâtiments occupés, squats, espaces emblématiques de quartier. Tous sont mis sous tension, fermés ou abandonnés sous la pression immobilière des projets de rénovation bourgeois et l’injonction au profit. L’indignation autour de ces fermetures trouve parfois un relais politique, tant le cynisme et l’ignominie des promoteurs immobiliers jurent avec la bonne foi des habitant-x-es du quartier. Toutefois, la domination du capital et le poids du temps font leurs effets, en témoigne la disparition du quartier de la Guinguette au profit du déchet néocolonial le Nest, musée à la gloire d’Henri Nestlé et propriété de la multinationale du même nom. « Tout le monde est gagnant », dira un jour la syndique verte.
Aujourd’hui, l’ensemble des institutions économiques s’apprêtent à capitaliser sur ce flux immense de touristes. La spéculation est dans toutes les bouches : cafés, terrasses, hôtels, caveaux, Airbnb. Vendre, vendre, vendre, vendre. Le centre-ville de Vevey est, à ce jour, dans un processus de rénovation constant afin d’être à la hauteur des ambitions marchandes de la fête. La vitrine est devenue la règle, la vie du quartier mise en suspend le temps qu’il le faudra. Disons-le ouvertement cette transformation à des effets réels et violents : augmentation des loyers, du coût de la vie, privatisation des places publiques, intensification du harcèlement policier et mise à l’écart des catégories de la population les plus précaires.
C’est en ce sens que nous appelons à toutes les personnes souhaitant rompre avec ces politiques à un printemps de résistance. Actions directes, écrits, témoignages, rencontres, fêtes, tout est encore à faire ! Brisons ensemble les liens du capital et les autres formes de domination dans nos quartiers ! Chassons la police et les fascistes ! Renforçons les solidarités collectives et nos liens communs ! Contre-fêtons !