Répression - Enfermement

[Genève] Abus de syllogisme contre la loi sur la police

C’est la saison ; la Ville de Genève vient de remplacer son manteau de neige par une grosse couche d’affiches en vue des futures votations. Le sujet chaud, cette fois, c’est le référendum contre la nouvelle loi sur la police. Une alliance particulière entre gauche de la gauche et droite de la droite s’est créée pour lutter contre cette nouvelle loi.

Genève |

Cet article ne sera pas le lieu de décortiquer cette nouvelle loi. D’ailleurs, elle ne change pas grand chose à ce qui précédait. En résumé : cette loi va fusionner les différents corps de police en un seul – exit la gendarmerie. Elle fixe un ratio du nombre de policiers en fonction du nombre d’habitants. Ce ratio augmentera le nombre de policiers, mais aussi de sous-policiers – les assistants de sécurité publique. Sinon, elle instaure une sorte de commission du personnel à l’intérieur de la police ainsi qu’un organe de surveillance au sein duquel siègeront des « civils » chargé de prendre des orientations stratégique en matière de sécurité. Elle permettra, dans certaines conditions, d’engager des agents privés pour certaines missions. Et cette loi met des gardes-fous au caractère des activité des policiers hors service : finis les poses langoureuses devant des drapeaux nazis sur Facebook.

Pour les partis de la droite de la droite, UDC et MCG, il s’agit avant tout de défendre les acquis et avantages d’un corps de métier, celui des policiers. Il faut dire que ceux-ci sont leurs alliés objectifs – voire même leur principaux membres. Pour la gauche de la gauche, en l’occurrence Solidarités et les syndicats, ce choix de soutenir le référendum pose plus de questions. Et ces questions deviennent encore plus pressantes dès qu’on découvre la campagne d’affichage lancée par Solidarités. Admirez !

À la vue de cette affiche, on se dit : « Chouette, si je vote NON, alors les policiers vont être désarmés – le matériel de combat qu’ils portent au quotidien et les carapaces, motards voltigeurs et autres balles caoutchouc qu’ils déploient en manifestation vont être interdits ». Que nenni. Pour Solidarités, en 2015, le terme « militarisation » décrit seulement le fait de passer de deux hiérarchies à une hiérarchie. Les grands penseurs de la gauche genevoise manient les syllogisme comme Charles Beer la sincérité. « L’armée a une seule hiérarchie. La police en avait deux, mais va n’en avoir qu’une. Alors la police, c’est comme l’armée. CQFD »

Commençons d’abord par décevoir la gauche genevoise : Une armée n’a pas forcément une seule hiérarchie. Il est même très fréquent qu’elle en ait plusieurs : la marine, l’armée de terre et l’armée de l’air par exemple. Une armée peut aussi ne pas en avoir de hiérarchie. Il s’agit généralement de choix stratégiques ou idéologiques et qui n’ont rien de spécifiquement militaire. Si un parti à la gauche du parti socialiste à Genève avait une seule hiérarchie avec à sa tête Pierre Vanek, dirait-on de lui qu’il est « stalinien » du fait de cette seule analogie formelle ?

Mais surtout, utiliser un slogan qui s’oppose à la « militarisation » de la police en février 2015 pour faire référence à son organisation hiérarchique, c’est se foutre de la gueule des gens qui luttent – aux USA et en France par exemple – contre la véritable militarisation de la police, c’est-à-dire la diffusion d’armes et de matériel militaire dans les corps de police pour mener des opérations contre les gens qu’il serait censé protéger. Quand Rémi Fraisse est assassiné avec une grenade dans une manifestation d’opposition à un barrage à Sivens en France, quand les policiers américains répriment la vague de colère suite à la mort de Michael Brown à coup de humvee et de M-16, c’est bien là que le domaine du militaire infiltre la police.

Solidarités essaie de séduire l’électeur de gauche en reprenant – de manière pervertie – les mêmes slogans qui ont été brandis dans des manifestations récentes à travers le monde. Mais le soutien de Solidarités au référendum contre la loi n’a que faire des armes ou des violences de la police. En tant que grand parti des fonctionnaires, Solidarités ne peut pas ne pas soutenir un référendum mené par sa base électorale – les employés de l’État et, en l’occurrence les flics. Solidarités rêve peut-être même de devenir le nouveau parti des policiers, et grapiller ainsi – qui sait – des voix aux MCG. À chacun ses rêves.

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