Migrations - Frontières Stop Bunkers Grütli Collectif Sans Retour

[Genève] Communiqué de Sans Retour du 30 Juillet

La police et l’Etat sont en train de tenter de museler le mouvement en arrêtant peu à peu tous les migrants mobilisés. Elle est même venue pas plus tard qu’hier faire son sale boulot rue des Terreaux-Du-Temple, à quelques mètres de la salle du Faubourg où le collectif loge. Au moment où nous écrivons ce texte, six personnes sont actuellement en détention (préventive ou administrative) ou en exécution de peine pour « Séjour Illégal » et, pour certaines, la phase de renvoi vers l’Italie a déjà commencé. Nous exigeons que ce chiffre ne grandisse plus et que ces personnes soient libérées.

Genève |

Depuis janvier 2015, les requérants d’asile se sont mobilisées contre leur placement par l’Hospice général dans les abris de la PCi, les bunkers, ces abris anti-atomiques aux allures de prison, en sous-sol, sombres, étouffants, insalubres. Cette mobilisation ils l’ont faite à travers le collectif Stop Bunkers, aujourd’hui soutenu par un grand nombre d’organisations suisses et internationales. Depuis le début de ce combat, nous avons été systématiquement dégouté.e.s des stratégies utilisées par l’Etat pour tenter de museler ce mouvement de résistance. Cela ne fonctionne pas, et nous avons été toujours plus nombreux.ses à nous unir contre les horreurs que sont les politiques migratoires en place.
L’Hospice a d’abord cru pouvoir évincer le potentiel de Stop Bunkers en relogeant séparément ses membres les plus actifs dans des foyers le plus éloignés possible les uns des autres. Nous avons par la suite dénoncé lors de l’importante mobilisation qui a pu empêcher le renvoi d’Ayop, la tentative méprisable de l’Etat d’expulser hors des frontières helvétiques certains des témoins les plus importants de l’incendie des Tattes. Malgré que cet incendie ait provoqué un mort, plus de quarante blessés et un nombre incalculable de graves traumatismes psychologiques, certaines personnes directement afféctées par cet événement tragique ont été arrêtés et jetées dans des avions alors que les procédures judiciaires n’étaient pas terminées. En ignorant le droit à la justice et en reniant ses devoirs envers ces personnes, l’Etat affichait déjà au grand jour sa volonté d’étouffer une affaire dont il porte l’entière responsabilité.

Aujourd’hui, le Collectif d’occupation du Grütli est confronté à une tension croissante. Ses membres font face quasi quotidiennement à des intimidations, arrestations et emprisonnements de la part des forces de l’ordre et de certains fonctionnaires de l’Hospice général. Leur but, les empêcher de mener cette lutte apparaît de plus en plus clairement.

Anticipant des pratiques répressives que nous savons figurer au catalogue des moyens utilisables par l’Etat contre toute critique de ses politiques, et ayant eu connaissance de leur usage dès le début de l’occupation du Grütli, le collectif a mis l’accent dès nos premiers communiqués (cf. annexe) sur la nécessité de l’arrêt immédiat des persécutions policières à l’encontre des personnes migrantes impliquées dans la lutte. Alors même que des discussion étaient en cours avec elles, les autorités renforçaient la répression. Il est absolument impossible de conduire des négociations alors que la menace de la punition pour avoir participé à un mouvement social est omniprésente. L’exigence de ne pas poursuivre les membres du collectif avait pourtant été acceptée au début du processus, mais elle n’a, de fait, jamais été satisfaite. Pire, la répression s’est intensifiée, particulièrement depuis l’entrée du collectif dans la salle du Faubourg.
Les violences que subissent les membres du collectif sont organisées, légalisées et font partie de l’arsenal de l’Etat. Au premier rang des acteurs de la répression contre les migrants, on trouve l’Hospice général qui sous son visage de dispensaire de l’aide sociale cache une administration gangrénée par la pensée policière et carcérale.
La proximité qu’il entretient avec le Conseil d’Etat et la police montre aujourd’hui que ces trois là ne sont pas des interlocuteurs. Leur coalition n’a pas pour but de rechercher des solutions pour rendre digne la vie des migrants à Genève, mais de faire peur à tous, puis de faire taire ceux qui s’insurgent.

Il existe une collaboration entre les services de sécurité de l’Hospice et la police, manifeste notamment sous les formes de « l’Unité Veille et Sécurité » de l’Hospice et de la « Cellule Requérants d’Asile », qui elle, fait partie de la Police mais est pourtant rattachée à l’Hospice Général et intervient dans tous les foyers, 365 jours par an, 24h sur 24h. C’est d’ailleurs de cette unité, et de son responsable qu’émanent les interdictions de périmètre émises à l’encontre des personnes du collectif ayant été transférées du foyer des Tattes.
Il devient de fait de plus en plus difficile de distinguer les rôles de l’Hospice général, entre répression policière et aide sociale.
Les personnes migrantes détentrices du « papier blanc » (document officiel des personnes frappées de décision de Non Entrée en Matière liée aux accords de Dublin ou déboutées de leur demande d’asile) doivent pointer régulièrement dans les bureaux de l’Office Cantonal de la Population et de la Migration (OCPM), au service joliment nommé « asile et départ ». C’est par là qu’elles peuvent avoir accès à l’aide d’urgence distribuée dans un autre bâtiment. Les membres du collectif, eux, doivent s’y rendre à une fréquence qui oscille entre 3 et 28 jours. L’OCPM peut alors transmettre à la police l’information de la présence d’une personne dans ses bureaux, alors la police vient directement l’arrêter juste devant voire à l’intérieur même du bâtiment. Pour une personne détentrice du « papier blanc », cela signifie qu’à chaque fois qu’elle va chercher ses malheureux 10 francs par jour, aide que la Suisse a obligation de fournir à quiconque est déclaré sur son territoire, elle s’expose à une menace d’arrestation policière suivie d’une probable expulsion du pays.

Nous dénonçons là un instrument de l’Etat particulièrement insidieux : le fait que les impératifs administratifs des personnes, et dont dépend leur survie, servent à la police à les localiser pour pouvoir les arrêter est scandaleux. La paperasse et les fonctionnaires ne sont pas innocents : les forces de l’ordre ne s’appellent pas toutes seules... Distribuer l’aide d’urgence en même temps que la peur, voilà le rôle ignoble et pernicieux dont sont complices la police, l’Hospice général et l’OCPM, au service d’un Etat dont le seul désir est de voir les plus démunis maintenus dans leur position de servitude.

N’ayant pas réussi à essouffler le mouvement dans la durée, l’Etat, par le biais de son bras policier, tente aujourd’hui de le détruire en coulisses, par la répression et l’instigation d’un climat de peur chez les personnes migrantes. Nous ne sommes pas assez naïf.ve.s pour croire au hasard des contrôles. La répression est une des techniques utilisées par l’Etat pour se défausser du problème, pour dynamiter un mouvement que, malgré tous ses efforts, il n’a pas réussi à épuiser. Tout semble indiquer aujourd’hui que l’Etat ne considère le collectif pas comme un interlocuteur avec qui il doit négocier, et de ce fait ne joue pas le jeu des négociations.
L’Etat, et les services de police, afin de mieux nier leurs responsabilités dans l’inhumanité de l’accueil des migrants, tentent de criminaliser les personnes en lutte, qui peuvent être arrêtées pour n’importe quel motif et toujours condamnées à une peine de prison ferme pour infraction à la loi sur les étrangers. Probablement que cela sert l’état dans son racolage très à droite. Mais cette lutte n’est pas une campagne politique, elle est le fait de personnes qui se battent pour leur dignité. Les témoignages que nous recueillons faisaient déjà état de menaces, ils font aujourd’hui état de représailles de la part de la police. « Tu ne serais pas en prison si tu avais accepté le bunker », voilà ce qu’ils entendent.

Nous ne pouvons malheureusement pas divulguer plus d’informations quant aux situations qu’ont vécu ou que vivent les personnes concernées avec la police, ce serait prendre le risque d’augmenter encore la violence qu’ils subissent. Nous avons cependant les preuves qui nous permettent d’affirmer que des personnes ont encaissé insultes et coups, et que ces persécutions sont directement liées à la mobilisation. Nous craignions déjà que leur implication dans le mouvement puisse avoir des retombées sur leurs situations administratives, aujourd’hui nous avons aussi peur que les auteur.e.s des menaces passent de plus en plus à l’acte.

L’Etat semble faire toujours aussi peu de cas des victimes de ses politiques, qui ne sont bonnes qu’à être emprisonnées. Surveiller, dénoncer, diviser, bâillonner, enfermer et tabasser. Voilà les pratiques qui ont cours en coulisses des négociations. Ce sont autant de preuves que l’Etat est visiblement bien plus efficace à trouver des techniques pour briser la communication entre les parties qu’a trouver des solutions que nous attendons toujours.

  • Nous exigeons de l’Etat qu’il adopte une position quant à ces violences qui permettent de continuer les discussions.
  • Nous exigeons la levée des procédures pénales encours à l’encontre de toutes les personnes engagées dans la lutte. La poursuite de négociations ne peut se faire tout en tentant d’en criminaliser les acteurs.
  • Nous exigeons encore la levée immédiate des interdictions du périmètre des foyers concernant les personnes en lutte ainsi que l’abandon des procédures pour violation de domicile qui leur sont liées.

Sans Retour

Annexe : Communiqué du 23.06

Des intimidations inacceptables

Depuis le début de ce mouvement, nous rapportons que les migrants étaient la cible d’intimidations massives de la part des agents de sécurité et des forces de police dans les foyers d’accueil. Les agents de sécurité ont tenté de dissuader les habitants de participer au mouvement. De plus, plusieurs migrants actifs au sein du collectif ont été interpellés par les forces de police. Celles-ci font usage de photographies prises lors de manifestations pour justifier ces interpellations et somment les personnes de s’expliquer sur leur présence. Ces intimidations doivent cesser immédiatement. Nous attendons des autorités qu’elles prennent les mesures nécessaires pour que cela ne se reproduise plus.

La solidarité entre les réfugiés, qui s’exprime au travers d’une implication dans le mouvement, ne peut pas être criminalisée. Cette lutte pour la dignité à laquelle participent de nombreux requérants, doit être
saluée et non réprimée.

P.S.

Pour toutes les informations sur la lutte No Bunkers : https://renverse.ch/Geneve-No-Bunkers-Fil-Infos-206

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