Luttes étudiantes UNIGE

[Genève] L’UNIGE promeut un salaire de 8.45.- de l’heure

Si on est étudiante [1] à l’Université de Genève (UNIGE), il y a forte chance que tôt ou tard on tombe sur le site d’Uni Emploi, le « centre de carrières de l’UNIGE ». Uni emploi est un service de l’UNIGE qui a comme « mission principale d’améliorer les chances d’insertion professionnelle des diplômés de cette institution » et souhaite, en général, être le maillon liant étudiantes, employeurs et l’université.

Genève |

Ce qui rend quasiment incontournable Uni Emploi aux étudiantes est le « portail emploi étudiants », une sorte de marché du travail uniquement accessible à des étudiantes et donc un moyen pour de nombreuses d’entre elles de trouver un job à côté de leurs études. Sur le portail se trouvent des emplois dans de nombreux domaines tels que la vente, l’informatique, les travaux domestiques, l’hôtellerie et le tourisme, la surveillance etc. L’enseignement et la garde d’enfants restent néanmoins toujours les catégories avec la plus grande offre d’emploi. Si on se balade un peu, on se rend compte que la différence des salaires proposés est considérable. À l’intérieur des différents secteurs, mais surtout entre les différentes catégories. Si l’enseignement est souvent rémunéré entre 30 et 40, voir 60 francs de l’heure, et l’informatique à 30, la garde d’enfant, les travaux domestiques ne dépassent que très rarement les 20 francs par heure et restent très souvent bien en dessous.

De très nombreuses offres dans le domaine de la garde d’enfants et de l’aide à la personne proposent un salaire de 15 francs, voir moins, de l’heure. De manière générale, les salaires pour ces travaux féminisés sur Uni Emploi sont extrêmement bas. En effet, Uni Emploi publie un tableau de « salaires indicatifs » pour les employeurs. Sur ce tableau, Uni Emploi propose de payer 16 francs l’heure les « petits services, la lecture ou la conversation ». Ces petits services sont indiqués durant la nuit, de 19h à 8h, c’est-à-dire 13 heures de travail, à 150 francs, ce qui donne un salaire horaire de 11 francs par heure. Pire encore, le forfait de la nuit pour la garde d’enfants est indiqué à 110.-, c’est à dire à 8.45 francs par heure. Ces propositions d’Uni Emploi semblent d’autant plus déplacées quand on considère que la loi sur le travail postule que le travail de nuit devrait être être majoré de 25% par rapport au travail de la journée.

Le baby-sitting et l’aide à la personne sont traditionnellement des travaux associés aux femmes. De nombreuses chercheuses ont montré comment les salaires exceptionnellement bas et les conditions de travail précaires dans ces métiers des soins continuent à être extrêmement répandus. Dans le passé et aujourd’hui, ces tâches sont accomplies gratuitement par des mères de famille. En effet, s’occuper d’enfants et de personnes est considéré comme étant un comportement relevant de l’essence des femmes et soit-disant un plaisir pour celles-ci. Ces postulats permettent de justifier des salaires ridicules, car si “prendre soin de” fait partie de la nature de la femme et que cela lui fait plaisir, il n’est pas nécessaire de la rémunérer correctement. Alors que le salaire minimum n’existe pas en Suisse, l’UNIGE ne fait pas exception aux traitements sexistes et propose alors de payer moins que la moitié de salaire horaire pour ces travaux féminisés que pour des travaux informatiques (où l’université propose 35.- par heure. Le propos de ce texte n’étant certainement pas de demander la baisse de ces propositions de salaires). Si l’informatique est ici une comparaison intéressante c’est notamment par le fait que c’est, nous le savons, un métier s’adressant principalement aux hommes.

L’UNIGE dispose d’une charte éthique qui postule au point 4.c) « L’Université s’engage, de même que chacun des membres de la communauté universitaire, à favoriser un milieu de travail dans lequel les personnes sont traitées avec équité et respect, quelles que soient leurs affectations, leurs attributions ou leurs situations hiérarchiques. ». Pourquoi l’université ne s’intéresse-t-elle pas alors aux conditions de travail des postes proposés aux étudiantes dans sa propre agence de travail ? Le « service égalité » de l’université qui a comme premier mot d’ordre que « l’égalité fait partie intégrante de la politique universitaire » n’évoque dans son "plan d’action" de 43 pages aucune fois les jobs d’étudiantes. Pourtant, l’Observatoire de la vie étudiante écrit sur sa page d’accueil que « l’exercice d’une activité rémunérée, le niveau de vie, la dépendance ou l’autonomie financière » parmi d’autres sont des dimensions qui ont un « impact sur la persévérance et la réussite des études » et en conséquence, de la carrière universitaire. Les statistiques montrent aisément que plus on avance dans les carrières universitaires, moins les femmes sont représentées. [2]
La manière UNIGEienne de traiter les problèmes « d’égalité » semble être de mettre en place des services, des délégations, des commissions, un département en études genre qui, chacun de leur côté, délibèrent, recherchent, mesurent, quantifient, pointent le doigt et mettent en place des statistiques, prix et chartes. Il semble en effet passablement grotesque qu’entre ce trop plein d’institutions universitaires il soit monnaie courante de proposer à leurs étudiantes adultes en Suisse un salaire de 8.45 francs de l’heure. Témoignage de la manière abstraite, formelle et profondément élitiste que les différentes institutions universitaires traitent la question "d’égalité", les réalités de leurs étudiantes et le marché du travail discriminant femmes, pauvres et étrangères.

Notes

[1tous les termes féminisés se comprennent aussi au masculin.

[2si les femmes représentent plus de 60% du corps étudiant, elles forment autour de 15% des professeures

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