Police

[Genève/Suisse] Quand la police subit les bunkers, on rigole

Des policiers romands ont adressé une lettre à l’état major de la police genevoise pour se plaindre de leurs conditions d’hébergement en abris PCi lors du déploiement du dispositif pour la venue des chefs d’Etat turque et chinois en Suisse. C’est l’occasion de rire de ces arroseurs arrosés et de rappeler que des migrant.e.s luttent depuis plus de deux ans pour la fermeture de ces bunkers dans lesquels l’Etat les enterre : un rayon de soleil d’un weekend plutôt froid !

Genève |

Vendredi 13 janvier 2017, la RTS révèle que des policiers romands ont adressé une lettre à l’Etat major de la police Genevoise pour se plaindre de leurs conditions d’hébergement lors de leur passage dans la cité du bout du lac Léman. Les autorités auraient fait venir près de 300 policiers en renfort à Genève dans le cadre de la venue des chefs d’Etat turcs et chinois en Suisse.

La cause de leur mécontentement ? - Les policiers ont notamment été hébergé dans des abris de protection civile (appelées aussi « bunkers ») insalubres, infestés de punaises de lit, sans réseau et en manque de chauffage et d’eau chaude. « Cerise sur le gâteau » nous dit la RTS : les pandores se sont fait servir de la nourriture avariée. Résultat des courses : une dizaine de policiers ont dû être hospitalisés en pleine nuit !

Cette banale mésaventure de la vie de policiers est triplement drôle et voici pourquoi :

Tout d’abord, il faut rappeler que l’hébergement en abris PCi est principalement réservé par l’Etat aux SDF et aux migrant.e.s. En ce qui concerne ces derniers, un mouvement de dénonciation des conditions d’hébergement de ces « bunkers » existe depuis de nombreuses années et il a pris une ampleur particulière depuis deux ans (voir par exemple https://stopbunkers.wordpress.com/). Depuis le début du mouvement, des militant.e.s, mais aussi des médecins, psychologues ou juristes ont démontré en long et en large l’horreur de l’hébergement sous terre, en particulier lorsqu’il est de longue durée et que le migrant.e.s ne savent pas quand ils pourront en sortir.

Ces mouvements, qui dénoncent une politique d’exclusion et de brimades délibérées envers les migrant.e.s, se sont heurtés à un argument aussi stupide que récurrent sur la question des bunkers : il arrive que les recrues suisses à l’armée soient également hébergées dedans durant les premières semaines de leur conscription et elles ne se plaindraient prétendument pas. Sous-entendu : les migrant.e.s exagèrent. Bien que l’argument ait été démonté sur le fond, il continue de sortir épisodiquement dans la bouche des réactionnaires en tout genre. Le fait que des policiers se plaignent aujourd’hui de quelques nuits passées en abris PCi sonne comme une belle baffe à donner à toutes les personnes de mauvaise foi susmentionnées, surtout quand on sait que certaines personnes en exile ont parfois vécu 18 mois sous terre !

Deuxièmement, les militantes et militants du mouvement "No Bunkers" (devenu Perce-Frontières) qui avaient occupé durant l’été 2015 le théatre du Grütli pour protester contre des transferts dans ces abris PCi se souviennent de la répression mis en oeuvre par cette même police.

(et vous pouvez toujours courrir pour qu’on vous prête not’ belle banderole !)

Perce-Frontières organise d’ailleurs une manifestation à Genève le 27 janvier 2017 à 17h 30 à la Promenade Treille notamment pour dénoncer le fait que les bunkers sont toujours ouverts. En effet, dans ce scandale suisse contemporain que sont l’hébergement en abris PCi, les autorités genevoises s’illustrent particulièrement en continuant d’y parquer près de 300 migrants (hommes) malgré une baisse drastique des demandes d’asile en 2016 résultant… d’accords passés entre l’Union Européenne et le chef d’Etat turc Recep Tayyip Erdogan qui ont abouti à une fermeture relative des routes migratoires par les Balkans.

Ce qui amène au troisième motif de rire du malheur de ces policiers qui ont mal dormi :

Il faut le rappeler, cette force répressive était exceptionnellement déployée à Genève suite à la visite du chef d’Etat chinois Xi Jinping et du Président turque Recep Tayyip Erdogan. La presse a fait grand cas de la visite du premier qui, on l’apprend, consisterait en la signature de traités de libre échange et de coopération internationale. Ceux-ci semblent importants au point que les autorités sont prêtes à mettre le paquet pour donner une image lisse du pays et ne surtout pas reproduire la « crise » de 1999 lorsque le président chinois de l’époque avait été sifflé par des manifestant.e.s pro-Tibet.
Dans la même veine, les pratiques dictatoriales du dirigeant turc quant à lui, étaient justement contestées par de nombreux groupements et le résultat a été la répression violente d’une manifestation sauvage à Genève dans la soirée du jeudi 12 janvier par nos pandores mal-logés.

Ainsi les autorités suisses se sont montrées particulièrement zélées pour déployer un appareil policier musclé dans un souci d’accueillir deux figures du capitalisme autoritaire. Paradoxalement, au cours de cette opération de com’ sur l’image du pays à des hôtes de marque, les autorités ont involontairement mis en lumière un aspect qu’elles aimeraient mieux garder caché de sa politique migratoire. Elles ont fait subir à sa police si chérie, un aperçu (très modeste) d’une des applications de cette politique : les conditions inhumaines de l’hébergement réservé aux personnes migrantes.

Nous devrions tout de même le relever… et nous fendre la poire.

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