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Journalisme suisse : Nous irons cracher sur ta tombe

Le groupe capitaliste Ringier Axel Springer Media SA a récemment annoncé des plans sociaux chez deux titres qu’il exploite en Suisse romande - écrémage serré au sein de la rédaction de Le Temps et disparition de L’Hebdo. Cela s’inscrit dans le sillage de licenciements chez “24 Heures” et “La Tribune de Genève” en novembre. Ce travail de rationalisation économique – cette réduction de la masse salariale pour maximiser le profit qui est la routine même du système dans lequel nous vivons - a provoqué une vague d’émoi en Suisse romande qui rend perplexe. Politicien-nes de tous bords et journalistes de toutes les rédactions en appellent à une réaction forte face à une supposée “crise de la presse”. Mais au-delà de l’impact délétère sur les conditions de vie des licencié-es, doit-on vraiment pleurer la mort lente de journaux qui n’ont été que les laquais des intérêts qui les détruisent in fine ? Non, cette mort lente d’une certaine presse ne peut que nous réjouir.

Suisse romande |

À part l’amour irraisonné du plein-emploi, quel étrange aveuglement peut pousser des député-es estampillé-es “socialistes” à souhaiter la sauvegarde de deux journaux qui sont les portes-paroles directs des intérêts bourgeois ? Le libéralisme rance et dérangé d’un Guy Sorman qui avait sa tribune dans l’Hebdo ou les délires racistes et sécuritaires de Marie-Hélène Miauton dans le colonnes du Temps ne sont pas des espèces en voie de disparition qui méritaient un plan de sauvegarde. Bien au contraire...

Rappelons que L’Hebdo avait une fascination malsaine pour les élites et organisait chaque année un pathétique « Forum des 100 » - un Atlas Shrugged à la Vaudoise. Cette petite sauterie qui souhaitait célébrer les Romand-es qui’-n’en-veut, invitait des orateurs-trices prestigieux-ses comme un certain François Fillon [sic] pour célébrer des Romand-es tout aussi prestigieu-ses – qui vont d’un extrême à l’autre en passant par le centre – de Céline Amaudruz à la Gale en passant par Joël Dicker. Des personnalités dont le seul point commun semble être un égo surdimensionné qui aime s’afficher dès qu’il peut. Une vague pile d’histrions égocentrés et de managers cokés, voilà la conception d’un riche débat d’idées qu’avait L’Hebdo. Nous sommes heureux qu’il soit mort.

Le Temps et ses collaborateurs-trices ont, pour leur part, toujours célébré un libéralisme béat, qui leur est revenu dans les dents. Quel plaisir d’entendre Michel Danthe, ex-représentant de la société des rédacteurs et du personnel de Ringier Axel Springer, verser des larmes de crocodile au micro de la RTS en comparant le agissements de son éditeur à l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie. Pour rappel, Michel Danthe, c’est celui qui célébrait récemment la valeur des contrôles au faciès. Ou celui qui nous avait régalé par sa bêtise en décembre 2015 en pleurant Genève, “saccagée par les agissements de protestataires de gauche qui ne cherchent qu’une chose : l’affrontement et le chaos”. Et bien mon gars, c’est de ta droite, de celles et ceux que tu servais avec docilité qu’est venu ton propre chaos. Savoure-le, tu l’as bien mérité.

Nous assistons à une recomposition violente de la sphère médiatique. Des “fake news” aux “alternative facts” en passant par la mort du papier, l’explosion du web et de la gratuité, le journalisme traditionnel se meurt. Mais si cette mort peut nous libérer du mythe d’objectivité et d’intégrité qui était associé à ce métier et dynamiser la production de médias qui n’ont pas peur de prendre parti dans les luttes en cours, si cela peut faire que naisse une certaine conflictualité dans cette paix sociale de façade helvétique, alors célébrons la mort des journalistes.

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