Répression - Enfermement

Il y a dix ans, l’État assassine...

Il y a dix ans, le 11 mars 2010, Skander Vogt mourrait asphyxié dans sa cellule de la prison de Bochuz dans le canton de Vaud. Le 17 mars de la même année Joseph Ndukaku Chiakwa, un requérant d’asile débouté est décédé sur le Tarmac à Zurich lors de son expulsion de force. Puis le 17 avril Umüt Kiran, un voleur de voiture 18 ans, est tué par un policier vaudois d’une balle dans la tête. La responsabilité de l’état ne fait aucun doute dans ces trois assassinats représentatifs du système répressif Suisse. D’un côté le système carcéral, d’un autre côté le système de “l’Asile” et pour finir la police et la violence qui va avec. Pour être complets, nous devrions aussi parler du système judiciaire. Dix ans après, les procédures judiciaires suivant ces trois affaires sont toutes closes, et elles ont le mérite d’avoir démontré que le travail de la justice, dans ce genre de cas, consiste principalement à blanchir l’état et ses sbires.

En 2010 ces affaires avaient fait pas mal de bruit, un rassemblement avait eu lieu à Lausanne puis une manifestation à Fribourg ou le frère d’Umüt était incarcéré. Rien n’a changé depuis, en 2016 c’est Hervé Mandundu qui mourrait entre les mains de la police, en 2017 Lamine Fatty et en 2018 Mike Ben Peter. Il y a aussi tous les cas dont nous n’avons pas connaissance car la violence de l’état, de sa police et de ses prisons se reproduit chaque jour.

Renversé publie ici l’appel à un rassemblement qui à eu lieu à Lausanne le 6 mai 2010. S’il parle uniquement du cas de Skander c’est certainement qu’il a été écrit avant que les deux autres événements tragiques aient lieu. Si vous avez connaissance d’autres textes ayant été produits à l’époque, n’hésitez pas à les publier.

Lausanne |

La nuit du 11 mars un assassinat se déroule dans la prison Bochuz (VD). Un jeune de 30 ans a été laissé crever comme un animal dans les rires des forces de l’ordre.

Skander Vogt : homme

Skander Vogt, entre en prison quand il a 18 ans pour des faits « graves » mais non-criminels. On pourrait chercher les raisons de ces actes dans une situation familiale catastrophique, la mort de sa mère à l’âge de 3 ans et l’abandon de son père peu plus tard mais on ne s’y attardera la dessus ici pour respecter sa volonté « Je refuse d’utiliser mon enfance comme excuse, je ne veux pas susciter la pitié ».
En tout cas Skander Vogt est condamné à 20 mois de prison mais il restera derrière les barreaux pour plus de 12 ans à cause d’un système carcéral et judiciaire honteux et inhumain. En fait l’article 43 du code pénal suisse permet de priver le condamné du droit à la liberté à l’expiration de la peine prononcée, et ce, pour une durée illimitée, si « en raison de son état mental, le délinquant compromet gravement la sécurité publique ». On peut déjà se demander de quelle manière on évalue la dangerosité et la santé mentale d’une personne enfermée. Spécialement quand l’accusé ne se considère ni dangereux ni fou, et qu’il ne se montre jamais violent contre d’autres personnes en prison. Ses insultes et menaces restent toujours verbales.
Bref, l’unique faute pour laquelle cet homme est condamné à la torture de la prison pendant plus de 3700 jours c’est de ne pas supporter la violence d’être traité comme un chien par ses surveillants, c’est de ne pas avoir renoncé à sa dignité d’homme. Comme il dit lui-même dans une missive adressée au journal Le Matin en décembre 2008 « Je ne peux nier avoir commis certaines choses méprisables dans ma jeunesse… mais je ne peux ni ne veux regretter d’avoir remis à leurs places des membres du personnel carcéral, pénitencier, qui, par ivresse de pouvoir, tentent de m’écraser et de se servir de ma dignité comme paillasson ».
En effet Skander a passé toute sa vie adulte dans des conditions effrayantes, il est 23 h sur 24 en cellule, il sort enchaîné et il n’a aucun contact avec les autres détenus, l’accès au téléphone lui est limité et une vitre le sépare du reste du monde lors de chaque visite.
De plus, comme à plusieurs reprises il le dénonce publiquement, il est victime d’un violent racisme : certains gardiens crachent dans son verre d’eau, d’autres hurlent « Vive Hitler ! », en s’adressant à lui.

Ce maudit Jeudi
Le 11 mars 2010 à 1:00h Skander Vogt boute le feu à son matelas pour protester contre le dernier abus de l’autorité carcérale (la confiscation de sa radio).
Les flics attendront 40 minutes avant de mobiliser les secours, en particulier la DARD (Détachement action rapide et dissuasion) chargé de gérer les détenus "dangereux". Personne n’entrera dans la cellule de Skander avant 90 minutes après le début de l’incendie, temps pendant lequel Skander respire l’épaisse fumée présente dans sa cellule. Sa mort sera constaté à 3:00h.
La manque de volonté de sauver Skander des flammes est éclatant, cela émerge clairement des enregistrements des communications entre les différents corps chargés de sa sûreté. Alors qu’un homme mourait dans d’horribles souffrances, on peut entendre plusieurs fois dans les enregistrements téléphoniques le personnel de la prison et la police rire, appeler le détenu « connard » ou « crapule » et commenter que « il peut crever » et que « cela lui fait du bien ».

La société le condamne, l’état l’assassine
Les faibles réponses des autorités à ce scandale ne font que confirmer nos convictions. Préoccupées principalement d’étouffer l’affaire, on a évité d’en parler jusqu’à ce que la famille de Skander cherche à faire la lumière sur la vie et la mort de leur proche. S’ensuit que le conseiller d’Etat Philippe Leuba, sous pression médiatique, a été contraint d’agir et qu’il charge la cheffe du Service pénitentiaire, Catherine Martin, de mener une enquête administrative, autrement dit de condamner ses gars. Le conflit d’intérêts était tellement évident que le conseiller est obligé de promettre une enquête interne indépendante, qui sera pourtant confiée à l’ex-juge cantonal à la retraite François Jomini. Ce même Jomini est en fait aussi président de la Fondation vaudoise de probation, dont Catherine Martin en est la vice-présidente. Une détestable proximité qui ne promet guère d’indépendance !
Quant à nous, ces ridicules tentatives de se sauver la face médiatiquement ne nous intéressent pas.

On connaît déjà les coupables. La société du contrôle et de la répression est le commanditaire de cet assassinat, les petites gens qui vivent d’inertie en sont les complices et la flicaille en est l’exécuteur. Encore une fois l’état tue, et l’assassin ne se condamne évidemment jamais soi-même.

Un jour vous vous rendrez compte de l’énormité que vous avez accomplie en vous arrogant le droit de violer la liberté des hommes par ce qu’ils violent de la propriété. Et vous aurez honte.

Les prisons existent seulement pour que ceux qui sont dehors croient être libres.

VERITE POUR SKANDER VOGT,
LES ANARCHISTES N’OUBLIENT PAS !

Pas de justice,
pas de paix. Jamais.

Rassemblement :
6 mai 2010 à 18h, place Saint-François (Lausanne)

Notes

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