Mercredi 30 mars à cinq heures du matin, nous avons été expulsé-e-s. Dans le silence de la nuit, quand personne ne peut voir, à l’abri des regards, lorsque tout est permis. Nous le savions depuis quelques jours, l’expulsion était imminente. Pourtant, on arrive toujours pas à le croire. On arrive pas à croire que la rue était bouclée, remplie de fourgons, et que c’est le DARD, boucliers, armés, qui est venu nous réveiller. On arrive pas à croire qu’iels ont osé envoyer une unité spéciale grimper par les balcons pour péter des vitres et défoncer des portes à coup de bélier pour nous déloger, défoncer des portes derrière lesquelles se trouvent des familles avec des enfants en bas âge, traumatisé-e-s. On arrive pas à croire qu’il y a un flic qui a osé, devant une enfant de deux ans qui pleurait, lancer "Elle a quoi, elle a faim ou quoi ?". On arrive pas à croire que la police a refusé l’accès à l’insuline à une personne diabétique, qui finalement, sur le point de s’évanouir, a été amenée vers l’ambulance. On arrive pas à croire qu’une personne a fait une crise d’asthme et n’a pas été aidée. Nous avons été traité-e-s comme des terroristes, certain-e-s d’entre nous plaqué-e-s au sol. Nous avons été immobilisé-e-s, nos affaires personnelles ont été fouillées, on ne nous a pas permis de savoir l’heure qu’il est, de boire de l’eau. Certain-e-s d’entre nous, y compris des enfants, qui ne sommes pas francophones avons été séquestrées plusieurs heures dans un local des pompiers pour être fouillées et identifiées, sans comprendre ce qui allait nous arriver ensuite, car on nous a refusé un-e interprète. Les flics ne nous ont donné aucune information, ne nous lachaient pas une seconde pendant toutes ces heures, même pour aller aux toilettes. D’autres personnes d’entre nous ont été emmené-e-s au poste de police dans de toutes petites cages métalliques d’une fourgonnette, où il n’est pas possible de bouger, et avons ensuite été placé-e-s en cellule, en garde à vue pendant trois heures, sans savoir vraiment pourquoi.
On arrive pas à croire qu’au moment où certain-e-s d’entre nous - même avec des enfants à charge - avaient trouvé un toit qui nous évitait de dormir dans la rue, la Municipalité nous menace de couper eau, électricité et chauffage, d’arracher les fenêtres et qu’une assistante sociale nous fournisse comme « solution » une liste de numéros de téléphone d’agences immobilières et les tarifs d’un camping de la région… On arrive aussi juste pas à croire que dans quelques jours, ces maisons seront réellement détruites, pour planter un champ de tournesols à leur place… Et puis que nous avons réellement été mis-e-s à la rue, et que tous les jours nous devrons chercher un endroit où dormir alors que nous avions un logement. Et pas seulement un logement, nous y avions nos vies, un local dans lequel nous organisions des activités collectives, un jardin que nous avions commencé à cultiver.
Si, en fait, on peut y croire. Car toutes les autorités du monde, de droite comme de gauche, ne connaissent qu’un seul langage, celui de l’oppression. Car la Municipalité de Renens, comme tous les propriétaires, n’a d’intérêt que son portemonnaie. Comme toutes les autorités démocratiques, elle justifiera sa violence par des beaux discours et des articles de loi. On peut y croire, car l’oppression et la répression, nous la subissons tous les jours. Mais la colère monte. Il y a des responsables, iels ont des noms et des adresses.